Chapitre 13

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Il n'avait rien d'usuel, l'enfant. Thomas l'eut assimilé au regard de sa vénusté, pareille à aucune autre sauf un ange. Il l'eut su à sa grâce éthérée, à ses pieds surgissant au-dessus du sol, au splendide médaillon d'or adorné à son cou. Il eut été envoûté ; l'enfant fantasmagorique attisait en lui une songerie croyable, excitait une dimension fabuleuse du monde qu'il décelait encore.
Le soir suivant sa venue, le garçon ne dormit pas, tenu par un bonheur fortuit. Il avait tiré sa chaise de bureau à la fenêtre par laquelle le chérubin s'était infiltré, veillant sans bruit. Les astres planaient dans les cieux noirs, ayant évincé leurs nues. La lune, pleine et tardive, argentait le visage alangui du garçon, somnolent sous ses éclats, emporté par les temps consécutifs de la nuit.
Mais, parmi son souffle discret et la faconde du vent, une voix épouvantée se récria sans garde : « Sådde ! » Soudain extirpé de son répit, Thomas conserva un cri accidentel. L'ange, descendu de la fenêtre, tirait sa révérence avec regret, le flagornant civilement : « Mes plus plates excuses, gracieuse créature... c'est que je n'avais cru être accueilli de la sorte...! Sincèrement navré de cette pleutrerie, elle ne m'est que rare. » Il se mit à ceindre l'enfant, anatomisant son allure. Son regard noir plastronnait la somptuosité du soir.

« Vous êtes... admirable... prisa-t-il. Newton. Isaac, Newton. Vous m'honorez de votre auguste présence... Ce jour a été sanctifié par vous... dévoila-t-il. Je ne l'ai vécu qu'à travers votre doux visage, vos tendres yeux, si aimables... Je me suis évadé dans l'exquise consonnance de votre nom, sans même en connaître une syllabe... Je vous prie, joli cœur, qu'est-il ?

- Thomas... rosit-il en un sourire. Thomas Edison. Tutoie-moi, je t'en prie...

- Cher Edison, ton exquise beauté dépasse celle des cieux divins.

- Ceci est fort amène, tu m'en ravis... mais tu es plus beau que ce je ne pourrai jamais l'être. Quelle langue parles-tu donc, mon étranger ?

- Une langue qui n'est pas la tienne. »

Il éploya ses mains à ses cheveux, aimanté à sa fragrance.

« Tu sens bon... cette senteur émane d'un rêve...

- La tienne le doit aussi... »

Newton guidait ses doigts à sa mâchoire, délinéant sa chair et son os. Il portraitura les lèvres de l'enfant, en mémorisant les pliures et les sens.

« Jamais n'eus-je pensé palper un humain... confessa-t-il. Vous nous êtes si semblables... votre musculature, votre ossature... Pourtant, vous êtes notre oxymore... de magnifiques prodiges, simplement privés de don...

- N'as-tu donc jamais touché tes parents ? un frère de sang ou de cœur ? Et de quel don parles-tu ?

- Tu es le premier humain que j'aperçois de mes yeux... Le portail n'est jamais traversé, du côté du Glade.

- Qu'est-ce ?

- Mon monde.

- Que veux-tu dire ?

- Tu n'en n'as alors aucune connaissance... fit-il, contrarié, pinçant ses joues. Ma muse, il y a deux dimensions parallèles depuis l'avènement des astres. La tienne, celle des humains, séparée de la mienne, celle des Gladers.

- Est-ce... vrai ? on croirait à un conte fantastique ! se délecta le garçon. Comment s'y rend-on ?

- Le portail quandorique est l'unique entrée, à laquelle seules les Gladers ont accès.

- Oh... Pourquoi cela ?

- Nous seuls disposons de l'incantation qui lui ordonne de s'ouvrir. Pour qu'un humain pénètre le Glade, il nous faudrait la lui souffler.

Entre deux mondes - NewtmasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant