Le soleil caressait le visage de Giselle et un vent tiède soulevait ses cheveux. Dans le creux de son cou, elle sentait le souffle chaud de Dusan contre sa peau.
Combien de temps était-elle restée allongée là, ignorant les herbes qui lui démangeaient les jambes ?
— Tu es réveillée ? demanda Dusan en l'embrassant
— Je ne me suis pas endormie, avait-elle répondu en plongeant son regard dans le sien.
La lumière du jour donnait des éclats dorés à ses pupilles brunes, ses cheveux sombres se mirent à briller. Il lui sourit :
— Je t'ai déjà dit à quel point tu es belle ?
Il s'était approché du lobe de son oreille et avait murmuré :
— Je t'aime.
Giselle ouvrit les yeux et se redressa tant bien que mal. Perdu au milieu de son immense lit en baldaquin, son corps frêle se noyait entre les draps et les oreillers. Un vertige la prit.
Depuis des semaines, des souvenirs de ce genre revenaient à sa mémoire.
Sa vue s'obscurcit et elle crut un instant qu'elle allait à nouveau s'effondrer. Victimes de son malaise, ses membres se mirent à trembler.
Une nausée monta subitement dans sa gorge, elle se précipita vers le bord de son matelas et commença à vomir.
Son estomac était pourtant vide, depuis plusieurs jours, elle ne pouvait rien avaler. Le moindre aliment la dégoûtait et les vertiges qu'elle subissait la forçaient à rester alitée.
Elle savait que tout le monde la croyait malade, suite à l'annonce de la mort de Carolina.
Giselle ignorait par quel moyen elle avait trouvé la force d'aller participer aux cérémonies ni à l'enterrement. Elle n'était sortie de la maison qu'à ce moment-là. Devant la foule, les journalistes, les nobles et sa famille, elle n'avait rien laissé paraître. Pas une seule larme n'avait roulé sur ses joues.
Le premier hommage s'était déroulé dans la salle du trône du Palais Impérial, au pied de l'Arbre de la Nation. Sous les regards de la Mère, du dieu Kertyon et de la déesse Ronia, le pays entier s'était recueilli.
Le cercueil de Carolina gisait au pied du gigantesque tronc, en face du grand fauteuil dans lequel des générations de souverains s'étaient assises
La scène avait été tragique, le peuple, vêtu de noir et de pourpre, s'était amassé dans le palais qui avait ouvert ses portes. Les jardins, les couloirs, la salle de réception où Giselle avait dansé quelques jours auparavant ; chaque centimètre tout était couvert de fleurs et par une marée humaine.
La Papesse Hidelgarde s'était déplacée du Saint-Siège pour bénir la sépulture de l'Impératrice défunte.
Les sujets de Dalstein, en voyant le visage d'Auguste baigné de larmes, n'avaient pas caché leur peine.
Gisèle avait également été sous le choc. Silencieuse, dans un état de sidération, elle avait assisté aux prières et à la procession sans prononcer un mot. Pas encore mariée à Dusan, elle n'avait pas eu besoin de se mettre au premier rang avec la famille impériale. Elle s'était contentée d'observer de loin les hommages présentés par Auguste et Joren, le fils héritier.
Personne n'imaginait que la disparition de Carolina puisse être subite. C'était une femme douce, calme et mesurée. Elle était un soutien sans faille pour son époux et remplissait ses devoirs avec confiance et réussite.
Pas une seule fois, Giselle n'avait posé les yeux sur Léonie. Pas une seule fois, elle n'avait glissé un regard vers Dusan. Elle était arrivée dans sa berline et était rentrée aussi rapidement que possible, le dos droit et le regard fixe.
Mais une fois Carolina sous terre, ayant rejoint Ronia et le sein de la Mère, il sembla à Giselle que ses forces l'avaient abandonnée.
Elle restait donc enfermée dans sa suite, n'acceptait aucune visite et n'ouvrait la porte à personne. Elle réfléchissait, le ventre tordu par la trahison et l'angoisse.
Son esprit revenait sans cesse sur les mêmes pensées, calculant chaque détail d'un regard nouveau. Depuis quand ? À quels moments ? Une foule de détails, de gestes et de paroles prenaient un sens nouveau.
Elle restait assise sur son lit ou sur ses fauteuils pendant des heures, les yeux perdus aux loin dans des souvenirs qui lui semblaient à présent appartenir à des rêves.
Quelle imbécile ! Quelle naïve ! Ils se sont foutus de moi... Léonie, la garce ! Et lui, ce... cet...
En voyant le visage de Dusan s'imposer à elle, de nouveaux spasmes lui prirent les entrailles.
— Hors de question que j'épouse cet enfoiré, grimaça Giselle en se redressant.
Son regard rencontra le reflet de son visage, dans le grand miroir posé sur son cabinet de toilette.
En voyant son visage bouffi, sa peau mouchetée de cicatrice et son corps maigrelet, son corps se mit à trembler. Elle revit les mots de Dusan, couchés sur le papier. Elle le dégoûtait, elle était affreuse, il se forçait à la toucher.
Tous ses mots, ses « je t'aime », ses regards... Juste des mensonges, de la moquerie, une humiliation... Si j'avais été plus jolie, plus prévenante, il n'aurait jamais regardé ailleurs.
Elle se précipita à nouveau vers la bassine au pied de son lit et recommença à vomir toute la bile qu'il y avait dans son ventre. Gisèle comprit qu'elle vomissait son propre dégoût pour elle-même.
Elle se redressa, à bout de souffle. Sa vue se brouilla.
— Ne tombe pas dans les pommes, pauvre idiote !
On frappa à la porte. C'était Constance.
— Votre Grâce, êtes-vous levée ? La suivante de feu Sa Majesté l'Impératrice est ici et souhaite vous voir.
Gisèle se redressa d'un coup, du sang afflua dans ses oreilles.
— J'arrive. Faites-la patienter dans mon salon.
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Le sang de l'Impératrice [ EDITE EN LIBRAIRIE ]
ParanormalGiselle Le Tholy de Madalberth est l'héritière d'une des familles les plus puissantes de l'Empire de Dalstein. Depuis son adolescence, elle est fiancée au troisième Prince, Dusan, et possède privilèges, pouvoir et une réputation prestigieuse. Ses qu...