20. Toujours plus

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- Tes cheveux ont encore poussé, ma chérie.

Ma mère coiffa ma longue chevelure avec une douceur infinie, puis ajouta une barrette rouge juste au-dessus de ma tempe droite. Je fixai mon reflet dans le miroir d'un air satisfait, non pas parce qu'elle m'avait offert un accessoire, mais plutôt parce que plus mes cheveux poussaient, plus je lui ressemblais.

C'est vrai qu'elle était très belle, avec sa longue chevelure corail qui lui arrivait jusqu'en bas du dos, et ses yeux dorés qui rappelaient deux rayons de soleil pétillants. Dans le voisinage, tous ne parlaient que de son charme et de ses talents de comédienne, qui lui avaient permis de se hisser une place parmi les acteurs les plus prisés du moment.

Mais il n'y avait pas que ça. Ma mère était si douce et optimiste, que quiconque la croisait pouvait se vanter d'avoir passé une merveilleuse journée.

En toute objectivité, j'avais hérité d'un minimum de son caractère conciliant, bien qu'une grosse partie de moi s'avérait beaucoup plus téméraire que je ne le laissais paraître. C'était sûrement pour ça que je me dissimulais constamment sous cette couverture de gentille jeune fille sage et respectueuse. Pour lui ressembler le plus possible. Pour que son souvenir ne s'efface jamais de ma mémoire. Pour qu'il vive toujours en moi.

- Jamais je ne les couperai, déclarai-je à ma mère qui me sourit alors tendrement.

Promesse non tenue...

Je me repassai ces souvenirs en boucle infinie dans ma tête, pleurant à chaudes larmes ces longs cheveux qui me rapprochaient le plus d'elle.

Le tueur avait décidé de me les couper, car les médias ne parlaient plus que de ma disparition à la télévision. Et puisque le gang était censé m'emmener en mission demain, il trouvait logique de modifier mon apparence. Personne n'avait osé le contredire, pas même le chef. Cerise sur le gâteau, dès que celui-ci avait tourné le dos, Meallta avait ordonné que je passe la nuit dans la réserve.

Ces sbires m'avaient presque ligotée, puis enfermée dans cette pièce vide qui, si j'avais bien compris, allait servir de pièce de dépôts pour leurs prochains vols.

Le seul objet qui décorait cette pièce était un miroir, abîmé au niveau du cadre et déjà légèrement fissuré sur la glace. Malgré ça, il suffisait amplement à me montrer l'étendue des dégâts : désormais, mes cheveux maladroitement coupés m'arrivaient juste au-dessus de la nuque, et mon visage paraissait si fatigué et mal-en-point que je peinais à me reconnaître.

A la tombée de la nuit, contre toute attente, le leader était venu me rendre visite. Il s'était assis à côté de moi en toute modestie, et après avoir frotté une main chaleureuse sur mon dos, m'avait demandé pardon pour le geste qu'avais commis le criminel.

Bien évidemment surprise par une telle réaction, et surtout par cet acte de gentillesse, j'avais murmuré en un souffle :

- Ce n'est pas de votre faute...

- Si j'avais su, je l'en aurais empêché...

- Je veux juste rentrer chez moi.

- Dès que tu achèveras ta mission, je te promets que je te laisserai partir.

Ses yeux bleus avaient semblé être l'unique source de lumière dans cette pièce lugubre.

Au bout d'un bon quart d'heure, lorsque vint le moment de se quitter, le chef avait passé une main dans mes cheveux ébouriffés, puis souhaité bonne nuit avec un sourire réconfortant.

La seule chose qui me permettait de tenir le coup était sa déclaration. Si je parvenais à mener à bien ma mission, ils me rendraient ma liberté. C'est donc uniquement avec cette promesse en tête que je parvenais à m'endormir sur le sol en béton, des larmes coulant encore sur mes joues.

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