Chapitre 11

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Le temps lui était rarement parut si long, si lourd. L'attente insupportable d'un miracle, ou d'une condamnation. Sans compter cette jalousie qui s'était emparée d'elle. Ce serait folie de croire qu'elle ne pourrait jamais aller voir ailleurs. Elle ne lui en voudrait pas, mais elle faisait tout pour que ça n'arrive pas. Parfois elle se jugeait minable envers Nelly, l'impasse dans laquelle elle nourrissait ses sentiments finirait par lui éclater au visage. Elle ne savait pas maîtriser cette envie de poser sur elle son emprunte sans savoir ce qu'elle convoitait réellement. Aucune n'avait conscience de ce qu'elles avaient demandé. Il était plus simple de fermer les yeux et de fuir. Longtemps elles avaient fui, mais le voile de l'illusion s'étiolait à petit feu.

Nelly invita les derniers spectateurs à quitter le hall, elle entra dans la salle de spectacle pour aider les comédiens à ranger leurs affaires, ramasser ce que le public avait laissé derrière lui, remonter tous les sièges. Habituellement elle le faisait dans une certaine bonne humeur. Cet instant signifiait que l'heure de rentrer chez-elle pointait. Aujourd'hui elle ralentissait la cadence dans l'espoir qu'à la fin Noémie aurait disparue et que ce n'était qu'un mauvais rêve.

Ce que nous redoutons le plus finit toujours par arriver. En sortant de la salle après que tous presque aient quitté les lieux avant elle, il ne restait qu'elle, le régisseur qui fermera le théâtre jusqu'au lendemain, et Noémie toujours prostrée sur sa main.

— Elle est avec toi ? demanda Julien le régisseur incertain.

— Oui, elle est venue me chercher.

— D'accord. Allez-y vite avant que je vous enferme, plaisanta-t-il.

Nelly força un sourire amusé avant d'aller récupérer ses affaires dans le bureau sans conviction. Il serait mal poli envers Julien de prendre ici tout son temps afin de retarder l'inéluctable. C'est avec cette désagréable sensation qu'elle rejoignit son amante dans le hall ses sacs à la main. Tout en elle désirait être ailleurs. Qu'avait-elle imaginé ? Pourquoi semblait-elle si en colère et en même si désemparée ?

— Allons-y, annonça-t-elle le plus doucement possible retenant comme elle pouvait la douleur de l'appréhension.

Noémie abandonna d'un sursaut sa léthargie. Elle regarda le visage fatigué de son élève avec désolation, sans pouvoir retirer de son estomac le poids de sa jalousie réveillée par cette femme blonde. Elle ne pourra pas non plus ignorer les larmes qu'elle a essuyées sur Nelly.

Elle la rejoignit sur le perron tandis qu'elle s'allumait une cigarette, une très attendue à en croire par son premier soupir enfumé.

Elle l'entraîna à sa suite l'informant qu'elles allaient chez-elle par soucis pratique. Nelly la suivit en silence, tirant sur sa clope telle une droguée. Dans ce calme relatif personne ne soupçonnerait ce qui se distordait en elles. Néanmoins, sans confondre la notion de calme extérieur avec celui de leur intériorité, elles l'apprécièrent chacune à leur façon. Il permettait aux ardeurs de se tempérer à défaut de se taire.

L'appartement de Noémie était vide. Cela rappelait non sans un sourire heureux, leur première nuit d'amour. Ce jour où Nelly avait cédé à son cœur faisant fi de ses alarmes, appuyée par l'assurance de son aînée. En dépit de son inexpérience avec les femmes elle s'était montrée convaincante. L'assurance de ses sentiments sans doute. Forte des certitudes qu'elle avait lues dans ses yeux, forte de ses propres émotions, elle s'était abandonnée en toute confiance à ce plaisir interdit. Ce serait-elle trop abandonnée ?

La maîtresse des lieux, tournée vers sa baie vitrée, hésitait à entamer la conversation. Elle était pourtant bel et bien la plus adulte des deux. Le tourbillon n'était pas loin, elle le sentait aller et venir, naître et mourir à la vitesse de la lumière.

Histoire de profOù les histoires vivent. Découvrez maintenant