Carter
— Ok. Toutefois, je suis très fier d'apprendre que tu as de nouveau tes rêves dans le viseur.
Je suis sincère. Je suis extrêmement content que notre séparation n'ait pas bousillé sa détermination. Abby est fantastique. Il y a tant de raisons pour être dans le filet de cette femme. Je l'aime beaucoup plus, à chaque minute qui passe.
— Merci.
Elle se protège, malgré son offensif de toute à l'heure.
Comment est-ce qu'elle puisse avoir le courage d'imaginer ça ? Moi ? La rabaisser ? Déjà, j'ai adoré la maison avant même que madame White m'invite à y entrer, et aussi, il y a toutes ces plantes, le canapé tout en blanc, les tableaux accrochés aux murs, l'accueil mais surtout, elle. Je ne me suis jamais senti aussi bien qu'en traversant le seuil de cette baraque.
Bref, il faut que je me concentre sur ce que je veux réellement, sur mes pures intentions à propos de nous et de tout ça.
— Je souhaite vraiment discuter avec toi dans notre vieux restaurant habituel. Ce sera parfait si on se voit après demain. Je veux tout simplement te parler, juste te parler et c'est tout.
Je la dévisage, attendant à ce qu'elle refuse pour la énième fois et que je trouve une fois de plus une idée plus brillante.
— Ce sera comme il y a quelques mois, tu te feras encore plus belle et moi je porterai une veste.
— En fait...
Elle hésite.
Je ne sais pas si je dois la laisser continuer ou reprendre mes mots pour appuyer ce que je viens de lui demander après tout ce qui nous est arrivé.
— C'est bon. D'accord. Je viendrai. Mais j'aurai seulement trente minutes. Pas plus.
Je reste éberlué.
Est-ce qu'elle vient vraiment d'accepter ?
La surprise !
Bon sang ! J'aimerais lui dire que ce ne sera pas assez. Ce ne sera jamais assez d'ailleurs, mais là où nous en sommes, il vaudrait mieux de se contenter des petites choses comme celles là, inattendues.
— Merci infiniment, Abby. Merci d'accepter.
Assise sur le canapé, elle a les genoux remontés jusqu'à sa poitrine, silencieuse, les yeux rivés sur l'une des fenêtres.
— Alors dans ce cas, on se donne rendez-vous à 19 heures ? Dis-je.
Toujours muette, enlaçant ses deux jambes. Je conclus en supposant que son silence soit un Oui.
— Seigneur ! Je viens de perdre un bon nombre de mes lauriers à cause du vent.
Madame White revient et nous montre l'une de ses plantes endommagées.
— Oh je suis désolé. J'adore vos fleurs, et ça fait très beau en les plaçant à l'entrée.
Je termine ma tasse de café sucré et me lève délicatement.
— Ah ne vous en faites pas. Je suis très contente qu'elles vous plaisent
— Et merci pour le café.
— Mais je vous en prie. La prochaine fois je vous montrerai les plantes rares que je collectionne.
— Maman !
La muette fait enfin surface. Cela m'enthousiasme de savoir qu'une prochaine fois pourrait exister.
— Mais quoi ? Lui rétorque sa mère. J'espère que ce jour-là, tu seras également présente pour y assister.
Je ressens une sorte de joie inimaginable. Enfin... je ne peux pas crier victoire, mais déjà c'est une bonne impression.
— Je dois vous laisser madame White. J'étais ravi de faire votre connaissance.
— Mais on n'a pas fait connaissance mon cher.
Perplexe, je n'arrive pas à comprendre si c'est une sorte de plaisanterie ou si je dois impérativement tenter de saisir sa phrase accompagnée d'un petit rire.
J'ouvre à peine la bouche lorsqu'elle s'explique.
— En fait, s'il y a une madame White à New York elle n'habite pas dans cette maison.
Que veut-elle dire par...
Oh non ! J'y crois pas.
Quoi ? Alors Abby a menti sur le nom de sa famille ? en voilà une première...
Finalement, je ne suis pas l'unique menteur dans toute cette histoire.
— Excusez-moi mais... je ne comprends pas...
— Madame Smith. C'est Madame Smith et non madame White. Mais appelez-moi Caroll.
Je lui offre le plus drôle des sourires.
— Enchanté, Caroll.
Cela devient plaisant lorsque je le prononce au point qu'on se mette à rire tous les deux. Je dirais même tous les trois, Abby se bat contre elle-même en ayant presque l'air de s'étouffer.
Eh merde ! Qu'est-ce qu'elle est angélique dans ce pull-over en laine de couleur rose avec ses cheveux roux amassés et roulés sous forme de boule.
Ne t'en fais pas Chris, dans deux jours. Deux petits jours et tu auras encore la chance de contempler la huitième merveille du monde.
Viendra t-elle ? pour de vrai ?
— À bientôt ! Dis-je sous un regard neutre de la femme qui habite mon esprit.Abby
D'abord j'ai accepté et ensuite j'ai failli rire à sa stupide blague, qu'est-ce qui ne va pas chez-moi ? Où est passé mon self-control ? putain !
Il va même trouver de quoi me comparer à lui. De quoi se défendre malgré nous sommes comme le jour et la nuit. Je le connais. Mais maintenant ce mensonge deviendra tabou.
Suis-je une menteuse ?
À toi de me le dire ma belle.
Ferme-la !
Je sens cette lutte dans mes entrailles. Un jour, ces deux parties devront se livrer dans un combat à mort et c'est là où se trouve ma plus grande peur, de savoir que n'importe laquelle pourra sortir vainqueur.
******
Je n'arrive toujours pas à croire que j'ai accepté de le revoir. J'ai vraiment osé. Le nouveau moi semble perdre une bataille.
Une bataille oui, mais pas la guerre !
Je dois me rattraper, je dois absolument détourner cette situation, et pour commencer, je ferais mieux de ne pas y aller. Cela pourrait aussi me prouver à quel point ses mots ne n'atteignent plus.
Ou, si je réfléchis bien, ce n'est peut-être pas si mauvais que ça de faire face à son ennemi, d'affronter cette peur pour triompher une bonne fois pour toutes.
Ennemi tu dis ? Non ma jolie, tu es folle amoureuse de cet homme.
Tu vas la fermer, non ?!
Je pourrais enfin être cette nouvelle Abby d'une manière plus durable tout en n'ayant rien à éviter, d'être ordinaire, comme s'il ne s'était rien passé.— C'est un dieu sur terre ton homme !
Je roule des yeux en entendant ma mère. Elle me saoule.
— Arrête maman ! Ce n'est pas mon homme je te signale !
— Pour l'instant.
Qu'est-ce qu'elle peut être un peu trop comme... en fait comme moi parfois. Pfff...
Je n'ai toujours pas décidé.
Devrais-je m'abstenir ?
— Dis, Emilie pourra te trouver un look parfait pour samedi, c'est après demain ton rencard, non ?
C'est pas vrai ! Elle a écouté notre conversation !
— C'est un connard, et ce n'est pas un rencard. Et pourquoi ça t'intéresse autant ?
Arrete de résister au destin ma rousse !
Cette partie de moi me rend dingue, franchement, je vais hurler ! Et ma mère commence vraiment à m'agacer. Parfois je n'arrive plus à la supporter.
Je ferais mieux de retourner à New jersey.
— Je vais l'appeler. Elle pourra profiter de la journée de demain et de mes petites brioches.
Emilie ne travaille pas en ce moment. Jason a une voiture et elle est avec lui. Je me rappelle que pas longtemps elle a voulu changer d'air et rencontrer la sœur de Jason qui habite pas trop loin d'ici . Bon...
Mais enfin pourquoi je calcule la disponibilité de ma coloc. ?
Merde ! Ma mère commence à m'entraîner dans sa folie !
— Allo, Emi ma chérie ! Comment ça se passe à New Jersey ?
— Raccroche ! Mais raccroche !
— Attends un moment.
Elle éloigne le téléphone et m'envoie :
— Arrête de faire la mourrante !
Je n'en reviens pas qu'elle puisse l'appeler pour une chose aussi débile sur laquelle je ne me suis toujours pas décidée.
Tu ne t'es toujours pas décidée ?
Je crois que maintenant tu peux répondre à ta question. Ben oui, tu es vraiment la reine des menteuses !
— On a besoin de toi à New York ma cocotte, et viens avec ton prince que je puisse faire enfin sa connaissance.
— Non mais je rêve ? Tu veux rencontrer le mec de tout le monde ?
— Tu l'as dit toi-même, Chris n'est pas ton mec.
Oh...
Elle m'a eu.
Je m'en veux à mort d'avoir posé cette question. En réalité je n'ai plus le contrôle sur ma bouche et ce qui en sort. Je suis comme hypnotisée, envoûtée par tout ce que mon autre moi désire. C'est dur à comprendre.
— Elle viendra demain ! Crie ma mère. Jason l'accompagnera. Eh c'est parti !
Nom de dieu ! Qu'ai-je fait en si peu de temps pour que tout cela me tombe dessus ?
Elle continue :
— T'inquiètes pas ma fille on va te trouver de quoi t'habiller.La réalité ? Le virtuel ? Les deux semblent se mélanger. Est-il possible ?
Il était marié, j'étais un plan cul, il a trompé sa femme avec moi, ensuite il demande pardon, il m'offre son divorce comme prime de consolation, il prétend vouloir être avec moi, qu'il m'a toujours aimé...
Que fais tu, Abby ?
Je ne laisserai pas quelqu'un dont j'ai à peine parlé de mon passage en enfer m'y reconduise juste en voyant Paradis inscrit sur la porte.
Je dois me conscientiser, je dois méditer. Je mérite d'être en compagnie de ma pensée raisonnable, je dois envoyer mon cœur trop naïf balader.
— Excuse-moi mais j'ai besoin d'être seule un moment.