14. Fragment

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Les flammes rougeoyantes crépitaient, calcinant sans remords les rondins de bois, un à un. En suspend dans l'atmosphère, les étincelles brûlantes effleuraient son visage, aussi pâle que la pierre lunaire.

Au cœur de la hutte rocheuse, la chaleur régnait, douce, apaisante. Et pourtant, les vagues de frissons ondulaient sans relâche le long de son épiderme ; l'effroi l'enserrait entre ses griffes affutées.

Comme un écho fuyant, Rey perçut le grincement de la porte boisée, puis ses pas, lourds, presque hésitants, s'approchant du banc de pierre adjacent. Et la morsure de ses prunelles intenses, troublantes. Dans le silence mortel, Kylo Ren la scruta un temps.

- Raconte-moi.

Le regard rivé au cœur du feu, Rey resserra la couverture autour de ses membres glacés, imperméable à la demande de son allié.

- Je sais ce que tu ressens, ajouta-t-il avec calme. Cette tempête chaotique d'angoisse, de détresse, je la subis aussi depuis notre retour sur l'île. C'est éprouvant, mais à travers ce monolithe, la Force nous a lancé une mise en garde qu'il est en notre devoir de décrypter.

La remémoration de l'immense pierre, renfermant les murmures, la figea sur place. De ses canines, Rey mordit ses lèvres déjà ébréchées par ses récurrentes pulsions d'anxiété. Comment partager une hallucination aussi épouvantable ?

- Raconte-moi, Rey.

Au timbre si doux, la réticence recula un court instant, l'angoisse pourtant revint vite au galop. Jaugeant son allié du coin de l'œil, Rey secoua finalement la tête, en guise de négation. Son refus obstiné enclencha un soupir de lassitude.

Une poignée de secondes s'égrena, à l'issue de laquelle Rey discerna la lueur résolue au bord des sombres pupilles de son double. Contre toute attente, il déserta subitement sa place pour s'assoir juste à côté d'elle. Prise de court, Rey retint son souffle, et, avant même qu'elle ne songe à reculer, les doigts nus de Kylo Ren se posèrent sur ses tempes.

Un éclat de lumière aussi intense qu'un éclair l'éblouit.

Sous ses iris d'ambre, se dévoila une forêt sauvage, regorgeant d'une myriade de chênes touffus, aux feuilles rougies par les rayons du soleil crépusculaire. Un spectacle onirique qui, en l'espace d'un souffle, se mua en panorama horrifique.

Le firmament, à présent paré d'un voile cendré, éclata subitement en une fine pluie. Par milliers, les gouttes s'infiltrèrent dans la canopée, clapotèrent sur la frondaison, ruisselèrent en sillons sur sa peau blême. Le cœur de Rey manqua une pulsation lorsque, horrifiée, elle remarqua la nuance écarlate de l'averse... Et la consistance morbide du sang.

Un cri de détresse étouffa au fond de sa gorge.

Surgissant d'entre les troncs, une rafale de vent balaya les lieux de plein fouet, transportant avec elle l'écho d'une voix masculine.

D'instinct, Rey aurait déjà pivoté sur elle-même pour inspecter les alentours. Son corps pourtant déclina sa volonté. Contre son gré, ses jambes progressèrent de quelques pas, puis se lancèrent dans une course effrénée. Au cœur de la forêt, elle sillonna à en perdre haleine, inapte à contrôler ses membres. Sous l'affolement croissant, ses pensées explosèrent en tornade anarchique. La démence l'aurait-elle finalement happée ?

Soudain, comme une douce brise de printemps, un murmure venu de nulle part lui chatouilla le visage : « Du calme ». Une seconde, Rey songea à une illusion. Or, cette voix, c'était bien lui... Ben.

Ce fût à cet instant seulement que Rey la sentit, la présence de sa Némésis l'enveloppant telle une bulle de chaleur sur le chemin sans fin. Et alors la réalisation la frappa de plein fouet : ils revivaient sa vision, ensemble. Elle, à travers son corps à lui.

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