Point de vue Nine
Je me sens mal, mon cœur bat à tout rompre dans ma poitrine alors que je me laisse traîner par Joong dans les rues sombres où je ne vois défiler que les fenêtres éclairées des maisons que l'on croise. Il est tellement en colère, qu'il est parti en laissant sa voiture garée devant sa maison. Je reconnais le trajet qu'il est en train de prendre, il me ramène chez moi. Comme si j'étais incapable de retrouver moi-même le chemin et que j'avais besoin de lui pour être en sécurité.
Seulement cette fois, je ne le taquine pas à ce propos, je ne fais pas de remarque comme quoi je ne suis pas une fille, que je n'ai pas besoin d'être escorté jusqu'à chez moi comme s'il me ramenait d'un rendez-vous. Habituellement, ça le fait rougir jusqu'aux oreilles, il bafouille et change de sujet de conversation et depuis le temps que je le connais, ça doit être les seules fois où je l'ai vu réellement gêné.
Le silence est pesant, mais je n'ose pas le briser, même avec cette éternelle blague, parce que j'ai peur qu'il déverse toute sa colère sur moi, parce que je le sais, cette situation c'est de ma faute. Je soupire doucement et je sens sa main se crisper sur la mienne alors je baisse les yeux, laissant la culpabilité déferler en moi.
Je sais que j'aurais dû essayer de résonner Fluke, de ne pas le suivre aveuglément dans son envie de trouver des réponses. Pourtant, d'un autre côté, je sais que j'ai pris la bonne décision, parce que même si Ohm et les autres prennent la sécurité et le bien-être de Fluke très au sérieux. Ils ont tendance à oublier que ce dernier n'est plus la petite chose fragile et brisée qu'il était en arrivant.
On a l'obligation d'écouter et de respecter ses choix et ses désirs, il s'est ouvert, il a évolué en surmontant petit à petit son traumatisme, alors même si je regrette et culpabilise parce que Ohm s'est énervé et disputé avec Fluke et son frère, je suis serein avec la décision que j'ai prise.
Je soupire une nouvelle fois, une nouvelle fois la pression sur ma main se fait plus présente et j'essaie de trouver comment désamorcer cette situation. Je ne veux plus voir Joong en colère, je préfère largement le voir rire et sourire. Je suis complètement plongé dans mes pensées, essayant de trouver comment arranger les choses.
Je ne vois pas le trou dans la chaussée déformée à cet endroit, je trébuche et manque de tomber. Heureusement, je me rattrape contre le dos large et droit de mon ami qui se stoppe immédiatement. Je reste coller contre lui, la tête contre son omoplate et cette fois c'est moi qui l'entends soupirer. Je me mordille la lèvre en ressentant de nouveau une vague de culpabilité me serrer la poitrine.
— Je suis désolé.
Je ne bouge pas, je reste posé contre son dos, nos mains toujours étroitement serrées et de ma main libre je m'accroche à son t-shirt pour le retenir et l'empêcher de reprendre sa route. Parce que je sais qu'il est loin d'être calmé et que si je le laisse arriver chez moi, alors il se sauvera pour s'éloigner de moi.
Je ne veux pas qu'il s'éloigne de moi en colère, je veux le voir partir avec un sourire, des yeux pétillants et un signe de la main, comme il le fait chaque fois qu'il me ramène à la maison, c'est-à-dire, presque tous les jours. Alors je m'excuse, même si je sais que je ne suis pas forcément en tort, je veux juste l'apaiser, qu'il me regarde et qu'il me parle.
Jamais je ne l'ai vu s'opposer ainsi à son frère. Certes, ils ont des caractères complètement opposés, mais le ton n'est jamais monté à ce point et j'ai peur qu'ils aient du mal à se reparler et tout ça à cause de moi.
— Je ne peux pas lui pardonner.
Sa voix est basse, froide et je la sens trembler, au début je pense que c'est à cause de l'émotion, avant de vite me rendre compte qu'il est encore ivre de colère. Sa main libre est serrée en poing, tellement fort que la jointure de ses doigts en blanchit.