Chapitre 5

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L'étroite voie de communication entre Epona et la Section trois se creusait dans les champs de blé mûres et brûlants, parfois semés de souches, ou allongés à la lisière du grêle feuillage des arbres dénudés qui ne cachaient pas de la poigne de fer du soleil. Malgré l'empire que Thomas tenait sur lui-même, un frémissement abominable se sentait dans ses membres, une sueur abondante se répandait sur tout son corps après les fatigues inouïes qui ne lui furent épargnées. Il perdit soudain connaissance à l'arrivée de leur deux heures consécutives de marche, se prélassant parmi les branches chatouilleuses, sous les rayons rouges et forts du géant de feu.
Newton, ayant un cri d'épouvante, se jeta à lui, touchant son front fiévreux de ses lèvres inquiètes, agitant son bras avec de dolents appels. Il se pressa de le soulever, épaulé par Gally et Minho tenant ses jambes, allant déposer son corps ensommeillé à l'abris de la chaleur, auprès d'un gigantesque tronc sur lequel poussaient de belles feuilles, vertes et larges.
Il fallut patienter cinq minutes, durant lesquelles Thomas revint finalement à ses esprits, la tête reposée sur les cuisses du prince. Ce dernier sourit aussitôt, l'apaisant avec quelques caresses au visage, demandant d'une voix vibrante et émue : « Tommy, j'ai eu si peur... comment te sens-tu ?

- Q... Que s'est-il passé...?

- Tu n'as pas soutenu la température, excuse-moi, j... j'ignorais que cinquante cinq degrés pouvaient vous mettre à risque... Ici, c'est habituel à la plupart des Sections du sud. Mais ne crains rien, nous sommes bientôt aux frontières. As-tu des maux de crâne ?

- De douloureux...

- Tommy... Permets-moi de te soulager. »

Il prit ses mains dans les siennes, les amenant à sa bouche dans un murmure délicat : « Sinnro fredähst. » Une vaste plaine d'eau glacée serra les veines de l'homme, sa rive exhala ses poumons et facilita son souffle, qui sortit plus agréable et plus frais. Newton, l'observant un instant, s'assura en fronçant les sourcils : « Sens-tu un quelconque changement ?

- J'ai le sentiment... de refroidir... répondit-il, bredouillant de stupéfaction. Est-ce possible...?

- Parfait. Cela fonctionne.

- Eh ! interpella brusquement Minho. Tu nous a fait une sacrée frayeur, humain.

- Tu as failli tuer Newton de chagrin. persifla Gally, croisant ses gros bras sur son torse.

- Ne puis-je pas m'inquiéter pour mon ami ?

- Il s'est évanoui, insista le plus grand, il n'est pas tombé raide mort.

- Il aurait pu. Quoi qu'il en soit, nous devons poursuivre. Je n'aimerais pas que l'on prenne trop de retard. Quant à toi, Tommy, préviens-moi de tes symptômes avant de succomber. Je pourrais te les éviter. »

Soudain, tapie dans les gerbes d'avoine et de blé, une créature furieuse s'égosilla en hurlements féroces, attirant sur elle l'œil ardent des guerriers qui chacun tirèrent une dague acérée et tachée de noir. Newton, reculant de trois pas, ordonna discrètement à ses hommes d'armes : « Gå dem tür om. Fi på Täïkt. » Ils eurent un hochement de tête commun, en même temps le prince serra Thomas contre sa poitrine et dilacéra l'origine de son poignet sur cinq centimètres, courts et continus. Il y sema de fines gouttelettes brillantes et rouges, taisant le regard horrifié de l'humain qui frétillait dans son emprise. Ils quittèrent aussitôt les champs flamboyants, s'élevant vers les cieux brumeux malgré les gémissements convulsifs de Thomas, que le chant serein du vent adoucissait avec celui des oiseaux. Il s'écoula d'interminables minutes, puis Thomas retrouva enfin le contact léger et agréable du sol. Il avala des soupirs haletants, courbant légèrement les omoplates tandis qu'il ravivait le calme de sa respiration.

Entre deux mondes - NewtmasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant