L'enfant du Mal

1- L'enfant d'une légende

Il n'est pas toujours simple d'être l'enfant d'une légende. Il faut savoir se montrer digne, à la hauteur de son géniteur lorsque la situation le demande. Il faut savoir mériter le nom que l'on porte. Seulement pour ça, il faut encore que le géniteur en question ait un minimum de considération pour vous. Ce n'est pas mon cas. Ça aurait peut-être pu le devenir avec le temps, mais cet avenir hypothétique a été contrecarré avant d'avoir eu une chance de se réaliser.

Je m'appelle Thania. Non, personne ne me connait, je le sais bien. Pourtant j'aurais gagné à être connue ; à vrai dire, je pense que je l'aurais mérité. Si mon père ne m'avait pas abandonnée il y a toutes ces années, j'aurais pu avoir ce privilège. Mais voilà, il l'a fait : il m'a abandonnée. Qui est mon père, vous demandez-vous ? Oh et bien, si vous ne me connaissez pas, lui vous le connaissez. Mon père est un Titan, l'un des être les plus forts et les plus impressionnants que l'univers ait jamais connu. Et son nom est Thanos.

Durant les premiers instants de ma vie, j'en ai voulu à mon père de m'avoir laissée. Mais au bout d'un moment, j'ai fini par voir les choses d'une autre manière. Lorsque je n'étais encore qu'une enfant, Thanos m'a donnée en cadeau à l'un de ses alliés les plus puissants : Ronan l'Accusateur. En échange de ce don, mon père a pu enclencher sa quête la plus importante de toutes : il a commencé à chercher les pierres d'infinité. Ainsi, même si j'étais triste au début j'ai fini par abandonner cette tristesse pour l'échanger contre un autre sentiment : de la fierté. Et oui ; car si mon père a pu se lancer dans la quête de sa vie, c'est grâce à moi. Grâce au dur sacrifice qu'il a dû exécuter en m'abandonnant.

J'ai passé les années suivantes à la botte de Ronan l'Accusateur. Et si jamais il n'est devenu mon père, c'est bien lui qui m'a éduquée. Il m'a appris tout ce que je sais : le combat rapproché, le maniement des armes, le pilotage des vaisseaux, et même la manipulation psychologique à son état le plus primaire. En bref, il a fait de moi ce que mon père attendait : une machine de guerre, sans regrets ni remords, sans motivations autres que celles qu'on me donne. Une créature sans âme et sans coeur. Et je l'ai accepté, j'ai tout accepté. Tout ce que je voulais en retour était simple : je ne désirais qu'une chose, devenir un jour digne de mon père. Je voulais pouvoir finir par le retrouver, lui prouver ma force et ma puissance. Lui montrer que je n'étais pas une déception. Je voulais qu'il comprenne quelle femme j'étais devenue avec le temps, et qu'il en soit fier.

J'ai travaillé dur pendant des années, sans relâche, à satisfaire les moindres désirs de Ronan, ses moindres envies perverses, à faire pour lui et son armée ce qu'aucun autre n'osait faire. Je me suis lancée corps et âme dans toutes les batailles qu'il m'a demandé de mener, sans sourciller, même les jours les plus durs. Je ne lui ai donné aucune raison d'être déçu de moi ou de mon comportement, espérant qu'il finirait par dire à mon père que je valais le coup d'être sauvée. J'avais envie qu'il me ramène à la maison, c'est tout. Mais ça n'est pas arrivé ; et ça n'arrivera jamais.

Il y a cinq ans environ, et alors que j'étais toujours à la botte de Ronan, mon incroyable père a enfin réussi son oeuvre, l'oeuvre de toute une vie. Il a libéré la moitié de l'univers, en faisant disparaitre l'autre. J'ai toujours su qu'il avait ce projet, il m'en parlait très souvent lorsque j'étais enfant. Sauf que dans mon esprit, les choses se passaient différemment. Car le jour où Thanos a claqué des doigts dans son gantelet, que la moitié de l'univers a été effacé, je n'ai pas été de ceux qui sont restés.

Si on aurait pu croire que mourir me rendrait triste, ça n'a pas été le cas. Je n'ai pas eu peur, je n'ai pas ressenti de colère, rien de tout ça. Pour être honnête, j'étais soulagée : mon père avait réussi son grand projet et moi, j'étais libre. Libre de quitter Ronan pour l'éternité. Mon père avait réussi sans moi à ses côtés, certes, mais il m'avait libérée tout de même et cela m'a rendue heureuse. Surtout à l'idée que j'avais été le premier pas menant à sa grande victoire.

Mais ça ne s'est pas arrêté là... Car si j'étais en accord avec le fait de disparaitre au profit du bonheur de mon père, ce n'est pas ce qui s'est produit au final.

Car ensuite, un beau jour au milieu... eh bien, de rien, j'ai rouvert les yeux. J'ai rouvert les yeux, et j'ai regardé autour de moi, réalisant avec effroi que je me retrouvais au même endroit, exactement, qu'à l'instant où j'avais disparu. Les choses avaient l'air d'avoir changé, mais sans l'avoir vraiment fait. Et je ne comprenais pas ce qui se passait.

Je suis restée là où j'avais disparu puis réapparu durant des heures, tentant de comprendre la situation sans y parvenir. Et même si je ne savais toujours pas ce qu'il en était, j'ai vite compris une chose : si j'étais de retour, cela voulait dire que tous les autres l'étaient aussi. Mon père a réussi son œuvre, il a effacé la moitié de l'univers pour donner une chance à l'autre moitié de grandir, d'évoluer, d'être en paix. Mais il est très probable au vu de la situation qu'ensuite, quelqu'un ait défait son travail. Cela ne peut avoir qu'une seule signification : aujourd'hui, mon père est mort. Car il n'aurait jamais laissé une telle chose se produire de son vivant.

Il est clair que mon père n'était pas parfait. Avec moi en tout cas, il ne l'a certainement pas été. Cependant je ne peux pas le nier, ni l'oublier : Thanos est mon père, et il le sera toujours. Et si je suis de retour, c'est que quelqu'un a gâché le travail de toute une vie de labeur et de sacrifices. Des sacrifices dont ma vie a fait partie. Et ça, je ne compte pas l'accepter.

Mon père est mort, mais rien n'est terminé. Non, car je vais retrouver les personnes à l'origine de tout ça. Et je vais les tuer, une... par... une.