L'enfant du Mal

24- Une nouvelle donne

Tout est en train de devenir... compliqué. Trop compliqué. Et je ne sais pas comment m'y prendre pour calmer tout ça.

Autrefois, rien n'était jamais comme ça. Je n'avais pas le temps de rendre les choses compliquées, Ronan ne m'en laissait pas l'occasion. Il n'y avait pas de place, dans ma première vie, pour la réflexion ou le libre-arbitre. Alors maintenant que c'est le cas, je n'ai vraiment aucune idée de la manière dont je dois gérer les choses. Et... je commence à devenir différente. Mais pas en bien. Je ne suis ni plus forte, ni plus sûre de moi, ni plus encline à discuter avec les autres. Pas du tout.

La vérité, c'est que tout me semble vide. Encore plus que ça ne l'était auparavant, alors que je n'aurais pas cru ça possible. Depuis quelques temps, Thor et ses compagnons essaient de me charrier dès qu'ils viennent prendre leur tour de garde devant ma cellule mais je ne réponds plus à leurs piques. Même ça, ça ne me fait plus plaisir.

C'est l'arbre en pleine crise d'adolescence, Groot je crois, qui me surveille pour le moment. Heureusement pour moi c'est le moins loquace de son groupe, et il est trop occupé à jouer sur sa console pour tenter de me faire sortir de mes gonds. Ce n'est pas comme Drax ou comme Rocket, qui eux passent leur temps à essayer. En vain, mais tout de même.

Ces derniers jours j'ai l'impression d'être devenue quelqu'un d'autre. Je n'avais pas réalisé, avant cela, ce que ça signifiait que d'être libre. Même enfermée dans cette cellule, je le suis davantage que durant les décennies qui ont précédé. Je ne suis plus sous les ordres de personne, et la partie de mon cerveau conditionnée aux combats et aux manigances n'a absolument rien à faire pour m'occuper l'esprit. Je continue de passer mon temps assise ici, fixant le vide, réfléchissant intérieurement au sens de ma vie entière. Cette vie que j'ai passée dans l'obscurité et la violence, à quémander comme une faible l'amour d'une personne qui ne me l'aurait jamais donné. Voilà, c'est ce que je suis. Ronan avait raison, durant toutes ces années : je suis minable, pathétique. Inutile. Et maintenant je vais passer le reste de ma vie en prison, pour avoir défendu un idéal dont je n'ai même pas quoi que ce soit à faire en réalité.

On a beau dire que les personnalités sont uniques, chaque personne naissant et mourant dans l'univers est forgé par les expériences qui se déroulent autour d'elles. Pour ma part, ces expériences se résument à un abandon, à un intensif lavage de cerveau et à des proches tous plus attirés les uns que les autres par la vengeance et la destruction. Cela me pousse à penser, logiquement, que si j'avais eu une autre famille tout aurait pu être différent. J'aurais pu être vraiment différente. Peut-être que je serais là-haut, avec les super "Héros de la Galaxie" ou peu importe comment ils se font appeler. Peut-être que j'aurais quelques faibles notion de ce qu'est le bonheur, ou l'amour. Mais bon, ce n'est pas le cas. C'est comme ça, après tout.

- Eh oh ?? Thania ?? Tu m'entends ?

- Je s'appelle Groot...

- Sérieux ?

Finalement je suis sortie de mes pensées, et tourne la tête vers tout ce bruit que j'entends. En voyant ceux qui se tiennent devant la vitre transparente, je grimace en fronçant les sourcils.

- Qu'est-ce qui a, encore une réunion au sommet ?

- Non, me répond Thor, pas cette fois. Allez, sors de là.

Quoi ? Est-ce qu'il vient vraiment de dire ça ? Pas sûre de savoir si je dois prendre sa remarque sérieusement, je lève la tête vers Nébula qui se contente de hausser les épaules. Voyant que je ne bouge pas de ma place, Thor soupire et reprend son explication.

- Rocket et Quill sont partis en repérage autour de la Terre ; Ronan envoie des soldats pour te récupérer. Ils vont arriver d'une minute à l'autre. Alors...

- Oh, je vois ! l'arrête-je en ricanant. Tout est plus clair, du coup. Toi et ta bande vous me libérez, comme ça Ronan partira à mes trousses et vous serez tranquilles. C'est bon, rendez-moi mes poignards et je m'en vais.

Alors que je me décide enfin à quitter la cellule et me penche pour récupérer mes armes, je vois un bras sûr se planter devant moi et me barrer la route. Je relève la tête vers Loki, esquisse un sourire malicieux.

- Quoi, dis-je donc, tu veux garder les poignards ?

Tandis que le Dieu de la Malice continue de me regarder en grimaçant, son frère prend à nouveau les devants. On dirait qu'il est le seul à avoir le droit de parler, ici. C'est dingue !

- Non, on veut que tu te battes avec nous. C'est tout.

- Ah bon ? réponds-je en ricanant. Et depuis quand est-ce que le fabuleux Dieu du Tonnerre a décidé de me faire confiance ?

- Ce n'est pas le cas. Mais les Gardiens de la Galaxie et moi, on n'est vraiment pas du genre à sacrifier des vies. Quelles qu'elles soient. La vie d'une personne ne se monnaie pas... C'est un vieil ami, un soldat, qui m'a enseigné ça il y a bien longtemps.

Quand il fait allusion à cet ami, les regards de tout le monde se baissent et j'avoue avoir du mal à comprendre de qui il peut bien parler. Bon, peu importe. Je croise les bras sur ma poitrine et penche un peu la tête.

- Bon, et alors... Quoi ?

- Alors, me répond cette fois Nébula, on va se battre. C'est ce qu'on fait toujours. Tu es avec nous ?

Nébula tend la main vers moi, et je les regarde tous d'un air de défi. La dernière fois que j'ai serré sa main pour conclure un accord, seule ma part du marché a été respectée. Si c'est ce qu'ils comptent faire à nouveau...

Oh, et puis finalement, qu'est-ce que ça peut faire ? Au point où j'en suis, même ça n'a plus d'importance. Alors, je serre la main de Nébula avant de me tourner vivement vers la porte menant à la sortie. Je vais revoir la lumière du jour : c'est déjà ça.

- Allons botter des fesses, dis-je en passant les portes du grand corridor.