— Au voleur, au voleur !Je sautai à cloche-pied sur le sommier à lattes, apeurée.
Voilà maintenant dix bonnes minutes que je bataillais avec un gros rat d'égout pour un pauvre paquet de biscuits. Dès qu'il m'avait entendu déchirer l'emballage, le rongeur avait bondi de sa cachette afin de me le dérober. Ni une ni deux, nous nous étions livrés à un octogone sans règle durant lequel le rat m'avait bien fait comprendre, de par sa démarche en crabe et ses poils hérissés, qu'il n'hésiterait pas à s'attaquer à de la chair fraîche si je ne lui cédais pas mes gâteaux sur le champ.
Forcée de capituler, je regardais cet égoïste saisir son festin du haut de mon perchoir en priant pour qu'il s'étouffe avec. Mais à la seconde où il s'en empara, au lieu de le déguster, il s'enfuit à toute allure, comme un voleur avec sa proie. Piquée par la curiosité, je le suivis tandis qu'il retournait dans sa tanière.
Une bonne dizaine de rats étaient nichés dans un trou, tous aux aguets. Je déglutis péniblement ma salive, dégoûtée. Déjà que l'odeur de ragondin qui régnait dans ce cabinet pestilentiel ne m'enchainait guère, si en plus je devais cohabiter avec les Ratz, nous n'étions pas sortis d'auberge.
Cela faisait maintenant plusieurs heures que je tournais en rond dans ce taudis, tel un fauve dans une cage. Les conditions de vie y étaient misérables. En guise d'hygiène, seules des toilettes infectes, inondées de tartre, ainsi qu'une bassine moyenne avec demi-savon répondaient présents. Même les habitants de la Prison d'Alcatraz bénéficiaient d'un meilleur traitement que ça.
D'ordinaire, je m'entêtais à respecter les règles que l'on m'imposait à la lettre, avec une rigueur et un sérieux à faire rougir Griselda des Winx. Mais cette fois-ci, je ne comptais certainement pas rester ici les bras croisés, en regardant le sort m'achever pour de bon. Je devais agir coûte que coûte, même s'il fallait jouer avec le feu ou pire encore, transgresser l'interdit.
Prudente, j'avais attendu que le crépuscule descende aussi patiemment que la quatrième saison de SNK. Il ne valait mieux pas que le chien de la casse surprenne une tentative de fuite en pleine journée, à moins de vouloir finir ficelée en rôti. Et dans la mesure où je n'avais pas de tendances masochistes, j'étais parée à mettre mon plan à exécution seulement une fois la nuit tombée.
Mes bouquins de science m'avaient appris que le froid entraînait souvent une perte de tonus chez l'Homme, notamment à cause du manque de vitamine D. Or, la température dans ce cagibi diminuait au fil des heures, et lorsqu'elle n'atteignit plus que quelques degrés, avec un niveau d'énergie proche de celui de Flash Slothmore, je ne tardais pas à tomber dans les bras de Morphée.
Lorsque je me réveillai quelques heures plus tard, la douleur à mon pied s'était légèrement dissipée, et malgré mon dos très raide-merci au plancher en terre battue-, je me sentais en bien meilleure forme physique qu'avant. De quoi mettre mes talents de Wonder Woman en pratique si ma stratégie venait à mal tourner !
Je tendis l'oreille, inquiète à l'idée de m'être assoupie trop longtemps. Mais à mon plus grand soulagement, je n'entendis rien, mis à part les couinements des rats et l'écho crispant des gouttes d'eau qui s'échappaient d'un tuyau de canalisation mal en point. Je coinçai mon œil dans le minuscule creux formé par deux planches en bois bloquant l'accès aux fenêtres : l'aube n'était pas encore levée. Mon bourreau devait sûrement encore roupiller.
Débordante d'adrénaline, je décidai de passer à l'attaque. La commode abîmée et le conduit de ventilation étaient les éléments centraux de mon plan d'évacuation. Je m'avançai en titubant vers le meuble, attachai à un pied une maigre serviette de bain tissée en ficelle et tirai furieusement dessus, de manière à ce qu'il se retrouve juste en dessous de la cage d'aération. Les tiroirs ventrus de la commode avaient l'avantage d'être particulièrement larges, et leurs fonds parfaitement plats. Les devantures étant situées à même hauteur que les derrières, je retirai ces quatre boîtes et les plaçai chacune sous un pied du meuble, qui gagna alors une vingtaine de centimètres. Je fourrai la vieille pelote de laine que contenait l'une d'entre elle dans ma poche, sans vraiment savoir pourquoi, comme par simple intuition.
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Romance- Donne moi ton portable, m'ordonna-t-il d'un ton froid qui me fit presque sursauter. Face à cet inquiétant bourbier, et en dernier recours, je décidai de dégainer ma botte secrète, une arme imparable qui en effrayait plus d'un : mon humour. D'une v...