Septième

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-Je ne sais pas si vous êtes réellement là. Mais, merci de ne pas vous approcher de lui. Il souffre déjà suffisamment.

Je geignis faiblement, mon visage se déforma, la sueur me recouvrait depuis un bon moment déjà. Des mains prodiguaient de douces caresses sur mon cuir chevelu.

-Je voulais lui éviter ça, mais, je n'ai pas eu le choix. J'espère qu'il s'en sortira et ne sera pas entaché par mon passé.

Mon souffle me manqua, je suffoquai.

-Lâchez moi, chouinai-je faiblement.

Des larmes roulèrent de mes yeux fermés. Je ne sentais plus mon corps. Mon tibia se cassa soudainement, mon corps se plia, se recroquevilla pour apaiser ma souffrance. Un hurlement vrilla jusqu'à mes tympans. La torture physique s'ajouta à la torture mentale.

-Tu es fort Nao, tu y arriveras.

Je m'y accrochai à ces paroles, je ne devais pas les laisser s'envoler et retourner dans mon désespoir. Il avait raison. Je n'étais pas seul. Je le faisais pour nous ! Je devais tenir pour les revoir encore une fois, souriant, heureux, mais surtout, avec des yeux pétillants. Difficilement, cet os prit une autre forme. Quelques secondes, juste avant de muter une nouvelle fois. La souffrance de mon corps s'arrêta, me laissant me concentrer sur celle dansant dans mon esprit. Et elle, ce devait bien être la pire, la plus insupportable.

-Ils n'existent plus, souviens-en toi.

Ils n'étaient pas réels, non. Tout allait bien, c'était du passé. Du, passé.
Mon corps convulsa, se tournant sur le côté. Mon esprit s'éclaircit. Soudainement, mon corps fatigué se redressa. Mes yeux se rouvrirent à peine que ma tête se tourna, ma bouche s'ouvrit, la bile en sortit. Longuement, la brûlure de ma gorge remonta, puis s'échappa de moi, se déversant sur le sol de mon esprit. Une petite main tiède me caressa le haut du dos. Le dos de ma main m'essuya la bouche, je me retournai vers lui. Un petit sourire fier aux lèvres, mon visage épuisé ne se refléta pas dans le sien.

-Tu as réussi la première étape !

Je revoyais, sur sa peau dénudée, toutes ces morsures, ces griffures, ces bleus et ces traces. Il avait vécu l'enfer, mais, alors, pourquoi semblait-il si fier de moi, juste pour ça ? Quelque chose de si insignifiant.
Mes bras l'encerclèrent, le collant contre moi. Sa tête dans mon cou, ma main exerça de tendres pressions à l'arrière de son crâne.

-Combien de temps est passé ?
-Presque deux semaines
, murmura-t-il.

J'avais l'impression de ne pas avoir ouvert les yeux depuis des années entières. Plongé dans un passé lointain abominable, j'eus du mal à me retrouver moi. J'avais assisté à tout, comme un spectateur impuissant. De sa première mort à la dernière, épiant sa vie, son malheur, mais aussi le bonheur qu'ils avaient eu. Spectateur encore une fois de leur nuit d'amour, là où, à l'abri des regards indiscrets, enfermés dans leurs chambres, ils s'étaient aimés passionnément.

-On pourra les marquer à nouveau dans cette vie, sourit-il.

Je sursautai soudainement, me sentant rougir violemment.

-Nous sommes reliés Nao, je peux entendre tes pensées, et tu peux entendre les miennes.

Mon cœur se brisa un peu plus.

-Je suis désolé.

Il passa ses bras autour de moi, m'étreignant lui aussi.

-Tu n'y es pour rien dans tout ça.

Il soupira discrètement.

-Ce qu'ils t'ont fait, vous ont fait, me repris-je, est monstrueux.
-Mais tout ça est derrière nous
, m'apaisa-t-il. Nous allons pouvoir vivre heureux à cette époque.

Toi et moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant