Chapitre 6

33 7 2
                                    

Au loin, Giselle vit sa famille se redresser et Iphigénie baisser la tête. Elle comprit que Léonie avait encore certainement du mal à tenir en place. Dans le fond, elle ne pouvait pas lui en vouloir, ces sièges étaient un calvaire. La jeune femme réalisa subitement que Léonie était bien plus grande qu'elle de taille, et que ses pieds pouvaient toucher le sol, la dispensant normalement de lourdeurs dans les jambes.

 Un bref souvenir envahit l'esprit de Giselle, la distrayant quelques instants de son attente. Elle se rappela du remariage de son père.

 À cette époque, elle travaillait du soir au matin et voulait chasser au fond d'elle-même le sentiment d'abandon que sa mère lui avait donné. Son chagrin avait été le même que son père, elle n'avait jamais compris pourquoi sa mère était si soudainement partie.

 Prise dans ses études, elle s'était enfermée et ne voyait personne. Elle fut d'abord stupéfaite d'apprendre que son père fréquentait une femme, mais son esprit cartésien accepta rapidement la chose. Leur famille ne pouvait souffrir d'une telle absence, la maison de Hautebröm avait besoin d'une présence féminine. Et son père avait besoin de tourner la page.

 En rencontrant Iphigénie, Giselle avait remarqué qu'elle était de petite noblesse et découvrit qu'elle avait une fille légèrement plus âgée qu'elle.

 — Ma Léonie est née pratiquement la même année que vous, sous la protection de Lykion. Elle est au couvent, mais quittera bientôt l'école pour faire ses débuts en votre compagnie.

 — On dit que les enfants nés en automne sont pleins de vie et de ressources, avait répondu Giselle avec un sourire calme et poli. Mes débuts ont commencé il y a plusieurs années déjà, je ferais donc de mon mieux pour guider votre fille.

 Iphigénie avait regardé le sourire mécanique de Giselle et l'avait trouvé froid.

 — Vous pourrez compter sur ma personne dans l'intendance du domaine et des terres de Hautebröm. Je suis certaine que vous m'aiderez brillamment, tout l'empire connait l'étendue de vos vertus.

 Giselle s'était figée en écoutant ces mots. Ses pensées s'entrechoquèrent, sa belle-mère ne semblait pas au courant que ces tâches lui avaient déjà été données officiellement. Son père aurait-il oublié ?

 S'occuper du domaine principal et des plus anciennes activités était le rôle de l'épouse ou de la fille de la maison. C'était à elles de gérer l'économie et les commerces de la famille. Son père et son frère prenaient les charges de la politique et de la bonne conduite de leurs opérations.

 Certes, les travaux à faire à Hautebröm ne manquaient pas pour deux femmes, mais Giselle savait qu'Iphigénie, étrangère à la famille, manquerait au début de certaines connaissances

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.

 Certes, les travaux à faire à Hautebröm ne manquaient pas pour deux femmes, mais Giselle savait qu'Iphigénie, étrangère à la famille, manquerait au début de certaines connaissances. Par égard envers ses responsabilités, elle n'avait pas pu se décharger du jour au lendemain sur cette femme.

 Elle avait réfléchit plusieurs secondes à la réponse qu'elle pouvait lui donner sans la froisser et sans mentir. Elle décida alors de se montrer logique et sincère, gage de bons sentiments.

 — Madame pourra très certainement prendre en charge notre maison après mon mariage ; la tâche sera pour vous plus facile, le temps que vous puissiez vous habituer à nos façons de travailler.

 Le ton de Gisèle était neutre, mais une personne nouvelle dans l'entourage de la jeune fille pouvait prendre l'intonation de sa voix comme de l'indifférence. Iphigénie se sentit prise de haut.

 Cette première impression fit naître en elle un durable sentiment d'infériorité. La seconde épouse ne comprenait pas les réactions froide et austère de Giselle. Cette jeune fille avait tout pour plaire et était déjà intégrée dans les plus hautes sphères. Elle continuait cependant d'agir avec retenue et drapée de dignité. Il lui semblait que le rang de Giselle lui collait à la peau et qu'elle ne cherchait jamais à s'en défaire.

 Iphigénie la trouva vaniteuse et snobinarde. Jamais la jeune fille ne s'attardait avec eux pendant les repas, ni ne prenait la peine de discuter ensemble ou de plaisanter.

 Giselle ne se rendit pas compte de ce sentiment, tout occupée qu'elle était à remplir ses fonctions et à s'imaginer dans les bras de Dusan.

 Elle n'avait en vérité aucun avis sur sa belle-mère, tant elle passait son temps ailleurs et elle trouvait plus correct, par affection pour son père, de ne pas en avoir.

 Le Duc connaissait le gouffre qui séparait sa fille et sa femme, mais il ne s'en souciait pas. Giselle ne provoquait pas de conflits avec Iphigénie et il en était satisfait.

J'aime COMMENTAIRES

Le sang de l'Impératrice [ EDITE EN LIBRAIRIE ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant