Abby
Dix heures trente cinq. Nous sommes rentrés. Moi, Emilie ainsi que son invraisemblable, Jason.
Plus court que ce que j'avais espéré, il m'a fallu quinze petites minutes pour reprendre mes esprits et aller sauter au cou de ma mère.
Building après building, cette grande ville défile derrière la vitre. New york me paraît si ordinaire que même après deux mois sans y mettre les pieds sa splendeur ne m'empêche pas d'ôter le visage de cette femme avec ses yeux gris et ses cheveux bouclés, l'ex de...
Je ne veux même pas prononcer son nom.
Enfin, quelles que soient ses intentions, je me demande si je devrais vraiment m'inquiéter. Était-elle là par hasard ?
Merde. Je ne sais même pas si je dois me faire des idées sur ce qui venait de m'arriver. Ça vient tout changer et mes pensées se divaguent sur à quoi pourrait mener cette rencontre ou encore, devrais-je dire, cette coïncidence.
— Maman !
Elle touche à ses pots dans lesquels sont enfoncées de nombreuses plantes avec de jolies fleurs rouges. Des fleurs qui ont marqué toute mon enfance.
— Regarde-moi qui est là ! Je croyais que tu étais au Canada, que s'est-il passé ?
— Rien mais rien ! J'avais juste envie de te voir c'est tout.
Je la prends dans mes bras, rajeunie dans sa robe longue violette.
— Oh que tu m'as manquée. Tu es très belle.
Elle fait attention pour que ses gants ne me salissent pas. Franchement, je me sens si bien avec ses mains autour de moi. Si seulement elle savait à quel point que je suis brisée de l'intérieure.
— Dis moi que tu vas bien ma chérie.
Ces mots me donnent ce faux rire de fillette abattue dont j'avais l'habitude de lui offrir à chaque fois que quelque chose n'allait pas.
— Bien sûr. Tiens, je t'ai même apporté des pommes de terre, et un peu de légumes aussi.
— Merci ma princesse de toujours.
Elle attrape mon sac.
— Donne, je vais les mettre dans ton ancienne chambre.
******
C'est le seul endroit qui m'aide à retrouver mon calme, mais j'ai quand même passé la journée à morfondre.
Je ne peux pas me séparer de cette panique ou du moins, je ne veux pas. Pas encore.
— Je reste dormir.
— Je ne t'aurais pas laisser partir de toute façon.
J'ai le coin des lèvres qui s'écarquille de joie en entendant ça.
La route fut longue et elle a totalement raison, même si je le voulais je ne pourrais pas y retourner.Je me défends de penser à lui, mais pour cette fois je n'ai plus d'armure. Son ex femme l'a transpercée. Maintenant je ne peux plus enlever son image de ma tête. Le temps que j'y pense, il n'a pas menti à propos de son divorce. Pourquoi l'a-t-il fait alors ? Peut-être que j'aurais dû écouter tout ce qu'il avait à dire. Il m'aurait sûrement donné une réponse à tout ça. Mais bien sur Abby il a une réponse à tout, c'est un menteur! il t'a brisé le cœur ma belle.
Une partie de moi me rend vulnérable, je sais. L'autre refuse d'abandonner d'être plus forte que jamais. Putain! Je commence à devenir folle. Toutes ces souffrances, ces angoisses, c'est de sa faute. Tout n'est que de sa faute.
Non ma jolie, là tu te plantes. C'est de ta faute. Tu as tout avalé. Il t'a tout pris, y compris ta capacité à raisonner.
Qu'ils aillent se faire voir ! Lui et sa pétace de blonde. Il s'est joué de moi, et cette dernière pense pouvoir m'intimider ou me faire la morale. Je ne suis plus la même à présent. Oui, c'est ça. Plus la même.
— Tout va bien ma chérie ?
Je sursaute en prenant conscience que je fais face à un miroir au lieu de parler à une vraie personne. Qui devrait être sans doute moi.
Suis-je dingue ? Bon sang!
— Oui oui mère ! Je refais ma coiffure. Dis, comment va Malcom ?
Elle rentre dans mon ancienne chambre comme à l'époque où elle s'y introduisait pour me souhaiter bonne nuit. Mais là, je sens que c'est l'inverse. En vrai, le temps est révolu maintenant, je ne suis plus une gamine, mais il ne change rien, il inverse juste les rôles. Et ça me démange. La nostalgie de ne pas pouvoir revivre ces moments m'accable encore plus.
— Ah... Il était venu me voir la nuit dernière. Tu sais, tu lui manques beaucoup.
— Oui, je sais. Heu...
J'ai envie d'exploser. J'ai envie de crier d'un seul coup. De tout évacuer de mon cœur, de mon corps, de mon âme ! mais faudrait-il encore que je trouve une impasse. Je ne sais pas par où commencer.
cette femme est bien ma confidente, non pas qu'Emilie ne l'est pas, mais j'ai besoin de quelqu'un qui pourra me parler de moi en retour. Qui me connaît réellement. Qui est capable de voir cette partie de moi que les autres ne peuvent ressusciter.
— Qu'y a-t-il ma chérie ?
Elle se rapproche du lit et s'assoit. La position idéale pour avoir ce genre de conversation. Aussi la pire. Elle me dévisagera autant que cela lui chante et pourra même choper cette Abigail qui séquestre sa fille, tout comme je le souhaite. Mais est-ce ce que je veux vraiment ?
Je suis presque sûre que cette femme aux cheveux blancs ne reconnaîtra pas sa fille adorée, l'une des raisons pour lesquelles je tiens à raconter qu'un bout de ma vérité. Mais elle reste l'une des rares personnes douées pour comprendre mes profondes douleurs.
— J'ai... heu... en fait j'ai quelque chose à te dire, j'ai besoin que tu m'écoutes.
— C'est un souci avec le boulot, c'est ça ?
Je sens une chaleur monter aux coins de mes joues. Je n'ai plus la force. Ça y est, je n'ai plus de bouclier. Je suis devenue la femme que j'étais. Peut-être que cette Abby est celle qui mérite d'affronter ce monde. Peut-être qu'il est inutile de faire revenir l'Abby qui se croit supérieure à toute cette merde.
— Non t'inquiète, c'est pas ça. En fait...
Mes larmes jaillissent...Carter
— C'est fait. Je viens de le récupérer.
Le temps que Andrew revient avec le dossier, je me suis injecter la bouteille de whisky toute entière.
— Merci. Ce n'était pas si difficile que ça de trouver un moyen pour la revoir.
Je tiens le cartable noir qu'il me remet. Une pulsation haletante dirige mon cœur. Enfin, une peur s'installe en plein milieu de la mer whiskylisée qui vient de naître dans ma tête.
— Il y a quoi comme infos.
Andrew est aussi impatient que moi. Non. Personne dans ce monde n'est surexcité comme je le suis face à ces feuilles épinglées que j'ai entre les doigts.
— Attends voir. Putain! Je le savais. Je savais que j'allais trouver quelque chose !
— Vas-y laisse voir...
Je suis à la fois anxieux et prêt à éclater de joies.
— Alors comme ça sa mère vit ici à new york. C'est là qu'on devrait... en fait, TU devrais aller en premier.
— Explique-moi.
— Parce-que tu pourras y aller en voiture là tout de suite pour tout vérifier. Rien ne prouve qu'elle habite toujours dans ce soi-disant appartement qui est mentionné, surtout après ce qui s'est passé avec toi, elle ne restera sans doute pas toute seule.
Bordel. Andrew a raison sur toute la ligne. Eh merde ! Je dois m'y rendre immédiatement.
— Que fais-tu Chris ?
— Mais t'es mon conseiller putain. J'écoute tes conseils. Je me rends là-bas. Maintenant.
J'enfile à la va vite ma veste et rassemble les papiers posés sur la table du bureau.
Mais tu es con ou quoi ?
Je devrais plutôt rassembler mes esprits. Que dirai-je à sa mère ? Et si cette dernière lui raconte qu'un certain Chris s'est présenté devant chez elle. Il ne faut pas qu'elle le sache.
— Tu sais quoi Andrew, je dois rester incognito. Mais j'irai quand même.
— Je te rappelle que c'est toi le nouveau P.D.G de Globtech.
— Eh oui, c'est pour cela que tu devras te charger du poste durant les trois prochaines heures.
— Quoi ?
— Ou peut-être demain. Je vais attendre. Je dois avoir un plan.
Ces temps-ci, Andrew est ma carte à jouer, mon joker, celui sur qui je peux compter malgré son attitude d'être insupportable parfois.
À regarder la réalité yeux dans les yeux, en toute franchise, je ne sais pas ce qui m'attend à cette adresse. Et si sa mère était déjà morte ? Et si elle n'habite pas là non plus ?
Le plus important est de réfléchir sur comment je vais me faire passer pour quelqu'un d'autre.
Pourquoi faut-il que je mente lorsqu'il s'agit d'Abby ? Première tentative et ça dérape sur un CHRIS L'IMPOSTEUR.
Je ne veux plus recommencer. Je veux changer, pour elle. Pour notre amour dans lequel elle ne veut plus croire.Vous savez, c'est souvent logique pour nous quand les gens assument ou récoltent le fruit amer de leurs bêtises. C'est encore plus facile de le dire : Il doit payer pour ce qu'il a fait !
On ne nous imagine jamais en train de vivre ce cauchemar. Quel effet ça fait de vouloir rattraper ses erreurs ? Être dans le regret ? Être sous le regard des gens qui te disent : Tu dois payer pour ce que t'as fait !
Vous voyez ? Le dire et l'entendre ont tous les deux cet impact différent et merdique. L'un révoltant, suscitant la force, la justice ! Et l'autre, outrageant, dans lequel on se sent ronger par la culpabilité. La volonté de changer. La volonté de bien faire. Le désir de laisser le passé derrière nous.
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