Chapitre 63

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Jour 75 : Le soir

Il commence à se faire tard et mon ventre hurle famine.

– Qu'est-ce que tu veux manger ? Me lance-t-il après m'avoir tendu mon verre.

Prise au dépourvu, j'hésite, voyant tout un tas d'aliments défiler dans ma tête. Je n'en sais absolument rien !

– Euh...

– Livraison ou maison ?

– Comment ?

– Je commande quelque chose ou je te concocte un dîner de chef ?

Louis me répond comme si je venais de sortir d'une forêt et que je n'y connaissais absolument rien à la vie civilisée.

– Eh bien, fais avec ce que tu as. Pourquoi ne pas faire simple ?

– Très bien ! rétorque celui-ci en haussant les épaules, peu convaincu. J'ai... Des œufs et des pommes de terre. Pas très réjouissant, n'est-ce pas ?

– Tu rigoles ? C'est parfait !

Décontenancé, il perd ses moyens quelques secondes, le temps de reprendre ses esprits et surtout son assurance.

– D'accord, dans ce cas... Je me mets aux fourneaux !

Motivé au minimum de ses capacités, il se dirige vers la cuisine où je l'entends farfouiller dans ce qui me semble des casseroles et poêles selon les bruits. Curieuse de le voir en action, je le rejoins et m'appuie contre l'encadrement de la porte. Il court dans tous les sens et regarde partout autour de lui, paniqué.

C'est amusant.

– Tu ne fais jamais à manger ?

– Pour tout te dire, non. Je n'ai pas l'habitude de prendre le temps de cuisiner.

– Dans ce cas, comment tu...

– Justement, je commande à manger, Heavan.

La goutte au front, il tente d'allumer le gaz, tournant dans tous les sens les boutons de la gazinière. C'est hilarant à voir.

– Je n'y comprends rien à ce machin, c'est pourtant ce qu'il faut faire, non ? s'apitoye-t-il visiblement à bout de nerfs.

Malgré moi, je retiens un fou rire, car je ne veux pas le vexer plus que ça, alors je décide de prendre les rênes.

– Laisse-moi faire.

S'écartant bien volontiers, il me regarde faire presque ébahi par ma logique culinaire.

Ne réfléchissant pas, je prends quelques pommes de terre et les coupe en cubes. Une fois cela fait, j'attrape une poêle, y jette deux grosses noisettes de beurre et y dépose les féculents afin qu'ils mijotent tranquillement.

– Tu finis ? je lui demande.

– Bien sûr !

Je me demande ce qu'il va faire, car vu son regard perplexe, il ne semble pas savoir par où commencer.

– Je vais préparer les œufs. Tu les préfères au plat ou mollets ?

– Pardon ?

– Au plat ou... laisse tomber. Je gère.

Il vaut mieux ne pas le stresser davantage, car même les œufs, il ne semble pas connaître les différentes façons de les cuisiner.

– Comment vont les pommes de terre ?

– Euh... Bien.

Pourtant, quand je jette un œil en biais, rien ne va ! Ça commence à sentir le cramer...

– Enfin, je pense.

Je décide de prendre de nouveau le relais, ayant fini de cuire les œufs qui attendent déjà dans les assiettes.

– Elles sont foutues ? 

– Non, mais c'était moins une. Tu ne sais vraiment pas cuisiner ?

– Heavan, je suis un vrai cordon bleu en temps réel. C'est seulement que... J'ai le trac.

Durant plusieurs secondes, je le scrute, quand il finit par exploser de rire. Décidément, l'ironie fait partie de son quotidien, même quand on ne s'y attend pas.

– Tu as deviné, je suis une catastrophe ambulante.

– Ce n'était pas très compliqué de comprendre. Bon et bien, c'est prêt.

– Allons voir si c'est bon.

– C'est toi qui dis ça ?

Feignant l'air outrée, il sourit et m'aide à apporter les assiettes à table.

J'ai l'habitude de faire ce genre de repas avec mon père, alors je ne crains pas ses potentielles critiques. 

Nous mangeons dans le silence, c'est gênant au début, mais je suis vite happée par ce que je mange jusqu'à ce que Louis brise ce néant.

– C'était délicieux ! s'exclame ce dernier et s'étirant de tout son long. Vraiment.

– Merci, mais ce n'est pas la première fois que je fais ça alors ce n'est pas exceptionnel.

– Pour moi, ça l'est. Crois-moi !

– Ça dépasse tes plats à emporter ?

– Très franchement ?

Louis me toise d'un air sérieux qui me semble être une éternité, puis se lève avant d'ajouter :

– De loin !

Au moins, j'aurais réussi à l'impressionner sur un domaine.

Me retrouvant seule, je me sens un peu inutile, surtout quand je ne suis pas chez moi. Être chez quelqu'un et ne pas pouvoir faire ce que bon me semble me froisse. 

Dans la cuisine, j'entends des bruits de vaisselle. Me sentant obligée d'aller aider, je me dis que ça m'occupera aussi.

– Besoin d'aide ?

– Surtout pas, tu en as déjà assez fait alors que tu es mon invité.

– Peut-être bien, mais si je te laisse continuer, tu risques de ne plus avoir d'assiette.

Ce dernier ricane, mais sans plus attendre, il me tend un torchon que j'attrape, l'air gauche. Le bout de ses doigts effleure les miens, une sensation électrique me surprend et il en est de même pour lui. Gênée par cette impression d'électricité longeant mes doigts, je les secoue tandis que nos regards restent rivés l'un sur l'autre.

Au début, je ne me pose aucune question, puis viens un moment où je me rends compte que cela fait plusieurs minutes que nous nous observons sans bouger. Puis arrive toutes ces interrogations tant attendues.

Je ne veux pas que ça dérape. Si je le veux, enfin non ! Un peu, mais rien de bien fou. Non, en fait, je ne veux rien. J'ai peur. Je ne sais pas quoi faire, ni quoi dire. Suis-je censée mettre un terme à ce moment ? Je suis perdue !

Et puis tout s'éteint brutalement quand je le vois river ses yeux sur mes lèvres. Mon cœur bat à tout rompre. S'il savait que j'en ai envie depuis que j'ai posé les yeux sur lui...

Non mais qu'est-ce que je raconte ? 

Sans même m'en rendre compte immédiatement, je me racle la gorge et mets fin à ce qu'il se passe entre nous, même si rien n'a réellement débuté.

Je me réfugie alors dans le salon et me rassis à table, le laissant en plan dans la cuisine, mais déboussolée par ce qui vient de se passer et par mes sentiments qui tentent de me bousculer.

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