Drice - D'ombres et de lumières [PARTIE I]

37. Lapin

Jon venait d'apparaître derrière nous et nous observait avec une expression singulière, entre hilarité et interrogation.

- Ça va, mec. Te mêle pas de ça... Et puis, d'abord, je pensais que tu n'avais pas cours ?

- Mais c'est qu'il mord, notre chaton ! s'exclama le dernier arrivé. J'avais pas cours mais ma Princesse me manquait. Charlie, je ne sais pas ce que tu lui as fait pour nous le mettre dans cet état... mais on dirait qu'il est vraiment fâché, cette fois-ci...

- Vous être lourds, tous les deux ! donna Thibaud pour toute réponse, avant de nous tourner le dos, apparemment bien décidé à ne pas supporter d'avantage les sarcasmes de son ami.

- Je ne l'avais encore jamais vu comme ça, confiai-je à Jon, alors que Thibaud s'éloignait.

- Ça lui prend parfois. Sous ses airs de mecs cool, il est parfois soupe au lait...

- Il a vraiment l'air furieux... J'avoue que je ne sais pas trop quoi faire.

- Laisse-le ruminer un peu, ça ne doit pas être si grave, si ?

- Aucune idée, je lui ai dit qu'il devrait prendre ses études plus au sérieux...

- Et, c'est tout ? s'étonna Jon.

- Ou... Oui, répondis-je, après un temps d'hésitation.

Je n'avais pas spécialement envie de lui relater le passage où Thibaud évoquait notre vie intime. J'étais d'ailleurs étonnée qu'il en sache autant.

- Etrange, en effet, concéda Jon avec un haussement de sourcil suspicieux, je ne le savais pas si susceptible. N'y pensons plus ! Il faut qu'on discute de ce soir. Tu passes chez moi après les cours ? La maison sera vide ce weekend, autant en profiter dès que possible...

- Si tu veux. J'ai déjà toutes mes affaires. Par contre, je termine à 15h20.

- Je t'attendrai ici, dans ce cas, conclu-t-il alors que la cloche sonnait. Je te laisse filer en cours, j'en encore quelques trucs à faire...

A l'heure de la fin des cours, je m'étais précipitée jusqu'au perron pour retrouver mon ami. J'avais passé la journée à rêvasser, dessinant de petits personnages dans la marge des feuilles que chaque professeur avait distribuées. Fait curieux, tous semblaient en train de se tortiller sur des musiques que je devais être la seule à avoir entendues tout au long de cette journée... Mon taux d'écoute devait être d'environ dix pourcent. Les mains fébriles et le cœur en apnée, j'avais projeté mon excitation sur les petits êtres de papiers.

Jon n'était pas là. Je l'avais cherché du regard, balayant plusieurs fois l'espace devant moi. Il ne se trouvait ni sur les marches de l'école, ni devant aucune autre sortie. 

Mon téléphone vibra.

« Dsl Princess. Jaurai 1 peu 2 rtrd. Pass direct ch moi vers 19h. Ok ? Je t'embrs ou tu vx... »

Son message me laissa perplexe. Déçue, même... 

Fâchée, peut-être aussi. 

Qu'allais-je faire pendant les quatre prochaines heures ? Je serais bien descendue en ville pour faire un peu de shopping mais j'étais déjà assez chargée. Qu'est-ce que Jon pouvait bien avoir trouvé de mieux à faire que de tenir ses engagements ? 

Zut. Je m'assis sur les marches, mon menton boudeur posé dans les mains. Je n'avais plus qu'à rentrer chez moi et à attendre l'heure indiquée. Voire à le laisser poireauter un peu plus, histoire de lui faire comprendre que je n'étais pas forcément disponible en fonction de son bon vouloir.

Je me dirigeai donc vers l'entrée de métro, en sortant nonchalamment une cigarette de ma poche. Normalement, je ne fumais jamais seule... mais la fumée descendant dans ma gorge jusque dans mes poumons me fit du bien. 

Je m'apaisai quelque peu. 

Un groupe de jeunes trainaient devant les escaliers que je devais emprunter. Je m'apprêtai à les contourner lorsque je perçu des bribes de leur discussion...