Chapitre 25 : Déchéance

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Les mains ridées du Duc de Madalberth froissèrent le journal avec une poigne terrible. Un cri sortit de sa gorge, sous le choc, son regard croisa celui de Clovius, le majordome.

Le serviteur baissa subitement la tête, en proie à la plus grande confusion.

Toute la domesticité était également en émoi, dans les étages inférieurs. La une des nombreux journaux et magazines ne parlait que de cela. C'était eux qui réceptionnaient les paquets apportés par les crieurs des rues. Sous le fer à repasser qui servait à défroisser le papier, tous avaient pu voir le visage de Giselle imprimé en grand, ainsi que les gros titres.

— Qu'est ce que c'est que cette histoire ? hurla le Duc en se tournant vers son secrétaire.

Le second homme, pris au dépourvu, ne savait que dire. Lui aussi découvrait la retentissante annonce qui s'étalait sous les yeux de l'empire de Dalstein.

— Ma fille, stérile ?! Mais c'est une calomnie odieuse ! hurla-t-il encore en tapant des deux poings sur la table.

Sa voix s'étrangla soudain, sa vue s'obscurcit : d'un tempérament placide, le Duc n'était pas du genre à être sujet à des crises de colère. Pris d'essoufflements, il se mit à tousser.

— Convoquez mes avocats ! ordonna-t-il en s'adressant à Clovius, et vous, relevez tous ces journaux qui font part de cette absurdité ! Je veux le nom de ces journalistes !

Le secrétaire et le majordome s'inclinèrent furtivement et quittèrent le bureau à toute vitesse, se percutant en traversant le pas de la porte.

Iphigénie fit son entrée, un des journaux à la main :

— Mon cher, que s'est-il passé ? demanda-t-elle avec de grands yeux effrayés.

— Je l'ignore totalement, je ne comprends rien à ces accusations ! Ils disent que tous les certificats médicaux de Giselle sont des faux ! Que nous l'avons liée à la famille impériale en trompant les institutions, en mentant depuis des années !

— Mais... C'est impossible, voyons..., articula Iphigénie en s'effondrant sur le canapé.

— Une grande enquête aurait eu lieu ! Des journalistes en mal de sensations ! Moi, mentir et tromper Sa Majesté, trahir la confiance qui a été acquise par ma famille, trahir l'honneur des Madalberth ! Une honte ! Je ne peux tolérer cette insulte ! Je vais demander à ce que ces documents soient étudiés publiquement, nous n'avons jamais éprouvé le besoin de...

Mais le Duc arrêta sa tirade, coupé par Clovius qui revenait à la hâte, un plateau d'argent à la main. Il vit, entreposée délicatement, une lettre portant le sceau personnel de l'Empereur Auguste.

Benoît le Tholy de Madalberth se figea et le sang quitta les veines congestionnées de son front.

Il saisit l'enveloppe d'une main fébrile, le dos plié comme si un poids de plusieurs tonnes venait de tomber sur lui.

Il reconnut l'écriture impériale et son cœur se gonfla d'émotions.

Il se mit à lire la parole de son souverain, les yeux tremblants, s'y reprenant plusieurs fois

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Il se mit à lire la parole de son souverain, les yeux tremblants, s'y reprenant plusieurs fois.

Iphigénie et Clovius virent le Duc s'asseoir, en proie à un fort désarroi. Le masque de son visage prit une expression indéchiffrable, tordue et contrite et ses lèvres grimacèrent de douleurs. Le regard brillant, il lut de nouveau la missive.

De longues minutes passèrent, l'homme ferma les paupières et poussa des soupirs terribles, où se mêlaient dans sa gorge des sanglots de colère et de tristesse.

Il agrippa ensuite sa tête entre ses mains et garda le silence.

Clovius pourtant rompu à se tenir raide à longueur de journée, n'en pouvait plus d'attendre ; Iphigénie resta muette, les yeux fixés sur son mari.

Enfin, ce dernier ouvrit la bouche et après avoir cherché ses mots :

— Sa Majesté est très déçue. Elle me fait savoir qu'une enquête a été menée par son cabinet et qu'il a mis ses hommes en charge de cette histoire. Ils ont contrôlé eux-mêmes les documents avant de laisser la nouvelle se rependre. Tous les papiers sont faux, tous ! Même les justificatifs et le dossier médical de Giselle datant de sa naissance !

— Mais... Votre Grâce, ne put s'empêcher de dire Clovius, qui aurait fait une chose pareille ?

— C'est Giselle, répondit le Duc d'une voix blanche. C'est Giselle qui a fait ces faux documents ! Pour préparer le mariage, ils consulté le premier rapport médical, celui qui a été fait avant que ses fiançailles ne soient faites avec le Prince Dusan. Il est contrefait. Elle aurait appris sa stérilité à ce moment-là, celui qui l'a auscultée est notre ancien médecin de famille. C'était il y a des années...

— Vous voulez dire, répéta Iphigénie en partant dans les aiguës, qu'elle a appris sa stérilité lors de ses examens gynécologiques et qu'elle a falsifié tous les papiers pour pouvoir épouser Dusan ?

Le Duc hocha la tête à l'affirmative

— Ce n'est pas moi qui ai fait tout cela, je vous l'annonce franchement. Jamais il ne me serait venu à l'esprit de tromper ainsi la..., le Duc eut un hoquet.

— Votre Grâce, reprit Clovius, comment peuvent-ils être certains que c'est bien la volonté de Giselle et sa propre main qui ont rédigé ces documents ? Mademoiselle a toujours été...

— Ils ont des preuves ! coupa le Duc d'une voix effroyable.

Le corps de l'homme tremblait, son regard fixait les lignes alignées sur le papier :

— Des gens ont témoigné et ils ont trouvé des preuves, des lettres qui ont été reconnues, de l'argent, les commandes qu'elle a passées pour obtenir le même papier...

— Mais, enfin... Mademoiselle ne ferait jamais une telle chose.

Mais le Duc de Hautebröm n'écouta pas, accablé, il prit encore sa tête entre ses mains.

Iphigénie se leva et vint vers son époux, faisant au mieux pour le réconforter. Elle s'adressa sèchement à Clovius :

— Nous rentrons à Comblaine dès que possible, Giselle doit nous attendre. Faites en sorte que le personnel continue de travailler en toute discrétion. Faites venir également ma fille.

— Mademoiselle Léonie est sortie, répondit le majordome d'un ton morne.

Iphigénie bégaya :

— Ah oui, elle devra alors... Elle... Vous lui direz que nous sommes partis sans elle, je vais lui écrire une lettre. Veillez à ce qu'elle ne sorte pas voir ses amis jusqu'à ce que cette affaire se termine.

Le sang de l'Impératrice [ EDITE EN LIBRAIRIE ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant