Victoria
La peur nous fait ressentir notre humanité à son paroxysme.
Elle nous rappelle que nous ne sommes pas immortels.
Que peu importe à quel point nous sommes courageux, quelque chose de ce monde nous terrifie tellement qu'il nous empêche d'avancer.
De le surpasser.À cet instant de ma vie, contemplant Hernandez, les bras croisés, toujours vivant, je me sens plus humaine que jamais.
Le chargeur était vide.
S'il avait été plein, j'aurais tué Hernandez.
Et il le sait.
- Ce n'était pas très gentil, diavoletto.
L'intonation de sa voix est claire et suave. Presque, amicale. Comme si je venais de manger la dernière part d'un gâteau, alors qu'il l'a voulait aussi.
Deux amis se chamaillant sur des futilités.
Le problème est que nous ne sommes pas amis, et que la situation est tout, sauf futile.L'autre vieillard, tente toujours de se relever de mon coup de poing. S'il y parvient, et que je suis sa cible, je ne pourrais l'esquiver.
Mes pieds sont encrés au sol, comme s'il était du sable mouvant.Un des coins des lèvres de Hernandez se lève. Il rit.
- Ah. J'ai faillis t'oublier.Décontracté, ce dernier avance vers l'homme rampant vers moi, une grimace au visage.
- "Chi ha pazienza vede la sua vendetta", poursuit-il, en s'arrêtant près du vers humain. Brusquement, celui-ci cesse de gesticuler.
- "Celui qui a de la patience voit sa vengeance." traduit Hernandez, en écrasant de sa botte une main de l'homme, hurlant de douleur. N'ai-je pas été assez patient avec toi, Antonio ? Ne t'ai-je pas accordé le bénéfice du doute ?
- Si, si, signore ! gémit ce dernier.
- Tu étais l'un de mes clients les plus fidèles, c'est pour cela que je t'avais accordé une deuxième chance, rétorque le chef de la mafia, posant son genoux sur le dos de Antonio pour se pencher vers son oreille. Tu sais, ma patience avait ses limites. Et tu les as largement dépassées. Il est temps de payer.
- No ! No ! Vi prego !
Tel une mère à son enfant, Hernandez caresse les quelques cheveux encore étendues sur le crâne de l'homme, comme pour le rassurer.
Tout ira bien, voulait dire son geste.
Pourtant, lorsque je vois le couteau-suisse glisser, à la manière d'un archet sur les cordes d'un violon, sur la gorge d'Antonio, j'ai l'intime conviction qu'à partir de ce moment, rien n'ira plus correctement.
Quarante-huit minutes.
Cela fait quarante-huit minutes que je suis coincée sur l'autoroute dans la voiture d'un assassin.
Une des roues est crevée.
C'est en partie à cause de moi.
Après avoir observer le sang rouge coulé de la chair du vieillard, alors que Hernandez, en sifflant Au clair de la Lune, traînait le corps inerte vers l'extérieur de la remise, c'est comme si tous mes sens s'étaient réveillés.
Mon instinct de survie avait prit le dessus.
J'avais pris mes jambes à mon cou, m'enfuyant le plus loin possible de cet homme. Hors d'haleine après avoir traversé les bois, j'avais fais du stop aux dizaines de voitures qui passaient par là.
Aucuns des conducteurs ne s'étaient arrêtés à ma hauteur, alors j'avais courus sur le côté de la route, sans autre lumière que l'éclat des étoiles, sans jamais me retourner.
Une quinzaine de minutes plus tard, Hernandez me poursuivait avec sa caisse, rugissant par sa fenêtre de monter avec lui, jusqu'à ce qu'il ralentisse brusquement.
Un clou avait percé la surface de l'un de ses pneus.
Je n'avais pas eu d'autres choix que de rester avec de lui, si je voulais rentrer chez moi ce soir. Il était celui qui m'avait embarqué dans ce bourbier, ce sera lui qui m'y relâchera.
Le claquement de la portière me fait revenir à la réalité.
- Je pense qu'il serait préférable d'aller dans un motel pour cette nuit, Victoria. La dépanneuse ne peut venir nous chercher qu'à partir de cinq heures du matin, dit Hernandez en se réinstallant sur le siège conducteur.
Cinq heure du matin ? C'est dans quatre heures...
Hors de question que je reste quatre heures assise à ses côtés. Je hoche la tête.- Oui, ce serait préférable. Quel est le plus proche d'ici ? lui demandé-je, les yeux baissés.
Je ne veux pas rencontrer son regard. Son expression si tendre m'envoûterait, me faisant oublier l'acte qu'il avait commis.
- À cinq cents mètres vers le Nord, il y en a un sur le bord de la route. Laissons ma voiture ici et marchons.
- D'accord, réponds-je, en sortant de l'auto.
Les poils de mes bras se hérissent face au froid nocturne de l'Italie, et mes dents s'entrechoquent légèrement.
- Enfiles-ça.
Un pull en laine verte et rouge atterrit sur mes épaules.
- Lèves tes bras, diavoletto.
Sans un mot, j'obéis.
Hernandez me passe le vêtement par dessus la tête.- Merci.
Je contemple le motif tricoté sur le pull : un lutin de noël emballant un cadeau.
Comment un homme pouvait-il être aussi violent et doux à la fois ?
- Allons-y, me dit-il, en m'attrapant la main. Cette journée m'a épuisée.
Oh, Hero ! Je te crois sur parole.
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𝐅𝐥𝐞𝐮𝐫𝐬 𝐝'𝐄𝐬𝐩𝐨𝐢𝐫
Romance"𝐿'𝑖𝑙𝑙𝑢𝑠𝑖𝑜𝑛 𝑑'𝑢𝑛𝑒 𝑣𝑖𝑒 𝑝𝑎𝑟𝑓𝑎𝑖𝑡𝑒 𝑛'𝑎𝑡𝑡𝑖𝑟𝑎𝑖𝑡 𝑑𝑎𝑛𝑠 𝑠𝑜𝑛 𝑝𝑖𝑒̀𝑔𝑒 𝑓𝑎𝑡𝑎𝑙 𝑞𝑢𝑒 𝑙𝑒𝑠 𝑝𝑙𝑢𝑠 𝑛𝑎𝑖̈𝑓𝑠 𝑑𝑒𝑠 ℎ𝑢𝑚𝑎𝑖𝑛𝑠." Victoria Ferraro a perdu le goût de vivre depuis que son frère, Roméo, a été...