Chapitre 19

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Victoria

Dès l'instant où nous entrons dans la pièce, et refermons la porte, le temps semble s'arrêter.

Les murs paraissent aussi épais qu'un tronc d'arbre qu'aucun bruit produit à l'intérieur de cette salle ne pourrait y être entendu en dehors.

À cause de l'absence de fenêtres, nous sommes à demi plongés dans l'obscurité. La chaleur qui règne dans ce petit espace fermé rend l'atmosphère plus humide que jamais. Des gouttes de sueurs commencent même à perler sur mon front.

C'est étouffant.

En embrassant du regard la pièce, la seule source de lumière capte mon attention. Au centre de celle-ci, se trouve une table d'opération, un chariot rempli d'instruments chirurgicaux et une lampe scialytique, éclairant allongée sur la table la policière, attachées aux poignets et aux chevilles par des sangles en plastique.

La femme a les paupières fermées. J'ignore si la raison à cela est qu'elle dort, ou que la vie l'est quittée.

Au dessus de cette dernière, un homme en blouse bleu, sûrement le Dr. Marino, plante une seringue dans le haut de son bras.

- Que fait-il ? demandé-je en chuchotant à Hernandez, qui observe la scène posément.

- Il lui implante une micro puce.

Une micro-puce ?

Sebastian, accoudé contre le mur, contemplant également la scène, baille avant de déclarer :

- Quand cette garce de policière se réveillera, on la tiendra par les couilles. Enfin, plutôt par les nichons.

Qu'est-ce que cet imbécile veut-il dire par là ?

- Silenzio.

La voix rocailleuse du médecin avec un fort accent nous coupe dans notre conversation.

C'est donc lui, le psychopathe ?

Il relève machinalement la tête vers Hernandez, et reprend :
- Herr, la patiente est à présent sous anesthésie locale. Je vais passer à la réalisation de mon intervention.

Elle est donc vivante, pensé-je, soulagée.

- Allez-y, répond le concerné.

Ayant reçut la permission de la part du patron, l'homme en blouse s'exécute, en chantonnant une mélodie dans une langue étrangère. De l'allemand, il me semble.

- Pourquoi est-ce qu'il fait ça ? interrogé-je d'une voix à peine audible.

Hernandez, étant le seul à avoir entendu ma question, ne me répond pas. Je  lui redemande une seconde fois, d'une voix un peu plus forte, mais toujours aucune réponse. Il ne prend même pas la peine de m'offrir un regard.

Très bien. Au diable ma promesse.

Si tu ne veux rien me dire, peut-être que lui, le voudra ?

- Vous, relancé-je, cette fois au chirurgien,  pourquoi lui implantez-vous une puce dans le bras ? Si c'est parce que c'est une femme, et que ça vous amuse, c'est que vous êtes un vrai malade. Je comprends pourquoi vous travaillez avec la mafia, maintenant.

Progressivement, ses yeux remontent et rencontrent les miens. Des yeux aussi bleu qu'un ciel d'été en pleine journée. Des yeux, semblables à deux rayons lasers rouges, qui me scannent des orteils à la tête, s'attardant sur les traits de mon visage.

Bordel, on dirait un détraqué.

Trois mots, incompréhensibles, sortent de sa fine bouche étrangère :
- Ich kenne dich.

Je fronce les sourcils. Vient-il de m'insulter ? De m'informer que j'étais la prochaine sur sa liste ?

Le docteur lâche l'instrument qu'il avait entre les doigts, avant de, lentement, s'approcher de moi.

Merde.

Personne ne s'interpose entre nous lorsqu'il arrive à ma hauteur, glisse son index sur le long de mon nez et balaie mes cheveux de mon épaule droite, révélant ma tâche de naissance en forme de croissant de lune sur ma clavicule.

- Ici, dit-il en la touchant. Ich kenne dich.

Les palpitations de mon cœur s'accélèrent.

Nom de Dieu. Comment sait-il que j'ai une tâche de naissance et comment connaît-il son emplacement exacte ?

Ce n'est pas un psychopathe. C'est un putin de voyant.

Ébranlée par son geste,  je m'écarte de lui.
- Comment-

- Sprich nicht mit ihr, m'interrompt sèchement Hernandez, s'adressant au médecin.

Il sait aussi parler l'allemand ?

S'ensuit ensuite une discussion dans la langue de Goethe, entre les deux hommes, alors que Sebastian, toujours contre le mur, m'observe avec un sourire en coin.

Il doit comprendre ce qu'ils disent, contrairement à moi. Quelle enflure à me narguer.

- Sebastian. Ramène Victoria chez elle, ordonne soudainement Hernandez, d'une voix aussi tranchante qu'une lame de couteau.

- Oui, mon chef.

- Quoi ? m'exclamé-je.

S'il est furieux parce que je n'ai pas respecté ma promesse, il n'en fait rien savoir.

- Ne discutes pas et fais ce que je te dis. Je viendrai te chercher pour déjeuner.

Toute trace de douceur avec laquelle il m'avait parler dans son bureau a disparut dans sa voix.

Sur ce, avant même que je ne puisse riposter, Sebastian avance vers moi et m'attrape le bras, me tirant vers la porte, avec une telle force qu'il m'est impossible de freiner.

- Je vais le tuer ! avertis-je alors que je m'arrache de la poigne du blond dès que nous atteignons les escaliers. Retire tes sales pattes de moi, bastardo !

- T'as toujours envie de te le taper, V ?  s'esclaffe ce dernier.

- Seigneur, donne-moi la patience, soufflé-je, lorsque nous arrivons déjà à l'extérieur.

Je le sens, le trajet va être long...

𝐅𝐥𝐞𝐮𝐫𝐬 𝐝'𝐄𝐬𝐩𝐨𝐢𝐫Où les histoires vivent. Découvrez maintenant