La nuit a été difficile, mes cauchemars ont été nombreux et j'ai rapidement abandonné l'idée de me reposer. Les paroles du psychiatre tournent en boucle dans ma tête, il est tellement facile d'y croire, que j'ai toutes les difficultés à me raccrocher au discours de Ohm pour ne pas céder à la panique. Je n'ai pas quitté ma chambre, je suis resté seul, allongé dans mon lit à fixer le plafond et à serrer la couverture entre mes mains car je ne veux pas être un poids pour les autres, en ayant besoin d'être réconforté en permanence. J'ai accueilli le lever du soleil avec soulagement, j'ai pris une douche rapide avant de retrouver avec plaisir la cuisine et les habitants de la maison.
J'entre dans la pièce silencieuse où les trois personnes sont en train de manger et je peux voir à leurs visages encore à moitié endormis, que je ne suis pas le seul à avoir eu une nuit difficile, sauf peut-être pour Joong, mais je pense que ce n'est pas dans son caractère de se laisser abattre. Ils lèvent tous les trois la tête vers moi et je leur fais un petit sourire timide. Quand Chermarn croise mon regard, elle me fait un petit sourire en retour avant qu'elle ne se lève pour venir vers moi.
— Fluke ! Je suis tellement désolée ! Il avait de très bonnes recommandations et je pensais vraiment que....
Je sens mon cœur se serrer de la voir se sentir coupable de ce qui s'est passé hier, alors je fais la seule chose à laquelle je pense pour qu'elle arrête de s'accuser et de s'excuser. Sans hésiter, je glisse mes bras autour de sa taille, je pose ma tête contre son épaule et j'espère qu'elle comprendra ainsi, que je ne lui en veux absolument pas. Elle se raidit un instant à cause de la surprise avant de m'entourer de ses bras alors qu'une de ses mains caresse lentement mes cheveux.
— Je ne te forcerai plus, tu es...
Elle se recule légèrement pour prendre mon visage entre ses mains et je sens une douce chaleur s'éveiller en moi, chaleur que je pensais morte depuis bien longtemps. Car soudain, j'ai l'impression que c'est une mère qui prend soin de moi.
— ... un adulte maintenant et j'écouterai ce que tu as à dire, même si cela ne plait pas à Phi Wanchana.
Un sourire plus franc apparaît sur mes lèvres et je hoche doucement la tête, elle caresse mes joues avant de déposer un baiser sur mon front et je sursaute légèrement, surpris, je ne suis plus habitué à ces gestes maternels, mais cela me fait un bien fou.
— Viens manger, n'en parlons plus.
Je la suis volontiers à table et mon regard cherche rapidement celui de Ohm, il ne me quitte pas un instant des yeux, et je me sens rougir tandis que mon sourire s'agrandit un peu plus quand il me tend mon assiette à peine remplie. Je lui fais un petit signe de tête pour le remercier.
— Alors ok, on n'en parle plus, mais ça veut dire que Ohm et moi on n'a pas le droit d'aller lui expliquer notre façon de penser ?
La voix de Joong très sérieuse s'élève alors et on tourne tous la tête vers lui, il nous regarde un à un et à cet instant je pouffe de rire, du moins je fais un son un peu étrange qui pourrait passer pour un rire.
— Hey ! Fluke ne rigole pas... je suis très sérieux, j'ai déjà préparé tout mon discours pour lui, je suis sûr que je pourrais le faire pleurer.
L'ambiance s'allège encore plus à l'instant où le jeune homme ouvre la bouche et je me sens soudain plus léger.
— La mère que je suis, vous interdit de faire ça, mais je vous recommande fortement de me désobéir.
La mère de Joong répond avec nonchalance et je reste bouche bée quand elle encourage à demi-mots ses enfants à régler son compte à ce psychiatre. Je baisse un peu la tête, je me sens bien, presque heureux. C'est pourtant de courte durée, car je ne peux pas m'empêcher de me questionner. A quoi ressemblerait ma famille si elle était encore en vie. Est-ce que l'on prendrait le temps de manger tous ensemble ? Mon père nous cuisinerait-il toujours le petit déjeuner ? Ma mère nous prendrait-elle dans ses bras pour nous réconforter ? La tristesse qui me percute est brutale, forte et... la main de Ohm saisit la mienne sous la table, il la serre doucement comme s'il avait deviné ce à quoi je suis en train de penser. Il n'a même pas besoin de prononcer le moindre mot pour que je me sente aussitôt apaisé, juste grâce à son pouce qui caresse lentement le dos de ma main.