Les mains et les pieds attachés par une corde épaisse, je tentai de prendre mon mal en patience.
Il y a quelques minutes, après brève discussion avec ses deux compatriotes, Meallta avait réussi à les convaincre de ne pas me tuer immédiatement. L'informaticien avait clamé mon lourd potentiel-malgré le regard assassin que Schérazade lui avait lancé-et insisté pour que l'on me présente à un certain Adany. De son côté, le criminel avait catégoriquement refusé cette combine, et répété qu'il souhaitait en finir avec moi de ses propres mains, je cite : « depuis le temps qu'il se retenait ». Mais lorsqu'il s'était éloigné pour répondre à un appel urgent, et qu'il était revenu la mine sombre, les yeux réfléchissant une drôle d'aura, il avait fini par capituler.
— Faites-en ce que vous voulez.
— C'était quoi ? lui avait demandé Schérazade alors qu'il rangeait son portable dans sa poche.
— Rien qui te regarde, l'avait-il coupée en un élan.
Si la situation n'avait pas été aussi catastrophique, je ne me serais pas gênée pour rire. Cette grande greluche me tapait sur le système depuis un bon bout de temps maintenant.
Presque machinalement, j'avais également remarqué que le tueur n'avait pas utilisé le même téléphone portable qu'à l'aller. Je n'étais pas un génie dans le domaine de la technologie, mais mes compétences restreintes me permettaient tout de même d'affirmer qu'il existait un très grand écart de qualité entre les deux appareils. Ce détail m'avait d'emblée semblé insignifiant : après tout, nombreux sont ceux qui distinguaient téléphone pro et perso.
Même si, avouons-le, le terme « professionnel » restait à désirer....
Allongée dans le coffre de la voiture dans laquelle mes agresseurs m'avaient ligotée, je pensais à Noelle. Cela faisait plusieurs jours que j'avais disparu maintenant. Et même s'il était impossible de savoir si les médias l'avaient déjà annoncée ou non, je me doutais pertinemment que ma meilleure amie se faisait un sang d'encre à mon sujet. Après tout, je lui avais promis de ne plus jamais la laisser sans nouvelle.
Promesse non tenue...
Les trois déchets sur patte m'avaient balancée dans l'autre véhicule pour le retour, sur demande du criminel qui avait déclaré, je cite, que je prenais « trop de place ».
On ne peut pas dire que cette décision m'ait embêtée, bien au contraire. En effet, à l'inverse des membres du gang, les sbires ne me surveillaient pas. Mais alors pas du tout. Ils avaient bien dû se retourner une ou deux fois pour échanger des banalités, mais n'obtenant aucune réponse de ma part, ils n'avaient pas cherché à insister. Après tout, peut-être qu'eux aussi avaient été forcés de rejoindre cet organisme mafieux. Peut-être que maintenant qu'ils m'avaient entre leurs mains, ils allaient également faire de moi une de leurs sbires.
Ecoutez-moi bien. Si je ne réussis pas à me sortir de ce pétrin, je ne m'appelle plus Moïra Flos.
— J'ai froid, prononçai-je d'une voix presque inaudible sous le chiffon qui me couvrait la bouche. Pouvez-vous augmenter le chauffage ?
Tu parles ! Il faisait au moins vingt degrés dans ce véhicule, et je transpirais comme un bœuf qui venait de participer à un marathon de quatre-vingt-dix kilomètres. Mais comme je le soupçonnais déjà, les employés n'étaient pas très futés. Sans se poser plus de questions, le chauffeur éleva la température d'une dizaine de degrés, et quelques mèches de cheveux se collèrent alors à mon front. Profitant de la chaleur de ce sauna, je frottai légèrement mes poignets dégoulinants de sueur.
Comme prévu, au bout de cinq minutes seulement, je pus me défaire de l'emprise de ces cordes. Pour rester modeste, il faut bien avouer qu'elles n'étaient pas spécialement serrées, même si je n'aurais jamais réussi à m'en séparer sans cette température luciférienne.
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Romance- Donne moi ton portable, m'ordonna-t-il d'un ton froid qui me fit presque sursauter. Face à cet inquiétant bourbier, et en dernier recours, je décidai de dégainer ma botte secrète, une arme imparable qui en effrayait plus d'un : mon humour. D'une v...