Chapitre 4

49 6 4
                                    

Assez rapidement, l'Impératrice Carolina fut piquée d'intérêt pour la jeune fille, qui suivait son père partout dans ses affaires. Elle avait remarqué son humilité et son sens du devoir. À l'âge de quinze ans, elle la demanda à son service. Le Duc avait hésité, craignant que la jeunesse de sa fille lui fasse défaut. Giselle, sérieuse dans ses tâches, avait refusé. Mais l'Impératrice fut si douce et patiente dans ses arguments que la famille de Madalberth céda. Giselle continua alors son éducation en même temps que son service à la cour.

 Au début mal à l'aise à la capitale, Giselle s'y retrouva finalement comme un poisson dans l'eau. Elle comprit vite la nécessité d'être en pleine lumière, alors que ses parents venaient de divorcer.

 Le Duc était un homme de petite taille, à la tête très ronde et aux cheveux grisonnants. Le dos tordu et les bras légèrement asymétriques, il se déplaçait même parfois en crabe. Giselle avait hérité de sa mauvaise constitution. S'il menait son rôle et ses travaux d'une main de maître, le Duc n'avait en revanche aucune autorité sous son toit et se montrait quelquefois lâche envers les femmes. Sa première épouse, qu'il avait ardemment aimée dans sa jeunesse, l'avait quitté du jour au lendemain pour se rendre au couvent et prendre le voile. C'était une femme de caractère et insatiable, mais intelligente. Le Duc finissait par toujours lui céder. Elle avait transmis à Giselle un certain entêtement.

 Leur divorce fit évidemment jaser et couler beaucoup d'encre dans les journaux, on voulut savoir pourquoi la Duchesse de l'une des plus grandes familles avait préféré abandonner homme et enfants pour se consacrer à la prière. Il planait sur la famille une ombre de honte.

 L'Impératrice Carolina eut le nez fin, l'entrée dans le monde de Giselle fut vite remarquée. À dix-huit ans, date à laquelle Giselle devait prendre des fonctions plus officielles à Hautebröm, la famille impériale lui demanda d'accepter des fiançailles avec le troisième héritier à la couronne.

 Giselle avait donné son accord, les joues roses. Cela faisait longtemps qu'elle et Dusan avaient des sentiments partagés.

 Ses efforts ne s'arrêtèrent donc pas là. Après avoir finalisé l'apprentissage lié à son rang de fille de Duc, Giselle dut commencer celui de Princesse de l'Empire. Elle s'y plongea pleinement. C'était une travailleuse acharnée, toute dévouée à ses tâches. Elle ignorait tout des après-midis à flâner dans les jardins ou des journées de vacances en bord de mer. Elle n'avait dans tous les cas personne pour l'accompagner, Giselle était seule, et avait peu d'amis.

 La jeune femme soupira, repensant malgré elle aux innombrables choses qu'elle avait à faire après le déjeuner. Elle allait sans doute devoir déléguer certains sujets à Iphigénie, sa belle-mère.

 La voiture s'arrêta aux marches de l'église. Des badauds s'écartèrent, peu habitués aux manœuvres des véhicules à moteurs. Celle-ci, prêtée par l'Empereur Auguste en cadeau de fiançailles, était luxueusement rutilante.

 Giselle regarda la haute façade blanche merveilleusement taillée avec un sourire. Le chauffeur ouvrit la portière et lui offrit son bras, tout en lui intimant de prendre garde à ne pas glisser sur les pavés.

 Elle monta les marches prudemment et observa autour d'elle les magnifiques maisons qui entouraient la place. La cité de Lengelbronn était splendide, même en hiver. Déjà, une foule toute vêtue de blanc arrivait et les cloches se mirent à sonner. Une bouffée d'émotion la submergea.

Giselle entra, dans l'immense bâtisse résonnaient les échos d'une douce musique religieuse. Elle vit de loin le groupe des dames de compagnie impériales et avisa Carolina.

 Le sol était dallé d'une pierre grise, lissée par les milliers de pas qui s'étaient pressés ici. Sur les murs s'étiraient des fresques colorées, scintillantes dans la lumière du jour encore jeune. De magnifiques vitraux centenaires veillaient sur la solennité du lieu.

 Au milieu de l'église, après le par-terre de bancs et de sièges agencés pour les fidèles, se trouvaient une pelouse verte, avec une herbe grasse bien entretenue. Et en son centre un arbre, baigné par les rayons du soleil. Giselle s'en approcha d'un pas rapide. Elle prit place en saluant le groupe selon les usages, légèrement éblouie. Au-dessus de leur tête, une immense coupole en verre était soutenue par les voûtes de pierres, savamment construites dans tout le bâtiment. Le toit, transparent, recouvrait l'assemblée ; quelques branches effleuraient les vitres.

 La Prêtresse, le visage encadré par un voile ocre et blanc, regarda l'Impératrice et fit un geste aux Sœurs présentes. Peu après, une foule s'engouffra dans le lieu saint.

 Dalstein était l'un des Empires les plus vastes et les plus prospères du monde. La lumière dans nos racines était sa devise. Son influence diplomatique et culturelle rayonnait sur le globe. Depuis des siècles, le pays se distinguait par ses sciences et ses avancées dans la médecine.

 Mais ce qui faisait la particularité et l'influence de Dalstein, était sa religion. Car au sein de leur église, le Dieu qu'ils vénéraient était une femme.

 Car au sein de leur église, le Dieu qu'ils vénéraient était une femme

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.
Le sang de l'Impératrice [ EDITE EN LIBRAIRIE ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant