Devant mon visage émerveillé, Drice sourit.
- Ca décoiffe, pas vrai ?
Je restai un moment silencieuse et hochai simplement la tête.
- Je ne sais pas comment je vais pouvoir retrouver les autres, me lamentai-je en observant la foule qui s'agglutinait, de plus en plus dense, près de la scène. Je pense qu'ils doivent être quelques-part près des barrières...
- Tu ne préfères pas assister au live d'un point surélevé ? Je trouve personnellement que, d'ici le son et la vue sont bien meilleurs...
- Je ne suis pas sûre que ... Enfin, je ne veux pas être dans les pieds.
- Ecoute... Mia est une amie. Je l'ai aidé à monter son set et j'ai dirigé une partie des balances. Je ne pense pas qu'elle m'en voudra de faire profiter qui-que-ce-soit de cette superbe vue. Et, moi, ça ne me dérange pas que tu restes ici. Si tu veux, j'irais chercher ce que tu me demandes après son show. En attendant, profite ! Je te garantis que tu vas adorer les effets pyrotechniques...
Son argumentaire était imparable. J'approuvai sa proposition et, m'appuyant au rebord de la passerelle où nous nous trouvions, observai les spectateurs s'agiter sur les beats d'un refrain déjà culte.
Non loin de nous, un des techniciens faisait tourner un gros joint. Je compris que je pouvais, sans complexe, faire usage du reste de beuh que Drice m'avait passé. Après tout, ce n'était que justice de lui en faire également profiter.
Je me mis à fouiller mes poches à la recherche de grandes feuilles et achevai la fraction de gramme qu'il me restait. J'avais eu la main un peu lourde mais le collage était plutôt réussi.
Un des ingénieurs se mis à rire et imprima un mouvement de coude admiratif dans les côtes de son collègue. Franchement, je n'aurais jamais imaginé passer le concert de Miss Alcatraz en telle compagnie.
J'étais à la fois émerveillée et épouvantée. Consciente que mes faits et gestes d'adolescente seraient observés par des adultes experts en matière d'électro.
Et puis, il y avait Drice. Je ne parvenais jamais à être moi-même quand il était là. Il était si différent de mes autres amis. D'une sagesse distante avec laquelle je ne parvenais pas à composer. Même avec Vincent, qui avait passé vingt ans, je pouvais agir plus librement...
Une jeune femme – vraisemblablement une stagiaire – monta un plateau de bières où Drice m'encouragea à me servir. Je n'avais plus l'énergie de protester ni d'expliquer à quel point je me sentais mal à l'aise ou, en tous cas, pas à ma place... Ici, à dix mètre au-dessus du sol.
Pourtant. Oui, pourtant... C'était aussi tellement jouissif.
Etre là, surplombant la foule, observant toutes ces petites mains levées. Imaginant, parmi elle, celles de mes amis.
Je me rapprochais encore du rebord... et, avec une voix hésitante, proposa à Drice de tirer sur le stick que j'avais déjà bien entamé. Il me regarda, surpris, puis se saisi de l'objet que je lui tendais.
J'avais vidé le gobelet de bière et, libre de mes mouvements, profitai de la reprise d'un morceau bien connu pour me laisser aller. Nous n'étions pas les seuls intrus : deux jeunes filles et une petite équipe de journalistes semblaient également apprécier le spectacle et de la chance qui était la leur. Encouragée par leur présence, je commençai à me détendre et me laissai même aller à crier quand j'entendis les premières notes de « Kill me first », une de mes chansons préférées.
Dans mon dos, Drice souriait.
- Allez, viens ! lui intimai-je en me retournant. Toi aussi tu devrais bouger un peu... Ça te ferait du bien.
- Du bien ? répéta-t-il étonné.
- Tu es toujours si... Sérieux. Lâche-toi pour une fois !
Mes mots avaient encore une fois dépassé ma pensée et je les regrettai immédiatement. Etait-ce sa beuh... ou la musique, qui m'avait rendue euphorique au point de ne plus pouvoir tenir ma langue ?
- Moi « sérieux » ? Qu'est-ce qui peut bien te faire penser ça ?
- Rien, oublie... J'ai parlé sans réfléchir !
- Mais tu as peut-être en partie raison, concéda-t-il en me saisissant la main.
J'hoquetai de surprise alors qu'il me fit tourner sur moi-même et, plus encore, quand j'aperçus nos silhouettes sur les écrans géants qui faisaient face à la foule. Montées sur leurs perches télescopiques, les caméras restèrent quelques minutes sur nous avant de reprendre leur vol au-dessus d'une assemblée survoltée...
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Drice - D'ombres et de lumières [PARTIE I]
Ficção AdolescenteCharlie - Quinze ans. Nouveau Lycée... Nouveaux amis ? Elle découvre un autre monde : celui des fêtes, de la drogue et, surtout, celui de la musique électro. Mais l'amour (le vrai) a-t-il sa place dans cet univers d'ombres et de lumières ? Un roman...