Chapitre vingt-deux : Cartes sur table

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« Nous oeuvrons pour des forces supérieures. Nous sommes tous les deux jouets des dieux. Nul n'y échappe. ».

Taharqa




Encore ce rêve. Encore cette sensation d'oublier quelque chose de crucial, en lien avec la femme vêtue comme dans les films d'époque, représentant l'Antiquité gréco-romaine. Une rousse, au regard empli d'une tristesse infinie. Elle lui parlait mais les mots qui sortaient de sa bouche n'avaient aucun sens. Un peu comme une chanson qu'on écoute pour la première fois. On a l'impression d'en comprendre le sens général, grâce à la musique où à la tonalité de la voix du chanteur, mais lorsque l'on découvre les paroles, on réalise qu'on est totalement à côté de la plaque. Voilà ce que ressentait Morgane tandis qu'elle rassemblait les bribes brumeux de son rêve et plus elle tentait de se concentrer, plus ils s'effilochaient. D'ici quelques minutes, il n'en resterait rien. À force de persévérance, elle finit par décrypter deux mots avant que son rêve ne se dissipe totalement. Frustrée, elle martela le matelas de ses deux poings. Chaque nuit, elle faisait le même rêve. Chaque matin, elle se réveillait, saisie par une urgence qu'elle ne s'expliquait pas. Un cercle vicieux qui se répétait depuis une semaine. Depuis que Kassandra lui avait sauvé la vie.

Les bandages lui enserrant le torse était un rappel constant de la précarité de sa situation. La blessure qu'Haytham lui avait infligée était plus profonde qu'elle ne l'avait cru. Parvenir à quitter l'Opéra sans s'évanouir était déjà un petit miracle en soi mais pouvait-on encore parler de miracle quand, au lieu de retourner à son époque, elle s'effondrait quasiment aux pieds de la personne qu'elle cherchait désespérément à rencontrer ? Une personne qui n'avait aucune raison d'honorer un rendez-vous fixé douze ans auparavant mais qui l'avait pourtant fait ? Et, si ce n'était pas un miracle, qu'est-ce que c'était ? Une coïncidence ? Le destin ? Plus important encore... Pourquoi avait-elle atterri en mai 1900 au lieu d'octobre 2017 ?

Cette question la taraudait plus que toutes les autres. Plus que celles concernant son mystérieux rêve. Plus que celles entourant Kassandra – qui les éludait avec une aisance à faire pâlir de jalousie Minerve, la reine de l'esquive. Pourquoi le vingtième siècle plutôt que le vingt-et-unième ? Et puisqu'elle en était là dans sa réflexion, pourquoi le dix-huitième siècle plutôt que le vingtième ? En fin de compte, tout était parti de là.


Le front plissé par la concentration, Morgane remontait le fil de ses souvenirs jusqu'au moment précis où elle avait activé la Capsule. Durant son étude, aux côtés de Shaun, elle s'était prêté si souvent à cet exercice qu'il lui était devenu aussi naturel que respirer et elle ne s'était jamais plantée... jusqu'à aujourd'hui. La Capsule l'avait lâchée sans la moindre explication et, maintenant qu'elle y réfléchissait, ce n'était pas la première fois. Il y avait eu ce malencontreux précédent lors de sa première entrevue avec Kassandra où le Fragment l'avait ramenée à son époque plus tôt que prévu. Ces dysfonctionnements étaient-ils la résultante de sa trop grande utilisation de la Capsule ou de quelque chose de plus insidieux ?

Préoccupée par l'impact des sauts dans le temps sur sa santé, Morgane ne s'était guère préoccupée de l'aspect technique alors même qu'elle connaissait les risques inhérents au lien psychique qui les unissait. Plus tu te sers de son pouvoir, plus ce lien se renforce jusqu'à ce que la Capsule anticipe tes désirs. Mais quels étaient-ils ? Que voulait-elle, au plus profond de son cœur ? Je veux terminer cette histoire une bonne fois pour toute. Clore la boucle temporelle. Empêcher le projet Phénix d'aboutir. Venger la mort de Charlotte. Retrouver mes amis. Être avec Shaun. Cela faisait surement beaucoup trop même pour un artefact aussi puissant que la Capsule. Pour que celle-ci fonctionne à son plein potentiel, peut-être devrait-elle se focaliser sur un souhait à la fois, comme Aladin et sa lampe magique. Alors... Que désirait-elle par-dessus tout ? Là, sans réfléchir, la première chose qui lui passait par la tête.

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