Assassin's Creed : Downfall

Chapitre dix : Le point de rupture

« A nous, qui avons persisté et n'avons jamais baissé les bras. A tous ceux qui continuent de s'accrocher. »

Kassandra

- « Tu ne ressens pas comme un vide à l'intérieur ?

- Si. Et il me ronge le cœur sans cesse ».

Anne Bonny et Edward Kenway

Septembre 2017, Queen's Anne Gardens, Londres.

Le temps morose de cette dernière semaine du mois de septembre reflétait à la perfection l'humeur de Shaun. Assis sur un banc, indifférent à la pluie qui tombait sans discontinuer, il gardait les yeux rivés sur le manoir délabré. Home sweet home, pensa-t-il, avec amertume, enfin conscient de la douloureuse réalité de sa situation. Il ne connaîtrait pas le bonheur d'un doux foyer. Les derniers espoirs qu'il en conservait venaient de partir en fumée avec le manoir Davenport.

Shaun renversa la tête en arrière. Dieu qu'il était fatigué. Sept ans en arrière, alors qu'il n'était qu'un simple assistant professeur, il passait tout son temps libre sur les forums et les blogs conspirationnistes, aspirant à dévoiler au grand jour ce que les grosses entreprises bourrées de frics et de cadavres dans le placard cherchaient à dissimuler. Quand ses parents manifestaient leur inquiétude de ne pas le voir prendre son avenir au sérieux, il leur riait au nez. Il n'avait que vingt-cinq ans. Il avait la vie devant lui. Aujourd'hui, une partie de lui regrettait de ne pas les avoir écoutés. Dans quelques semaines, il fêterait son trente-deuxième anniversaire. Ses collègues de l'université devaient tous avoir fondé une famille, à l'heure qu'il est. Qu'avait-il accompli, lui ? Je me suis battu pour préserver la liberté de mes concitoyens. J'ai contribué à sauver le monde et personne n'en saura jamais rien. À une autre époque, il aurait été traité en héros. Au vingt-et-unième siècle, il n'était rien du tout. Juste un célibataire, sans emploi, sans perspective d'avenir.

Qu'avait-il accompli ? Il avait poursuivi des chimères. Il avait continuellement fui un ennemi invisible sans jamais trouver le repos. Il avait aveuglément suivi un homme qu'il avait pris pour le Messie. Il avait assisté au sacrifice de ses amis pour une cause perdue d'avance. Quand il faisait le bilan de ces sept dernières années, Shaun réalisait combien sa vie était vide de sens. Au bout du compte, il n'avait fait que survivre. S'il continuait sur cette voie, il ne tiendrait pas sept années supplémentaires. Il se pourrait même qu'il ne tienne pas jusqu'à la fin de l'année.

En rejoignant la Confrérie, Shaun avait rapidement compris que la mort faisait partie intégrante de la vie des Assassins. Chaque mission pouvait être la dernière, c'était le deal. Cependant, bien à l'abri derrière ses écrans, il ne s'était pas senti concerné par ce funeste destin. La mort était pour les autres, ceux qui risquaient leur vie chaque jour sur le terrain, pas pour les planqués comme lui. Mais la Faucheuse ne faisait aucune distinction. Elle venait pour tout le monde. Bientôt, elle viendrait pour lui. Il était loin d'être prêt à l'accueillir. L'attaque éclair au Canada le lui avait bien fait comprendre. La mort de Charlotte le lui avait fait comprendre.

Manoir Davenport, une semaine plus tôt.