Carter
Débordé. Submergé. Anéanti. Ce n'est guère mon lit à deux places avec cette lumière jaune tamisée qui servait de soleil à mes eaux profondes. C'est mon lit à trois places, celui dans lequel je me suis endormis après avoir passé la plus belle soirée de toute mon putain d'existence. L'amour est bel et bien cette troisième personne qui s'immisce entre nous, et ce matin, celle qui captive mon cœur ne viendra pas me demander ce que j'aimerais qu'elle m'apporte, je ne prendrai pas de café, pas aujourd'hui, pas comme la dernière fois lorsque nous étions dans cet hôtel cinq étoiles en Belgique. Je me porterai volontaire sous les rayons bellissimes de ce soleil fastidieux pour lui servir sur un plateau doré les délices de son petit-déjeuner. Et c'est moi qui lui enlèverai ses vêtements au moment où elle prendra sa douche. Je ne serai pas le lion solitaire comme à l'hôtel, hanté par ma culpabilité, moi, en train de me morfondre sous l'eau du robinet. Je serai là, à l'attendre, quand elle ouvrira ses yeux.
******
Belle. Soignée. Pétillante. Il ne m'a fallu qu'une minute pour comprendre que sur terre, une ange digne de la nitescence s'était endormie dans mes bras.
Je m'approche légèrement de sa beauté inconsciente, appuie ma bouche contre sa joue d'un tendre et long baiser, lui susurrant les premiers mots de sa matinée.
— Bonjour sa majesté.
Les paupières entre-ouvertes. Elle somnole et grimace avant d'écarquiller le coin de ses lèvres pour me renvoyer un sourire. Le sourire d'avoir passé une nuit de rêve.
— Bonjour... mon charmant serviteur.
Ses rétines lunaires me dévisagent, le temps pour elle de replacer une mèche tombante de ses cheveux fripées.
— Je t'ai préparé une omelette. il y a aussi du jus d'orange.
Elle se redresse et remarque le couvercle. Elle ne cesse de sourire et de mordre sa bouche gercée, m'avançant comme d'habitude ses propos calculés.
— Tu as oublié quelque chose.
— Quoi donc ?
— Ce que tu m'as répondu ce jour-là à l'hôtel en nous réveillant.
Je me repasse la scène comme si c'était hier. Je prends un instant pour que je m'y mette et prononce à voix haute les discussions d'un passé douloureux.
— J'ai dit : Tu choisis ?
Elle ne réfléchit pas et rétorque au point même qu'elle se souvienne des mots exacts.
— Et moi j'ai répondu : La même chose que toi.
C'est dingue de savoir comment le temps a pu se jouer de nous.
Je la regarde dans les yeux et je vois encore les traces de tout le bordel que j'ai foutu dans sa vie durant ses six derniers mois.
— Nous irons prendre un café ensemble. Au restaurant. Comme nous l'avions fait ce jour-là. Ça te dit ?
Je la prends dans mes bras, la serrant aussi fort que le battement de mon cœur.
— C'est d'accord. Mange avec moi.Abby
Me réveiller dans son lit. Quelle sensation.
C'était prévu dans ma liste des choses à ne pas faire. Émilie va me tuer. Pas que j'ai des comptes à rendre, j'en ai fait la promesse à elle et à moi-même.
En vrai, elle n'est pas seulement ma meilleure amie ou encore ma coloc., elle est comme une mère, par moment, quand j'essaie d'imaginer les pensées dévergondées que doit avoir ma mère en ce moment, voyant que je ne suis pas rentrée. Mais bon, ce n'est pas la question. Comment vais-je me débarrasser de cette histoire avec Nick.
On n'est plus en contact et c'est bien, c'est même très bien. Mais pourquoi je me sens coupable ? Merde.
— Allons prendre notre douche.
Terminée, l'omelette. Maintenant, place à une bain moussante.
— Ah oui ?
Il défait le premier bouton de mon chemisier.
— Oui. On va te laver.
Nos propos sont si érotiques.Trente minutes. Nous sortons à peine de la voiture, une jolie mercedes grise. Nous rentrons comme deux tourtereaux dans le petit restaurant. Les mêmes gobelets avec ce message " no to suicidal " sont posés sur de nombreuses tables.
En toute honnêteté, je commence à en avoir marre de ces boites.
Chère nature, j'ai tout compris, pas besoin de chercher à me sauver, j'ai fait mon choix et je suis avec Carter, il me fait goûter le café qu'il aime tant.
S'il faut envoyer une lettre à la nature pour qu'elle puisse comprendre qu'il n'y a pas moyen de m'éviter ce suicide à travers des cup de café, eh bien c'est fait.******
L'instant qui suit, nous arpentons la sortie tout suite après avoir vidé nos coupes.
Il est vraiment temps pour moi de rejoindre mon quotidien. Tout va tellement vite que j'ai grandement besoin de me retrouver.
— Alors, c'était comment ? Me demande-t-il.
— Quoi ? Le café ? Ah... euh... je dirais... Formidable !
Sérieusement, il est fan et il a bon goût. C'est le meilleur café que j'ai goûté jusque-là.
— Je le savais ! Je savais que tu aimerais. Ceux en Belgique sont...
— Ouais... je te fais pas le dire.
On s'arrête devant la voiture. Le moment pour moi de lui dire au revoir.
— Je dois rentrer. Merci pour hier soir. Je suis heureuse qu'on aie pu discuter et continuer de cette manière.
— Moi aussi. Tu m'as manqué. Je te dépose chez ta mère ?
— Je crois que je vais prendre un taxi. C'est aussi la fin de mon séjour chez elle donc...
Il marque un pas et me sourit.
— Je sais. Je n'ai plus ton numéro. Apparemment tu l'as..
Je ne lui laisse pas le temps de finir je lui vole son portable.
— Oh, ok !
Surpris, il se marre et me laisse faire.
Son parfum ravive tous ses bons moments qu'on a passé ensemble avant notre... disons avant notre rupture. Mais ils font aussi partie du grand filtre mensongère qu'il avait créé.
— Tiens. Tu l'as maintenant.
J'enregistre mon numéro sur son apple et ajuste ma robe.
— Merci. C'est bon.
Il m'embrasse sur la joue.
— Taxi ! Ah tiens... vas-y monte. Je t'appellerai.
— Bye.