Point de vue Chermarn
J'attends devant la bouilloire, un petit sourire aux lèvres alors qu'à la table de la cuisine, Joong et ses amis discutent joyeusement. On a tous des mines fatiguées, mais l'atmosphère est bien plus détendue depuis que Ohm nous a appelés ce matin. Je n'ai pas beaucoup dormi cette nuit, mais entendre la voix de mon fils m'a redonné suffisamment d'énergie pour préparer le petit déjeuner de ceux que je considère comme faisant partie de ma famille.
Je les observe un instant tous les quatre et je ressens de la fierté maternelle quand je vois comment ces enfants ont grandi. Joong est celui qui cherche à remonter le moral de tout le monde, s'oubliant souvent au passage, mais contrairement à ce que l'on pourrait croire, il est bien plus solide qu'il n'en a l'air. Nine est une force tranquille, tellement discret que l'on pourrait facilement oublier sa présence, mais qui est toujours là au bon moment. Prem est celui sur qui je garde toujours un oeil attentif, je ne me souviens que trop bien de ses bleus et même si aujourd'hui ça a cessé, je sais qu'il reste le plus fragile de tous. Boun est une personne courageuse, douce et qui, malgré sa famille intolérante, n'hésite pas à montrer et revendiquer son amour.
Je fronce légèrement les sourcils avant qu'un petit sourire apparaisse sur mes lèvres, quand je vois Nine prendre discrètement la main de Joong sous la table et entrelacer leurs doigts. Il semble qu'enfin, ces deux-là se soient avoués ce qu'ils ressentaient l'un pour l'autre. Beaucoup de parents seraient horrifiés de voir leurs deux fils tomber amoureux d'un homme plutôt que d'une femme. J'entends déjà le discours de certains de mes collègues sur le fait que perpétuer la famille est sacré, important et que je ne devrais pas tolérer ça.
Tout ce que je sais, c'est que mes fils ont trouvé des perles rares qui les rendent heureux et que moi, en tant que mère, c'est tout simplement ce que je veux pour eux.
— A quoi tu penses ?
Je sursaute quand une voix grave s'élève à côté de moi et je pose la main sur mon cœur qui bat à toute vitesse en me retournant pour faire face à mon frère.
— Phi ! Tu m'as fait peur.
Sa réaction ne se fait pas attendre. Tout de suite, Wanchana regarde autour de lui pour s'assurer que Fluke n'est pas dans le coin, il a oublié qu'il est encore avec Ohm à l'hôpital.
— Il n'est pas là, ne t'inquiète pas.
Je lui fais un petit sourire et il répond avec un petit temps de retard.
— Il va mieux, mais je ne sais pas à quel point et...
Il soupire et se frotte la tête nerveusement avec un petit regard gêné.
— Depuis sept ans, je fais attention à tout ce que je dis, à comment je me comporte avec lui. Je t'avoue que le voir si différent est étrange pour moi, je dois m'y habituer.
J'ai de l'admiration pour mon grand-frère, par amour pour ses amis, il n'a pas hésité à mettre toute sa vie entre parenthèses pour aider leur enfant, pour tenter de lui rendre le sourire et une vie stable.
— Tu as bien travaillé Phi. New et Um sont très fiers de toi j'en suis certaine.
Mon frère et moi on n'est pas très démonstratif, alors j'ai une expression de surprise qui se peint sur le visage quand il me prend dans ses bras avant de sourire et de lui tapoter le dos.
— On va réussir à coincer ce salop, pour eux, pour rendre une vie normale à Fluke. On va y arriver.
Ma gorge se serre et je sens l'émotion me transpercer, ils étaient un groupe tellement soudé quand ils étaient jeunes, un peu comme celui de mes enfants. Rien de mal ne semblait pouvoir les atteindre parce qu'ils se soutenaient toujours les uns les autres. J'étais même un peu jalouse enfant, car je rêvais moi aussi d'avoir des amis aussi fidèles. Perdre Um et New avait été un premier coup dur. Krissada, Wanchana et Peter, le père de Joong et Ohm avaient réussi à garder contact. Seulement, la mort de Peter a tout changé, Wanchana et Krissada se sont éloignés, ils avaient chacun du mal à faire le deuil de cette amitié et je n'ai jamais su trouver les mots pour les réconforter.