4. Oublier

5.8K 300 16
                                    

— Tu peux m'aider ?

Une petite fille aux cheveux corail me souriait, les mains sur les hanches.

— Bien sûr, lui répondis-je avec douceur.

Après m'être agenouillée auprès d'elle, je nouai le bandeau qui pendillait sur le côté de sa robe et réajustai son collier qui penchait de travers. Je ne savais pas pourquoi, mais cette enfant me paraissait drôlement familière.

— Comment tu t'appelles ? lui demandai-je alors, perplexe.

Mais alors que je me relevai, elle poussa soudainement un cri aigüe qui me glaça le sang.

Le temps se suspendit. Tremblante, j'abaissai lentement la tête, avant de la découvrir inanimée au sol, une énorme flaque rouge se répandant autour de sa tête. Je m'inclinai de nouveau devant elle, tétanisée, et m'arrêtai tout net lorsque je sentis un liquide chaud dégouliner le long de mon bras.

Du sang écarlate recouvrait ma main droite.

Et mes doigts gauches, eux, tenaient fermement une arme à feu.

— Non...impossible, balbutiai-je en tressaillant.

— C'est qu'on en apprend de belle, nota une voix grave et retentissante.

Je me figeai, certaine de reconnaître cette sinistre voix. Haletante, je me retournai doucement. Adossé à un mur avec nonchalance, il gardait le regard rivé sur le corps de la petite fille, les bras croisés, un genou légèrement plié.

Avant de me fixer de ses yeux sombres et terrifiants.

Je relâchais le pistolet, sur le point de vaciller.

C'était bien lui. Le terrible meurtrier.

— Chassez le naturel, il reviendra au galop ! constata-t-il en laissant échapper un rire effrayant.

Mon corps s'affaissa malgré moi. Je me sentis peu à peu perdre connaissance.

Et ce n'est qu'après avoir fermé les yeux que je me rendis compte que cette petite fille, c'était moi.

*

Je me réveillai en sursaut, des sueurs froides perlant sur mon front.

Cela faisait maintenant cinq jours. Cinq jours que ce cauchemar, digne d'un vrai film d'horreur, se répétait en boucle dans ma tête. Cinq jours que j'enfilai mes vêtements avec la ferme intention de me rendre à la police, avant de me résigner et d'éclater en sanglots. Cinq jours que je ne dormais plus, que je ne mangeais plus, que je n'osais même plus respirer.

Après que le meurtrier m'ait laissée en plan, j'avais miraculeusement réussi à retrouver mon chemin. Les jambes flageolantes, j'avais erré dans le quartier en essayant toutes les rues, en vain.

Et pourtant, au bout d'une heure, j'avais finalement aperçu une boutique de vêtements que je connaissais bien, celle où me traînait Lana chaque vendredi en me suppliant de l'avancer. Puisant dans mes dernières ressources, j'avais accouru jusque chez moi et retiré mes vêtements complètement trempés avant de me glisser sous mes draps. Mais dès que je fermai les yeux, seul son visage maléfique apparaissait.

Dans les moindres détails.

La sonnerie stridente du téléphone fixe me fit sursauter. Je m'enfonçais de plus belle dans mon lit, remontant ma couette jusqu'à mon nez.

Samedi matin, j'avais fait l'effort d'appeler le lycée pour prévenir de mon absence qui risquait de s'éterniser. Le motif ? Une grosse grippe saisonnière très contagieuse. Depuis, le téléphone était saturé de messages vocaux de quelques camarades de lycée, mais surtout de Lana, Noan et Noelle. Je n'avais souhaité répondre à personne, et pour tout avouer, je ne me sentais pas capable de continuer à mentir avec autant d'adresse.

AlterOù les histoires vivent. Découvrez maintenant