Chapitre 18

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— Je dois partir, dit Constance avec tristesse.

— Oui, le devoir t'appelle ! plaisanta Léonie avec un air complice.

Constance quitta la chambre d'un pas précipité, sous le regard noir de la vieille servante. Elle prit quelques secondes pour s'arrêter derrière elle et lui tirer la langue.

La jeune fille longea les couloirs froids, ses foulées légères étaient étouffées par les tapis brodés. Elle frappa sans motivation la porte de Giselle.

— Votre Grâce, êtes-vous bien rentrée ?

— Oui. Je souhaite rester seule, j'ai énormément de travail à faire encore. J'ai déjà dîné.

— Très bien, votre Grâce, répondit Constance d'un ton acerbe.

Toujours aussi peu aimable..., marmonna la jeune bonne en allant rejoindre les serviteurs dans les cuisines.

Léonie entra dans le salon et fut éblouie par les grandes lumières allumées. On avait tiré les volets et les rideaux pour freiner les frimas du dehors.

— Il fait si froid aujourd'hui, ma fille tu dois être gelée, dit Iphigénie, une soupe chaude te fera le plus grand bien !

— Gisèle ne se joint pas à nous ? demanda le Duc à la cantonade.

Un silence lui répondit. Le Majordome osa finalement s'avancer :

— Votre Grâce, Mademoiselle Giselle nous a informés avoir déjà dîné à l'extérieur et qu'elle souhaitait encore terminer ses tâches.

Le Duc hocha la tête, embarrassé. Iphigénie fronça du nez et se tourna vers son mari :

— Elle nous ignore de nouveaux, pesta-t-elle.

— Allons, elle est sans aucun doute nerveuse, avec l'arrivée du mariage.

— Si elle doit s'enfermer à chaque nervosité, je ne donne pas cher de son efficacité en tant que future épouse !

Léonie esquissa un sourire. Sous ses airs imperturbables, elle savait Gisèle très sensible.

— Commençons à manger, dit le Duc en faisant signe au valet de pied d'apporter le premier plat.

Le repas se déroula sans un mot, le Duc sirota sa soupe à la cuillère, faisant sans doute du bruit pour se forcer à ignorer le comportement de sa fille. Depuis son remariage, il reconnaissait qu'il avait du mal à la saisir. Mais au fond de lui, il ne s'en souciait pas plus que cela : n'avait-elle pas fait un choix, en acceptant d'épouser Dusan ? n'était-elle pas destinée à porter un lourd fardeau ? qui pouvait vraiment comprendre les têtes couronnées ?

Il finit sa soupe en haussant des épaules, sa fille pouvait faire ce qu'elle souhaitait, après tout, c'était elle qui maîtrisait la situation.

Soudain, on entendit au loin un son de cloche. Les convives s'arrêtèrent de souper et des regards interrogateurs se posèrent sur l'horloge du salon. Les aiguilles semblaient indiquer la bonne heure. Le Majordome sortit sa montre à gousset de sa poche pour vérifier l'horaire. Puis la cloche sonna à nouveau, furieusement cette fois, accompagnée d'une autre qui se mit à fracasser l'air du soir.

En quelques instants, la quiétude de la nuit se retrouva brisée par les échos des clochers d'églises, martelant en rythme des sons de plus en plus proches.

« Qu'est-ce que c'est ? Qu'est-ce qu'il se passe ? demanda Léonie en riant, désireuse d'ouvrir les fenêtres.

— Est-ce que c'est la guerre, une invasion ? questionna Iphigénie d'une voix suraiguë.

— Silence ! cria le Duc qui essayait d'entendre les coups assourdissants.

Le son métallique continuait de faire trembler l'air et les vitres des fenêtres, puis d'un coup, vint le silence.

Une servante poussa soudain ses mains à sa bouche, étouffant dans un torchon un cri d'effrois. Un valet fit tomber la soupière de surprise.

— Par les Dieux ! Par la Mère ! s'écria le Duc.

La servante s'effondra au sol et se mit à pleurer.

La servante s'effondra au sol et se mit à pleurer

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Dehors, la rue s'agita soudain. Les lumières des demeures s'éclairèrent, les volets s'ouvrirent, les gens descendirent sur les trottoirs, affolés.

Dans le froid, Nobles et personnels de maison se regardèrent, surpris et désespérés.

À nouveau, les cloches se mirent à sonner. Des cris montèrent alors jusqu'aux fenêtres.

— L'impératrice ! Sa Majesté Carolina est morte ! L'Impératrice est décédée !

Le son grave du métal se perdit en échos dans la capitale et s'éleva au-dessus des maisons et des routes, pour traverser dans un martèlement abrupt, tout l'empire de Dalstein.




Le sang de l'Impératrice [ EDITE EN LIBRAIRIE ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant