Qu'est ce que je regrette de ne pas réussir à parler, parce que là, la seule chose que je veux faire, c'est lui dire combien je suis désolé et le supplier de ne pas m'abandonner. Je me rends compte combien sa présence m'est devenue importante et rien qu'à l'idée de me retrouver seul loin de lui, dans mon appartement à Bangkok, j'ai l'impression d'étouffer. Pour me contenir et ne pas m'effondrer, je me concentre sur la chaleur de sa main contre ma joue, je savoure la sensation familière que je ne pensais pas retrouver si vite.
Je ne le quitte pas des yeux, j'ai peur qu'il ne s'échappe si jamais je tourne la tête. J'ouvre la bouche en essayant de parler, mais comme à chaque fois, je sens ma gorge qui se bloque, l'air ne semble pas vouloir circuler et mes cordes vocales me tirent quand je tente quand même de forcer. Je me sens en colère contre moi-même, je me déteste de ne pas y arriver. Je vais mieux, pourquoi je ne peux pas parler, je sens des larmes me monter aux yeux et le fait que Ohm se contente de me regarder me débattre sans intervenir alourdit mon ventre encore un peu plus, j'ai l'impression d'avoir avalé des dizaines de cailloux.
D'un geste un peu sec, je sors mon téléphone de ma poche et je baisse les yeux à regret pour pouvoir écrire un message. Sa main quitte ma joue pour se poser sur mon épaule et au fond de moi je suis ravi qu'il ne rompe pas le contact physique, ce lien qui me donne l'impression qu'il y a encore un espoir, si mince soit-il. Il semble être le même que d'habitude, il est doux, calme et ne se montre pas impatient alors qu'il attend que j'explique la raison de ma présence ici. Seulement, il y a un froid qui émane de lui que je ne connaissais pas et qui me perturbe autant qu'il me glace le cœur.
"Les garçons m'ont emmené ici pour te voir, parce que je m'inquiétais."
Si, un instant plus tôt, je ne voulais pas le quitter du regard, maintenant, je me sens très timide quand je lève les yeux vers lui alors que je lui tends mon téléphone. Son regard est sombre, dur et indéchiffrable, je ne sais pas ce qu'il pense à cet instant et je me sens mal à l'aise. Il reste un long moment à lire la courte phrase que j'ai tapée et je finis par me balancer nerveusement d'un pied sur l'autre, surtout quand il fronce les sourcils. L'attente devient insoutenable et un petit bruit étranger sort de ma gorge quand enfin, il se focalise de nouveau sur moi.
— Pourquoi est-ce que tu t'inquiètes ?
Sa question est légitime, je suis tellement nerveux que je n'ai pas pensé à lui expliquer directement. Sa voix reste douce, calme, mais elle ne m'apaise pas comme elle a pu le faire par le passé. Au contraire, la distance qui semble s'être installée entre nous s'agrandit et j'ai l'impression que même en tendant la main, je ne pourrais pas le toucher.
"Parce que j'ai peur que tu ne veuilles plus jamais me parler. Je suis désolé Ohm..."
Je n'ose pas mettre les mots qui me tournent en tête depuis hier, plus que ne plus vouloir me parler, j'ai peur qu'il ne veuille plus jamais me revoir et être avec moi. Seulement, je ne me sens pas capable d'écrire ce genre de mots maintenant, cela lui ferait comprendre ce que je ressens vraiment pour lui et je ne veux pas avoir à le lui dire dans ce contexte. J'ai les mains qui tremblent tellement quand je lui tends à nouveau mon portable qu'il a dû mal à le prendre et même si sa main fait une légère pression sur la mienne, je n'arrive pas à y trouver du réconfort.
Je sens la crise d'angoisse arriver alors que tout mon être est aux abois. Je vais être fixé, je vais avoir la réponse que j'attends et que je redoute tout autant. J'ai envie de le secouer pour qu'il me réponde au plus vite, tout en ayant envie de lui hurler de ne pas parler. Mon cœur s'emballe, ma respiration est difficile, mon corps se met à trembler sans que je ne puisse me contrôler alors que mon menton se contracte à plusieurs reprises, annonçant des sanglots et je me mords la lèvre pour tenter de les contenir.