L'enfant du Mal

46- Le jeu, la chandelle

- Alors, tu m'as retrouvée. Comment ? Et pourquoi ?

Maintenant que Loki est sorti de sa cachette, assez courageux pour venir se tenir devant moi, je le regarde d'un air curieux tout en continuant de jouer avec le poignard, dans ma main. Je ne compte pas le lancer sur lui ; en tout cas pas s'il me laisse le choix. Mais je préfère l'avoir avec moi, juste au cas-où.

- À quoi tu joues, Thania ?

- Alors c'est ça, ta première phrase ? rétorque-je l'air faussement étonné. Je me serais attendue à un peu plus original venant de ta part. Non en fait, à bien y réfléchir je me serais plutôt attendue à ce que tu me laisses faire ce que je veux sans t'en mêler.

Ensuite, je pince mes lèvres et hausse les épaules avant de reprendre mes petits pas autour du Dieu de la Malice. Celui-ci continue de me regarder, les sourcils froncés.

- Pourquoi tu t'es enfuie ? reprend-il.

- Oh, tu n'es pas au courant ? reprends-je d'un air nonchalant. J'ai tué ma soeur. Alors tu vois depuis, plein de choses ont changé. Elles ont... eh bien, disons qu'elles ont repris la place qu'elles devaient avoir.

Loki me fixe intensément, avant de secouer la tête dans une grimace. Finalement il essaie d'avancer un peu vers moi ; je l'en empêche. Alors il s'arrête, les mains en l'air, mais ça ne l'empêche pas de continuer son baratin pour autant.

- Tu n'as pas tué Nébula, Thania. Ce n'était pas ta faute, mais celle de Ronan.

Pour toute réponse, je me mets à rire tout en hochant la tête avec sarcasme.

- Je suis sérieux ! reprend Loki d'un ton fort. Arrête ton numéro, maintenant. Tu en as assez fait, tu ne crois pas ? Rentre avec moi, retournons sur Terre. Thor et Valkyrie seront heureux de t'y accueillir, j'en suis sûr.

- Décidément Loki, c'est vraiment trop tard pour toi.

- Trop tard ? me demande-t-il en fronçant les sourcils. Et pour quoi faire ?

- Pour devenir le grand Dieu que tu aurais pu devenir.

Cette fois, c'est Loki qui reste silencieux devant ces mots. Il baisse un peu la tête, un sourire meurtri sur le visage.

- Je suis Di Mohira, désormais. L'Âme Vengeresse, l'Enfant du Mal. Un ami de mon cher père m'a même appelée "le dernier Titan", il y a quelques jours. Voilà ce que je suis, désormais. Tu crois vraiment que ton frère adoré serait ravi de m'avoir sur sa petite planète chérie ? Hm hm, moi je ne crois pas.

Je secoue la tête de gauche à droite d'un air résolu. Puis, j'avance jusqu'à Loki qui baisse les yeux pour pouvoir les planter dans les miens. Ici, je pose une main sur sa joue et la tapote d'un faux air réconfortant.

- Ne t'en fais pas petit Loki, lui dis-je, tout ira bien pour toi. Je pourrais te tuer, mais... non, ça ne me dit rien. Je vais plutôt faire en sorte que tu restes ici assez longtemps pour ne pas pouvoir me suivre. Une fois d'accord, mais pas deux. Je me suis bien faite comprendre ?

- Thania, c'est ridicule. Tu n'es pas obligée de choisir ce chemin là, si seulement tu voulais bien m'écouter une seconde tu...

- Tais-toi.

J'avance encore vers lui, et d'un petit coup de poignard derrière la cuisse je force Loki à s'agenouiller. Voilà qui est mieux : c'est à moi de le regarder de haut, désormais. Mon poignard désormais collé à sa joue, je savoure cet instant durant lequel je ne suis plus la fille en cage. Bien qu'il n'y ait pas de barreaux, pas de parois transparentes autour de lui, Loki sait que les rôles sont enfin inversés. Car maintenant, tout de suite, le Dieu de la Malice plie le genou devant moi.

Ensuite, je m'agenouille moi aussi pour me retrouver à la hauteur de Loki. Je lui souris, avant de laisser une trace de mon passage sur sa joue droite : rien qu'une petite cicatrice, ça ne lui fera pas de mal. Mais à moi, ça fait du bien. Puis j'amène deux doigts près de ma bouche et émets un sifflement assez important pour qu'une demi-douzaine de mes soldats apparaisse dans un temps record.

- Attachez-le bien, leur dis-je, il doit mettre plusieurs heures à trouver le moyen de se libérer. C'est compris ?

Tandis qu'ils hochent tous la tête et que je me relève, je peux sentir Loki agripper le bas de ma robe et je suis contrainte de le regarder à nouveau. Pour qu'il me lâche, je donne un coup de pied dans sa main et recule de deux pas.

- N'essaie plus de me retrouver.

- Je ne peux pas te le promettre, me répond-il d'un air de défi.

- Très bien, mais sache une chose dans ce cas : la prochaine fois, tu ne t'en tireras pas aussi bien.

Après un dernier regard lourd de sens, je me retourne finalement pour rejoindre mon vaisseau, laissant Loki entre les mains de mon armée. Juste avant d'être trop loin cependant, je marque un temps d'arrêt et restant de dos, je prononce envers Loki une dernière petite phrase.

- Réfléchis bien Loki, prince d'Asgard, avant de tenter une nouvelle fois de te mettre sur ma route.