Assassin's Creed : Downfall

Chapitre trente-sept : La troisième règle

Mon destin n'appartient qu'à moi. Mes choix n'appartiennent qu'à moi ».

Elise de la Serre.

Morgane vit Lily poser l'index sur la détente. Elle n'allait quand même pas laisser cette peste blonde l'assassiner sans réagir. Vite ! Trouver une parade. Faire diversion. Tout, n'importe quoi pour détourner son attention. Dieu qu'elle était lente. Si seulement elle disposait d'un peu plus de temps pour réfléchir !

- Le temps, souffla-t-elle.

Lily lui adressa un coup d'œil dédaigneux.

- Que marmonnes-tu ?

Qu'avait-elle dit à Bishop, déjà ? Tout le temps du monde enfermé dans un collier de métal. Morgane baissa imperceptiblement la tête. McGowen, se contentant de vérifier qu'elle était désarmée, n'avait pas touché à la Capsule. Le fardeau pesant sur ses épaules s'allégea. La partie n'était pas terminée.

- Je veux avoir le temps de lui faire mes adieux, exigea-t-elle, en haussant le ton.

Dans le même temps, elle couvrit le Fragment de sa main droite. As-tu perdu la raison ? Renonce de suite à cette folie. Son instinct de survie freinait des quatre fers. Il fallait s'y attendre. Le traumatisme de Séville était encore prégnant. Sans la nécessité de clore sa boucle temporelle, elle serait morte. Pour de bon. Cette pensée lui glaçait la veine. Elle avait frôlé la mort tant de fois qu'elle avait fini par se croire invincible. Excepté qu'elle ne l'était pas. Elle n'était qu'une fille ordinaire dotée d'un pouvoir extraordinaire. Un pouvoir qu'elle ne contrôlait pas aussi bien qu'elle ne l'imaginait. Certes, elle était parvenue à arrêter le temps. Cela ne voulait pas dire qu'elle pouvait recommencer. Il lui avait fallu un nombre incalculable d'essais avant de maîtriser le saut temporel, si on pouvait appeler cela « maîtriser ». Londres. Boston. Séville. Ces derniers temps, elle perdait le contrôle un peu trop souvent à son goût. La Capsule la menait par le bout du nez, la bringuebalant d'une époque à l'autre sans qu'elle n'ait son mot à dire. Sa petite voix intérieure, dont le ton hautain lui rappelait Minerve, était dans le vrai. Ce serait pure folie que de se fier à la Capsule. Elle ignorait si le Fragment lui permettrait de réitérer l'exploit de Séville et, pour être honnête, elle craignait de le découvrir.

Morgane laissa retomber son bras. Non, elle ne laisserait pas le hasard décider du destin de Shaun. À la place, elle engloba la scène du regard. Sur sa gauche, négligemment appuyée contre le bureau en chêne massif, Sophia l'observait avec attention. Devant elle, à genoux, mains dans le dos, sa tête levée en direction de Lily, Shaun essayait de la ramener à la raison. En pure perte.

- Ferme-là où je te descends. Je ne plaisante pas. Quant à toi... Tu as un de ses culots. Tu te crois en position de me donner des ordres ? Ici, c'est moi qui commande. Je fais ce que je veux. Et là, tout de suite, je veux que la cervelle de ton petit ami éclabousse les murs.

Une autre que Morgane se serait laissé abuser par la morgue contenue dans la voix de Lily. Elle n'aurait pas remarqué sa tendance à monter dans les aigus quand elle terminait une phrase et serait passée à côté de l'infime tremblement de ses mains. La rousse n'était pas dupe. L'appréhension de son ancienne novice à passer à l'acte crevait les yeux. En clamant son désir de tuer Shaun, c'était avant tout elle-même qu'elle cherchait à convaincre. Ce constat lui redonna de l'espoir. Elle pouvait encore renverser la vapeur mais elle allait devoir agir avec subtilité. La soif de vengeance de Lily la rendait insensible à toute tentative de négociation, de chantage ou même de menace. Par contre, elle semblait mûre pour une bonne manipulation à l'ancienne. Connais ton ennemi mieux que toi-même. Il te sera plus facile de repérer ses points faibles et de les exploiter. L'une des premières leçons de William. Toutes les batailles ne se remportaient pas à coup de Lame ou sur une rafale de balles. En laissant transparaître sa haine à son égard, Lily avait, sans le savoir, baissé sa garde.