Chapitre 25

722 29 6
                                    

Victoria

Soixante-dix moutons, soixante et onze moutons, soixante treize moutons, soixante quatorze moutons...

Allongée sur le ventre à l'arrière de la voiture, incapable de poser mon postérieur sur les sièges sans avoir mal, je continue de compter les putains d'ovins dans ma tête pour essayer de combler le silence pesant qui se répercute contre les vitres du SUV noir.

Nous sommes bientôt arrivés à l'hôpital, Hero ayant insisté pour m'y conduire, après m'avoir retrouvé effondrée chez moi.

Effondrée, et nue.

- Depuis combien de temps es-tu là ? lui avais-je demandé, confuse, après m'être réveillé de mon somme.

- Depuis plus longtemps que tu ne l'aurais voulu, m'avait-il répondu dans la seconde suivant, sans une once d'hésitation.

Je ne sais pas comment j'avais fais pour m'endormir sur le carrelage glacé et déguelasse de ma salle de bain. Avoir le cul en feu m'y avait sûrement aidé.

Au moins, une serviette s'était retrouvée sur moi, pour me "couvrir" du mieux qu'elle pouvait.

Lorsque mes yeux s'étaient ouverts après un bon moment, la première chose que j'avais remarqué était  Hero assis en face de moi, adossé contre le mur en train de m'observer tranquillement.

L'air que nous partagions était étrange, électrique. Comme si nous partagions un secret intime. Je pouvais sentir chaque particule qui se baladait dans l'air chaud qui nous entourait. C'était un sentiment semblable à celui que l'on ressentait après avoir fait l'amour avec son amant. Sauf que nous n'avions pas fait l'amour. Pas encore, du moins.

M'avait-il vu nue ? Très certainement, puisque c'est lui qui a dû recouvrir mon corps du drap.

Cette pensée me hante depuis que nous sommes sortis de mon appartement. Moi, habillée avec la seule robe large à imprimé florales -style grand-mère- que j'avais dans ma garde robe, avec mes chaussons Minions aux pieds, agrippée comme un petit singe sur le dos de Hero.

- Diavoletto ? me sort justement de mon esprit la voix de ce dernier.

- Mmh ?

- Nous sommes arrivés, reprend-t-il en m'observant par le rétro viseur.

- Mmh.

- Ne bouge pas, je vais appeler quelqu'un, s'exclame mon chauffeur privé avant qu'il ne s'extirpe de la voiture, en me laissant seule, en direction de la porte principale des urgences.

Super. Comme si je pouvait bouger, de toute façon.

Quelques minutes plus tard, j'aperçois par la fenêtre teintée, deux infirmières en train de tirer un brancard, s'approchant de plus en plus. L'une d'entre elle, rousse avec de jolis yeux bleus, parle avant de sourire à pleins dents à Hernandez.

Roulant des yeux et après avoir dompter les mèches rebelles de mes cheveux, je tente d'ouvrir la portière de la caisse. Sans surprise, celle-ci reste bloquée. Je réitère plusieurs fois le geste, toujours sans succès.

Quel connard.

- Mademoiselle, cessez de gesticuler comme un asticot. Engager vos muscles ne vous fera que plus mal, ordonne la seconde infirmière, après m'avoir ouvert, en se dressant juste devant moi. La rousse, quant à elle, continue de papoter avec l'autre con.

Je grogne, à la fois pour répondre à...Clara, si j'en crois le petit badge accroché sur sa blouse, et pour me faire remarquer par la roussinette qui flirte avec Hero.

Sous mes yeux, quoi !

- Alice, viens m'aider. Et monsieur, si vous pouviez aussi nous donner un petit coup de main, continue-t-elle en m'attrapant les bras.

- Bien sur, répondent en même temps les tourtereaux, avant de se joindre à nous.

- À la une, à la deux, à la trois, compte Clara avant de me soulever comme un sac de patates, aidée par les deux autres.

Juste avant de me déposer sur le brancard je sens deux fourbes doigts me pincer le derrière.

- Aïe ! Bordel de m-

Le ricanement du diable en personne me coupe dans ma grossièreté, avant de faussement s'excuser pour sa maladresse.

Une fois correctement installée sur la civière, nous nous guidons enfin vers l'intérieur de l'établissement public.

- Très bien, alors, Mademoiselle Ferraro, d'après la radiographie que vous venez d'effectuer, votre coccyx n'est pas fracturé. De plus, ni vos vertèbres ou votre sacrum ne sont touchés, ce qui est plutôt une bonne nouvelle. Cependant, le traumatisme de votre chute a laissé quelques rougeurs au niveaux de vos muscles glutéaux. Elles se transformeront en ecchymoses d'ici demain et persisteront pendant plusieurs jours. Vous aurez du mal à marcher, je vous conseille donc de rester alité pendant quarante huit heures. Nous allons vous prescrire une crème anti-inflammatoire qu'il faudra appliquer localement pendant plusieurs soirs. Sinon, tout est O.K. pour moi. Et n'oubliez pas de faire des bains chauds, ça va vous soulager.

Le docteur, au pied du lit médicalisé dans lequel je me trouve, est en train de griffonner sur une feuille de papier que je comprend être mon ordonnance tout en attendant ma réponse à son diagnostique.

Je souffle, soulagée de n'avoir rien de cassé, avant de remercier le docteur.

- Je vous en pris, assure-t-il, avant de reprendre, cette fois ci nettement moins assuré, coupez moi si je me trompe, mais avez- vous un frère au nom de Roméo Ferraro?

Abasourdie d'entendre ces lettres assemblées les unes aux autres quitter la bouche d'un tel inconnu, seul un rapide et subtil hochement de tête ne lui affirme sa supposition.

Alors ses lèvres reprennent leur danses envenimées, continuant de m'envoyer des poignards en plein cœur, toujours plus profondément, plus ardemment.

- J'espère qu'il s'est vite habitué à sa nouvelle jambe. Ce fut l'une de mes plus grosses opérations, mais, grazie a Dio, ce fut aussi l'un de mes plus gros succès. J'en suis très fière.

Ma tête tourne, tourne, tourne. Mon souffle s'agite, de plus en plus. Je suffoque.

De l'air,

j'ai
besoin
d'air.

Je tente de relever mon corps fatigué, de me barrer de ce lit de merde, de marcher avec ces douleurs de merde, mais le docteur m'en empêche. Il me rallonge lentement. Je sens des gouttelettes chaudes parcourir mes joues.

Oh, je pleure.

J'entends au loin des portes s'ouvrir et se fermer, des claquement de chaussures, ainsi que des ordres venant de tous les cotés de mon crâne.

"Vite! Un masque à oxygène!"

"Son cœur bat trop vite!"

"Putain, mais qu'est ce que se passe ici?"

Ça c'est Hero. M'a-t-il entendu depuis la salle d'attente?

J'ai chaud. Trop chaud. On est dans un volcan ou quoi? J'ai l'impression que je vais exploser, comme cette foutue montagne qui crache du feu.

Mon frère.
Je veux hurler.

Balle dans la jambe.
Je vais hurler.

N'est pas mort?
J'ai hurlé.

Puis,

soudain,

PIC.

Plus rien.

C'est le noir complet.

Vous avez atteint le dernier des chapitres publiés.

⏰ Dernière mise à jour : Dec 21, 2022 ⏰

Ajoutez cette histoire à votre Bibliothèque pour être informé des nouveaux chapitres !

𝐅𝐥𝐞𝐮𝐫𝐬 𝐝'𝐄𝐬𝐩𝐨𝐢𝐫Où les histoires vivent. Découvrez maintenant