Quinzième

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-Je vais débarrasser la table, profites-en pour allumer la télé et trouver une chaîne sympa.

Elle s'évapora, ramenant avec elle la moitié de la table encombrée. Il se leva en silence et, alors, marcha jusqu'à la grande télévision accrochée au mur. Un peu penaud, il toucha l'écran de la pulpe de ses doigts, appuyant doucement. Ne voyant pas l'écran s'allumer, il cligna des yeux sans comprendre. Il appuya plus fort, sans que rien ne se passe. Alors, par tous les moyens, il essaya d'allumer cet écran désespérément obscurci. Il se colla même contre celle-ci, la touchant à différents endroits en retenant son souffle.
« Pourquoi cela ne fonctionne pas ? »
« Débrouille-toi, tu dois découvrir le nouveau monde. »
« Est-ce la raison pour laquelle tu m'as fermé tes souvenirs ? »
«
Oui. »
Il soupira faiblement. Puis, sursauta soudainement. La télé venait de vibrer, tout contre lui, émettant un bruit des plus étranges. Il se retourna alors et découvrit notre mère, la télécommande à la main.

-Elle est toujours posée sur la table basse. Comme ça, tu n'as pas besoin d'aller appuyer sur le bouton de derrière.

Il sursauta à nouveau lorsque, laissant ses oreilles capter le moindre bruit, des images furent projetées de l'écran et le son fort qui en sortit soudainement. Il s'éloigna de quelques pas, reportant son regard sur la télé, puis sur notre mère, l'air de rien. Il s'approcha d'elle, reprenant une expression neutre.

-Et donc, comment avez-vous fait ?

Elle pointa du doigt le petit bouton rouge en haut à gauche. Il fronça légèrement les sourcils, contraint de tenir la télécommande qu'elle venait de lui refourguer. Ses différents paquets en main, elle les posa sur la table basse puis les ouvrit sous nos yeux intéressés.
« Ou plutôt les tiens. »
Me renfrognant, je croisai les bras en fermant les yeux, c'était bas ça.

-Tu viens ?

Il s'assit sur le bord du canapé en baissant les yeux sur le sol, la tête faiblement inclinée en avant. Elle se racla la gorge en posant une douce main chaude sur notre épaule.

-Tu, elle inspira discrètement, tu sais, tu es ici chez toi, alors, agis librement et, comme tu le veux.

Il remonta ses yeux jusque dans les siens. Toujours avec cette même expression et cette même émotion. Dans un léger sourire, elle survola notre peau, jusqu'à ce que ses doigts entre en contact avec notre joue. Là, alors, il laissa ses muscles se détendre, ses émotions percer et ses ressentis affluer. Et, je me sentais mal. Cette souffrance déchirante, silencieuse, qui l'habitait toujours me faisait mal à moi aussi. Et, Natio n'était pas là pour l'aider, pour nous bercer, nous rassurer et nous aimer. Lui aussi, il était déchiré, et, il ne voulait pas de nous pour le moment. Il avait besoin d'espace. Cette souffrance n'était finalement jamais partie, elle n'avait jamais eu le temps de guérir, s'amplifiant même avec le temps, horriblement, malheureusement. Nous n'y pouvions rien, c'était le passé, et, même s'il revenait, il fallait le surmonter.
Des yeux larmoyants nous fixaient, juste avant qu'ils ne s'évanouissent, laissant place à des cheveux fins. Nos épaules furent entourées, notre peau réchauffée, elle nous protégeait.

-Je sais que c'est difficile pour vous deux, mais, vous pouvez toujours vous appeler.

Elle se décrocha, essuya ses larmes et nous tendit mon téléphone déverrouillé. Un peu hésitant, presque tremblant, le regard indécis, il finit par le prendre pour le ramener contre lui. Sans insister plus, elle le laissa à ses réflexions, se redressant en attrapant la télécommande. Elle changea les chaînes en nous laissant du temps.
Troublé, le regard incertain, il cherchait la meilleure solution, celle qui ne le mettrait pas en danger et qui lui permettrait d'aller mieux.
Il finit par reposer le téléphone sur la table basse, sous le regard surpris de notre mère.

Toi et moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant