— J'ai failli attendre, chaton.
Il prononça ces mots d'un ton provocateur et légèrement ironique.
Les nuages de fumée qu'il recrachait froidement, avec une sérénité inquiétante, flottèrent quelques secondes dans l'air avant de s'écraser grossièrement sur mon visage glacé.
Pétrifiée, je fermai les yeux et entrecroisai mes doigts, priant pour que je sois simplement victime d'un canular ou, le cas échéant, qu'une technique d'invocation suffirait à me sortir de ce mauvais pas. Evidemment, ces implorations restaient totalement inutiles face au pétrin dans lequel je me trouvais, si ce n'est qu'elles provoquèrent de terribles éclats de rires chez mon assaillant. D'un mouvement vif, il écrasa sa clope sous sa large chaussure, consumant ainsi rapidement l'herbe finement coupée sous ses pieds, et se tint les côtes tandis qu'il riait désormais à gorge déployée, sans la moindre retenue.
Profitant de ce bref moment d'inattention, je tâtai péniblement le long goulot de mon arrosoir en zinc, dont la pomme débordait suffisamment à ma droite pour que je puisse facilement l'attraper. Mes mains tremblantes, et le froid d'hiver qui paralysait mes doigts crispés sur l'anse firent échouer ma première tentative d'assommage. Motivé par mon envie de ne pas finir étripée tel un vulgaire saucisson, le deuxième essai fut davantage fructueux.
Ni une ni deux, je traversai la grille en courant, puis la rue, sans même attendre le feu vert. Les grognements du meurtrier-bien que toujours devant le portail-me poursuivirent jusqu'à l'autre bout du carrefour. Je me précipitai vers l'allée parallèle à ma résidence, les jambes flageolantes, la respiration saccadée, osant seulement jeter un bref coup d'œil à l'assassin une fois le second passage piéton enjambé. L'arrosoir ne semblait que lui avoir légèrement égratigné la joue droite et pourtant, en une fraction de secondes, je lus dans son regard que je venais de signer mon arrêt de mort.
Il était colère. Presque autant que Naruto quand il a regardé Pain poignarder Hinata, impuissant.
Parvenue sur le boulevard principal, je ne ralentis pas lorsque je le vis empoigner un flingue. Au contraire, j'accélérai la cadence en ignorant les rafales de vent qui embrouillaient mes pensées.
Ce n'était pourtant pas la première fois que je faisais preuve d'une telle vitesse.
Il y a presque treize ans, Noelle et moi avions failli servir de quatre heures à l'énorme pitbull de la voisine, prénommé Hulk. Persuadée que les croquettes dans sa gamelle étaient des boules de chocolat, j'avais convaincu Noelle de goûter ces petites merveilles. Inutile de vous faire part de nos réactions quand nous avons découvert le pot aux roses : les grimaces qui déformaient nos visages à mesure que des effluves de carcasses imprégnaient notre palais parlaient pour nous. Et comme un malheur n'arrive jamais tout seul, Hulk nous avait attrapées la main dans le sac. Corps tendu, oreilles plaquées en arrière, babines retroussées...tout indiquait qu'il ne nous restait plus que quelques minutes à vivre. Débordante d'adrénaline, j'avais embarqué ma meilleure amie-déjà presque morte-sur mon dos, et m'étais métamorphosée en faucon-pèlerin sous Redbull. Nous étions sorties indemnes de cette prétendue infiltration, même si Noelle était restée cloîtrée chez elle pendant plusieurs jours après la catastrophe.
Par la suite, l'expédition clandestine aura fait couler bien des larmes chez ma meilleure amie et moi, de frayeur chez l'une et de fou rire chez l'autre !
Mais cette fois, slalomant maladroitement entre des amas de poubelles pleines à craquer, des morceaux de verre rigides jonchant le sol et des rangées de voitures mal garées, je faisais face à un véritable danger.
Des gouttes de sueur commencèrent à perler sur mon front. La cavale sans fin, dont je ne voyais pas le bout, durait maintenant depuis dix bonnes minutes. Bien qu'épuisée, je me retins de crier à l'aide : l'arme qu"il pointait maintenant sur moi, un doigt parfaitement positionné sur la détente, n'y était sûrement pas pour rien.
VOUS LISEZ
Alter
Romance- Donne moi ton portable, m'ordonna-t-il d'un ton froid qui me fit presque sursauter. Face à cet inquiétant bourbier, et en dernier recours, je décidai de dégainer ma botte secrète, une arme imparable qui en effrayait plus d'un : mon humour. D'une v...