— Là, on touche le fond.
Monsieur Barker me toisa d'un air sévère avant de déposer ma copie sur le rebord de la table. Je fixai les deux ronds minutieusement tracés au stylo rouge vif en réprimant un léger sourire.
— Et de deux ! Il n'y en a vraiment pas une pour rattraper l'autre.
Noelle leva les yeux au ciel dès qu'il fit volte-face.
Je détestais ce professeur. Depuis qu'il s'était découvert cette fichue lubie de classer les copies par ordre décroissant, plus rien ne l'arrêtait. C'est à croire qu'il prenait un plaisir malin à décrypter les faces dépitées des élèves quand ils découvraient la catastrophe.
Ce tyran avait d'abord intégré l'école en tant que surveillant, il y a trois ans. Gentil, avenant et surtout peu autoritaire, il était très apprécié des élèves, à cette période du moins. Mais dès que la directrice, ravie par les compétences de cet homme qu'elle qualifiait « d'exceptionnel », lui avait proposé un emploi en tant que professeur de mathématiques, il s'était métamorphosé. Du jour au lendemain, il avait troqué ses sweats amples contre de fraîches chemises fermées jusqu'au premier bouton, et déposé une paire de lunettes rectangulaires à deux centimètres du bout de son nez.
Depuis, Monsieur Barker se montrait impitoyable et sans pitié face à ses élèves, distribuant les heures de colle et les mauvaises notes (parfois négatives, oui oui) avec une rapidité et une fougue peu communes. Croyez-le ou pas, Usain Bolt avait du souci à se faire.
— Je ne tolérerai pas un tel manque de respect à l'avenir !
Il haussa le ton et remonta légèrement le pont de ses lunettes vertes. Selon mes prédictions, la suite s'annonçait mal.
— Mademoiselle Fox !
Ma meilleure amie, jusque-là affalée sur sa table, se releva doucement, le visage tartiné par les traces de son cahier, puis se rendormit presque aussitôt.
Aïe. C'est mauvais, très mauvais.
— Quel culot ! J'espère au moins que vous ne vous sentez pas concernée ! Si l'on vous dérange tant que ça, dites-le nous, que je vous rapporte des petits gâteaux en guise de compensation.
Noelle se contenta de marmonner quelques mots inaudibles, et alors que je crus, l'espace d'un instant, qu'elle présentait ses excuses, il s'avérait en fait qu'elle parlait dans son sommeil.
Le professeur vira au cramoisi. Niveau alerte, nous étions à douze sur une échelle de Richter ce qui correspond, si l'on en croit mes manuels de science, à l'énergie libérée par la météorite qui a entraîné la disparition des dinosaures.
Autant dire que je n'étais pas sereine.— Et jetez moi ce chewing-gum, je ne fais pas cours à des ruminants !
Je remarquai qu'un petit rictus se dessina sur ses lèvres. Pas de doute, il était fier de sa répartie !
Mais puisque la jeune inconsciente, toujours imperméable à ses remarques, s'était mise à ronfler-et ce malgré les coups de coude incessants de son voisin-le professeur sortit de ses gonds. Je sentis alors gros comme une montagne que j'allais en prendre pour mon grade.
— Quand à vous Mademoiselle Flos...
Et paf ! Qu'est-ce que je disais ?
— Je n'en attendais pas moins de la part de votre camarade, mais vous ! C'est véritablement décevant ! reprit le professeur de mathématiques en refermant soigneusement son porte-documents.
Je jetai un regard en coin à Noan, à la recherche d'un soutien imminent, et pris un air faussement offusqué lorsqu'il baissa les yeux en chuchotant « ta pote, ton problème ! ». Inutile de chercher un appui du côté de Lana, qui feuilletait un magazine de mode édition exclusive sous sa table, avec pour intitulé très accrocheur : Kim et Kanye : au bord du divorce ?
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Romance- Donne moi ton portable, m'ordonna-t-il d'un ton froid qui me fit presque sursauter. Face à cet inquiétant bourbier, et en dernier recours, je décidai de dégainer ma botte secrète, une arme imparable qui en effrayait plus d'un : mon humour. D'une v...