13. Rouage

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Armitage étouffait. La pression, presque palpable, alourdissait l'air, désintégrait les particules d'oxygène pourtant si vitales. Sans évoquer la lourde porte verrouillée empêchant tout courant artificiel - ou plutôt toute oreille indiscrète - de s'infiltrer. Respirer s'avérait de plus en plus éprouvant, cette rencontre devait s'écourter au plus vite. Mais pas sans avoir obtenu gain de cause.

Imperceptiblement, l'homme à la chevelure flamboyante approcha à l'unisson son visage dressée, ainsi que ses mains jointes sur la table métallique, ceci dans le but d'assurer une certaine domination sur sa cible, sans pour autant froisser son ego qu'il savait aussi gonflé que le sien. Un majestueux renard, déjà bien vicieux et expérimenté pour un si jeune âge.

- Alors, Général Zenia ? articula-t-il dans un souffle. Qu'en pensez-vous ?

Une fine goutte naquit à la base de son crâne, glissa sous ses mèches rousses parfaitement peignées, dévala la pente raide de son dos, et mourut, absorbée par son costume obscur. Trace physique de la nervosité submergeant ses pensées. Trace invisible pour les iris rosés le fixant sans ciller.

- C'est d'accord, Général Hux.

Et par cette approbation en apparence insignifiante et pourtant essentielle, la tension nouant l'atmosphère cessa aussi subitement qu'une étreinte de Force. L'air pur gonfla de nouveau ses poumons tandis que les deux hauts gradés échangeaient un hochement de tête, scellant ainsi leur nouvelle entente.

- Sage décision, assura Armitage dans un murmure, observant du coin de l'œil le magnifique déhanchement inconscient de la Kage qui se dirigeait déjà vers la porte. Vous ne le regretterez pas.

Une main posée sur le verrou de la poignée, la Générale Zenia se retourna partiellement.

- Jamais je ne regretterai ma fidélité au Premier Ordre, Armitage.

Il plissa les yeux, presque certain qu'il s'agissait là d'un reproche en demi-teinte. Et pourtant, il se garda bien de répliquer.

- Une dernière chose, ajouta-t-elle, la tête haute. Cessez de dévorer mon derrière des yeux ou vous aurez affaire à moi. Et vous savez ce qu'on dit sur les femmes de mon espèce.

Il le savait, évidemment, et, malgré son arrogance démesurée, ce n'était pas une menace à prendre à la légère. Aussi il se promit qu'à l'avenir, seule son duo d'iris, aussi rose que le crépuscule retiendrait son attention. Sur cette réflexion prudente, la porte claqua lourdement.

Désormais seul, Armitage soupira profondément. Lentement, il roula des épaules, craqua sa nuque, puis étira ses membres bien trop raides, extériorisant ainsi l'appréhension et l'anxiété accumulées durant l'entretien.

Une de plus.

Il s'autorisa un petit sourire en coin, satisfait de cette nouvelle victoire. Jusqu'ici, le plan se déroulait sans le moindre accroc. Un bon whisky pur feu n'aurait pas été de refus en cet instant. Mais, à moins de célébrer une éclatante victoire militaire - chose aussi rare que l'annihilation d'un système - ou d'être convoqué à une réunion secrète en tête à tête avec le Suprême Leader pour sceller une alliance improbable, prendre un verre était formellement défendu au sein du Premier Ordre.

Armitage balaya la salle du regard. Il la détestait. Ce quatuor de murs qui ressemblait plus à une oppressante cage dédiée à la torture qu'à un espace réservé aux réunions clandestines, en comité réduit. Ce noir éclatant qui suscitait une désagréable impression d'oppression. Ce manque de baie vitrée, condamnant l'accès au cosmos si calme. Une véritable prison.

Pourtant, le sourire du Général s'agrandit lorsque, d'une pression du pied, une des larges dalles recouvrant le sol s'entrouvrit. D'un geste félin, il s'empara d'une large coupe de cristal puis saisit une bouteille à moitié vide.

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