Black and White

Chap 10

CHAPITRE 10

Cela fait déjà deux jours que je me suis remis. Du moins, physiquement. J'ai pu me décider à sortir, vu que j'avais moins mal et les bleus de mon visage commençaient à disparaître. Mais moralement, ce n'était pas trop ça. C'est pourquoi je me suis offert ces deux jours de congés, ou de confinement plutôt. Les remontrances de Jessy n'ont rien changé à ma position. J'ai passé tout ce temps dans mon coin, à réfléchir à ma situation.

Alors, je suis sorti de la maison ce matin avec la ferme intention de me trouver un logis. Je sais qu'il sera très difficile de tout gérer, vu que je n'ai pas assez de moyens, mais je me dois de faire quelque chose, d'avancer d'un pas aussi petit soit-il. Je me suis renseigné sur des petits appartements en ligne et j'ai prévu en visiter quelques uns aujourd'hui après les cours. Je ne sais pas encore quand est-ce que je le pourrai, mais il faut à tout prix que je quitte l'appartement de Chris avant que les choses ne s'empirent. Cette bastonnade a eu comme l'effet d'une douche froide qui a lavé toutes mes illusions. Moi qui croyais que je pourrais faire la forte tête et supporter Chris, je me suis lourdement trompé. Actuellement, je n'ai plus envie de discuter quoique ce soit, ni de m'imposer dans un environnement qui n'est pas mien, ni d'être un parasite. Je ne vais pas attendre qu'on m'envoie dans le coma pour me décider à m'éloigner.

Il était environ midi quand j'ai quitté le campus pour aller à mon cours de langue. Vu que parle déjà très bien anglais, j'ai prévu arrêter les cours pendant un certain temps, pour pouvoir économiser un peu lorsque je déménagerai. C'est dommage parce que j'aurais voulu continuer plus longtemps.
Le cours terminé, je prends un taxi pour ma première visite. C'est à Manhattan que j'ai choisi de trouver un appartement. C'est vrai que c'est un peu osé comme choix, vu la splendeur de ce coin chic, mais c'est de ce côté là que ce trouve notre campus. Alors j'ai décidé de prendre le risque et limiter ainsi la distance pour l'école et le boulot qui ne se trouve pas très loin non plus. Tout a été question de stratégie; ces deux jours de congés m'auront bien servi.

Dans le premier immeuble où je suis allé, les frais étaient bien abordables pour le petit studio meublé que je voulais, mais le propriétaire n'a pas voulu de moi dans ses appartements. D'ailleurs, les regards qui se posaient sur moi m'intriguaient assez. Je n'ai pas directement pensé que le problème venait de ma couleur de peau, parce qu'il y avait aussi quelques Noirs dans cet immeuble. Mais j'ai été bien fixé lorsque le proprio m'a dit que les prix étaient trop élevés pour quelqu'un comme moi -- j'ai d'abord pensé " comme moi comment ? " Donc ça se voit tellement que je suis fauché ? -- avant d'ajouter qu'il y a dans le coin un immeuble de Noirs où je pourrais trouver mon compte. Je n'ai rien ajouté et je suis parti.
Dans le second, c'était vraiment pas mon niveau. Genre j'ai vu les prix en ligne, mais c'est comme si en les entendant, ça sonnait plus cher. Le troisième était plus intéressant et la décoration était simple et belle. Je me suis promis de repasser.

En marchant dans le quartier pour rentrer, j'ai aperçu une pancarte près d'une boîte postale qui disait qu'il y avait une chambre à louer. Il n'y avait pas de portail. C'était juste un escalier entouré par un petit jardin et qui menait à une grande porte. Après plusieurs réflexions, je me suis avancé et j'ai appuyé sur la sonnette.

J'ai attendu pendant une minute, mais personne n'est venu alors je me suis ravisé. De toutes façons, je n'aime pas déranger les gens.
J'avais déjà le dos tourné lorsque j'ai entendu la porte s'ouvrir. C'est une belle femme brune de la quarantaine environ qui venait de m'ouvrir. Elle me fait un sourire des plus chaleureux et accueillants, ce qui me rassure.

- Bon... bonsoir Madame.

- Bonsoir. À qui ai-je l'honneur ? En quoi puis-je t'aider mon garçon ?

- Je... C'est pour la chambre à louer Madame, dis-je en pointant du doigt la pancarte derrière moi.