16. Révélation

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De cette discrétion propre aux pilleurs, Rey s'enfonçait au cœur de la forêt de jade. A coup de regards aiguisés, la guerrière esquivait les racines saillantes, contournait les roches recouvertes de mousse. Au-dessus d'elle, les oiseaux chantonnaient leur gazouillis, les momongs se balançaient sur les branches les plus hautes, lui accordant à peine une seconde d'attention.

Parvenue au pied d'un ruisseau, Rey posa un genou à terre. Sa main entra en contact avec la terre souple, fraîche. Ses paupières obscurcirent ses iris. Elle inspira, plongea au fond de sa conscience pour appeler sa désormais fidèle alliée. Ses sens s'amplifièrent, galvanisés par le flux de Force. Bientôt, elle perçut le souffle nerveux, les pas hésitants, puis les vibrations qui se propageaient à la surface terreuse. Il était donc là, tout près.

Rey s'arracha subitement à son état de transe, et, tel un félin affamé, reprit sa traque mortelle. La douce mélodie du cours d'eau masquait le froissement de ses pas, lui offrant une couverture sans faille. Tandis qu'elle remontait la piste, la forte pesanteur régnant sur Era échauffait son corps. De temps à autre, une larme de sueur dévalait sa tempe, s'écrasait au sol, au rythme d'un lent compte à rebours.

Lorsqu'un craquement survint tout près, la guerrière se dissimula dans le dos d'un tronc trois fois plus large que son diamètre. Une minute s'écoula dans un silence ponctué de bruissements. La brise soufflait de son côté, dissimulant son odeur à sa proie. Avec une infime prudence, Rey esquissa un regard.

Des éclats de soleil s'immisçaient à travers le feuillage clairsemé, éclairant l'erke géant d'un halo majestueux. Son pelage brun obscur, adéquat pour se camoufler entre les chênes, luisait de vitalité. De part et d'autre de sa tête anguleuse, se déployait une paire de bois, semblable au squelette d'un arbre microscopique. Au centre de son front, trônait également une petite corne incurvée, d'une blancheur éclatante.

La bête agita ses oreilles, avant d'émettre un faible grognement. Les fourrés s'agitèrent un instant, et s'écartèrent pour révéler un jeune erke, aux bois encore inexistants. D'un pas chancelant, il rejoignit sa mère au bord du ruisseau. Sourds au timbre de la menace, les deux bêtes abaissèrent leurs pattes avants puis leur long cou, et de leurs langues sèches, lapèrent la surface limpide.

Rey les observait avec une sorte de respect, subjuguée par leur allure impériale. Sans les perdre un instant du regard, elle se mouva jusqu'à un rocher, derrière lequel elle se dissimula pour les épier. Si absorbée dans sa contemplation, elle remarqua à peine l'arrivée de son propre partenaire qui se positionna à ses côtés, aussi silencieux qu'un loup.

Dans les derniers rayons solaires, la vie se métamorphosait pour la nuit. Au loin, la faune s'enclenchait dans un chahut silencieux. Les rongeurs s'enlisaient au fond de leur terrier quand les canidés évinçaient une ultime proie, que les rapaces s'envolaient dans le rose firmament. Des êtres en douce symbiose avec la nature. Egarée dans les Régions Inconnues, Era était sans conteste un refuge salutaire en ces temps troubles. La guerrière savourait ce panorama, ancrant cette afflux de vie au cœur de sa mémoire pour en chasser l'éternel aridité de Jakku.

Concentré, le Chevalier Noir déploya ses doigts sur sa ceinture de cuir, en quête de son arme mortelle, or, la paume ardente que Rey posa sur le dos de sa main enraya son mouvement. Gorgés d'interrogation, les billes onyx de sa Némésis dérivèrent sur son profil imperturbable.

- Nous trouverons un autre dîner.

- Il nous a fallu une après-midi entière pour la coincer.

- Elle a un petit, chuchota la guerrière d'une voix sans appel.

L'espace d'un battement vital, les cicatrices d'une époque pourtant révolue se ravivèrent. Jamais, Rey ne contribuerait à rendre orphelin un être encore tout jeune. Une promesse personnelle.

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