11. Fissure

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Le sommeil l'avait libérée de son emprise depuis de longues minutes déjà, malgré tout, ses paupières restaient inlassablement closes.

Elle était si bien, là, allongée sur une sorte de paillasse confortable, enveloppée d'une couverture toute douce qui maintenait la chaleur dans son corps. Elle se retourna pour échapper à la lumière de plus en plus vive qui, elle supposait, venait du soleil levant, et un lourd soupir de contentement s'échappa de ses lèvres entrouvertes.

Or, tout plaisir connaît une fin imprédictible, le sien, à peine savouré, cessa subitement à l'instant même où un lointain relent de marée lui titilla les narines.

Rey papillonna des yeux, puis, lentement, s'avisa de son environnement. Ces parois de pierres ne lui étaient pas inconnues, elle en était certaine. Ses pensées se relancèrent peu à peu, et bientôt, le nom d'une planète qu'elle avait fréquentée un temps s'imposa à son esprit.

Pour une raison qui lui échappait encore, elle se trouvait de nouveau sur l'île du Jedi mythique, Luke Skywalker. Ahch-To.

A regret, Rey s'arracha de son abri si paisible. Une grimace traversa son visage lorsqu'elle constata à quel point ses muscles semblaient ankylosés. Que s'était-il donc passé pour qu'elle soit aussi rouillée ? Ces derniers souvenirs formaient des images floues dans son esprit, comme une peinture sur laquelle on aurait renverser un vase d'eau. Prendre l'air clarifierait sans doute sa mémoire brumeuse.

Au souvenir de la brise fraîche courant systématiquement sur l'île, Rey s'empara de la couverture et la jeta sur ses épaules.

Elle avait vu juste. A peine eut-elle franchi le seuil de la hutte qu'un vent froid fit voler les quelques mèches échappées de ses chignons, étonnamment toujours intactes.

Le soleil, émergeant du vaste océan, pointait tout juste le bout de son nez, éclairant en douceur les herbes folles et immenses rochers. Ses iris noisettes dérivèrent vers l'horizon, repérant les deux vaisseaux attachés l'un à l'autre par un épais câble métallique, parqués dans un coin de terre vierge, pour finir par tomber sur une silhouette visiblement assise, isolée au sommet d'une falaise.

Comme poussé par un instinct, son corps se mit en marche de lui-même, attiré vers cette forme au loin. Le temps comme en suspend, elle dépassa les huttes traditionnelles des Jedi de jadis, foula tranquillement les chemins verdoyants, gravit le flanc abrupt de la falaise. Puis, avant même qu'elle n'en prenne conscience, Rey atteignit la silhouette familière. Lui.

A cette vision, ses souvenirs s'éclaircirent subitement. Dans un flash étincelant, l'image du cimetière froid, désolé s'imposa à son esprit, et s'ensuivit sa lutte infinie dans l'océan mentale dans lequel le spectre de Dark Bane l'avait emprisonnée. Puis, l'écho d'un appel, de son appel, qui avait résonné dans la tempête, qui lui avait donné la force nécessaire pour reprendre le dessus sur l'envahisseur.

L'énorme livre à la reliure sombre reposant entre ses larges paumes semblait accaparer toute son attention. Ou du moins, presque. A quelques pas de là, un porg, la tête inclinée, s'approchait doucement de lui, comme intrigué par ce mystérieux étranger. Sans décrocher les yeux de la page, le Chevalier Noir agitait distraitement une main, faisant fuir le petit animal. Et, lorsque la main disparaissait, le porg revenait tranquillement, jusqu'à ce que la main ne l'éloigne de nouveau.

Amusée, Rey contemplait ce phénomène pour la troisième fois lorsque Kylo releva finalement la tête vers l'océan, encore paisible pour le moment.

- Enfin debout, constata-t-il d'une voix atone.

Le visage de la jeune femme mua aussitôt pour épouser les traits de l'incompréhension.

- Combien de temps ? demanda-t-elle du bout des lèvres.

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