Chapitre 23 - Reveal

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Tout est allé tellement vite. En l'espace de quelques heures, ils se sont tous installés dans la maison de Chermarn. Soudain on s'est retrouvé à dix autour de la table et contrairement à ce que l'on pourrait penser, ce n'était pas étrange, j'avais l'impression de participer à un repas de famille. Même Namtan et Joss que je connaissais à peine ne me semblaient pas déplacés dans ce tableau.

Et puis on s'est mis en route, on s'est répartis dans les voitures et moi qui avait envie de parler depuis des années, je me retranchais dans un silence mélancolique alors que les rues défilaient derrière la vitre de la voiture. Wanchana a essayé de parler, de combler le silence, mais je n'arrivais pas à faire semblant, j'étais plongé profondément dans mes pensées, laissant le peu de souvenir remonter à la surface au fur et à mesure que l'on se rapprochait de la maison.

Elle me semblait immense dans mon souvenir, lumineuse et renfermant le bonheur, mais quand j'ai mis un pied à terre, je me suis retrouvé devant la façade terne d'une petite maison de banlieue et, en soit, elle n'avait rien d'extraordinaire. J'ai alors compris que dans ma tête, la maison représentait tous mes souvenirs heureux, elle était mon bouclier parce que, tant que je me souvenais un peu de ma vie avec ma famille à l'intérieur de ses murs alors, c'était comme si nous y étions éternellement heureux et en sécurité.

Ma gorge se serre brutalement parce que devant moi, c'est une coquille vide, sans vie, sans âme et elle n'a pas su nous protéger du monstre. Ma mère, mon père, ma soeur et mon frère ne m'attendent pas impatiemment à l'intérieur, ils sont morts depuis longtemps et tout ce que l'on a pu enterrer ce sont des cercueils vides. Mon menton tremble et mon corps semble soudain trop lourd à porter, je m'accroupis pour tenter de maîtriser cette émotion qui m'envahit et m'étouffe. Ma main se pose sur mon cœur comme pour l'apaiser et mon poing se crispe sur le tissu de mon t-shirt alors que mon autre main tente d'étouffer les sanglots qui se forment au fond de ma gorge.

Des bras se referment autour de moi, je les connais bien, ce sont ceux qui depuis sept ans me soutiennent, me réconfortent et me donnent de la force.

— Mon oncle...

C'est un gémissement douloureux qui accompagne ma voix. Il m'attire en silence contre lui, son torse contre mon dos, il m'enveloppe dans une étreinte paternelle, il ne cherche pas à me réconforter avec de vaines paroles. Il se contente de me garder contre lui, de caresser lentement mes cheveux.

— Ils ne sont pas à la maison...

Les larmes coulent lentement le long de mes joues, je n'avais même pas conscience des regards qui se portaient sur moi. C'est comme si soudain, la vérité que je maintenais enfermée dans un coin de ma tête venait de m'exploser en pleine face.

— Je sais, mon grand.

Il me serre plus contre lui et je peux sentir qu'il tremble, il doit tenter de contenir ses émotions pour me soutenir encore une fois. Pourtant, je ne suis pas le seul à avoir souffert, à avoir perdu des personnes que j'aime, mais mon oncle ne s'est jamais effondré, il a toujours été fort... pour moi.

A travers mes larmes, je peux voir du mouvement, puis quelqu'un qui s'agenouille pour me faire face. C'est Ohm, il me regarde les yeux brillants, le visage triste et ma peine s'allège légèrement, car il est là, tout comme les autres qui se tiennent légèrement en retrait.

— Ils me manquent tellement... je n'ai jamais pu leur dire au revoir... je... je voulais qu'ils sachent que je les aimais... même Adisorn et Leew... pourquoi moi j'ai survécu et pas eux... Ohm... Pourquoi... ?

Ces questions m'ont souvent oppressé. Pourquoi je ne suis pas mort ? Pourquoi j'ai réussi à fuir alors que mon père a échoué ? Pourquoi nous ? Seulement, je n'ai jamais pu les exprimer à haute voix, c'est la première fois que je peux le faire, que je peux laisser la colère sortir des pores de ma peau alors que je me suis toujours demandé pourquoi ?

Far From Hell, Close To Heaven.Where stories live. Discover now