Seizième

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Une première intonation sonna. Le téléphone vibra. Puis, après un léger temps d'attente, il recommença, de nombreuses fois. Dans le silence glaçant de la nuit, dans l'obscurité de la pièce, derrière l'opacité des nuages, la lune se dissimulait.
Une boîte vocale remplaça les intonations, nous laissant déçus. Je coupai l'appel. Puis, j'en recommençai un autre, d'un autre contact. Le même silence s'éternisa, me glaçant un peu plus. Un mauvais pressentiment étirait mes chairs et faisait se contracter désagréablement mon ventre, quelque chose se préparait. En douce, sans que je ne le sache, derrière cette lune joueuse. Rien n'était normal ce soir. Et je le savais, pour avoir vécu quatre soirs là. Emmanuel n'était pas rentré à l'heure habituelle, il n'était pas rentré du tout en réalité.
De même pour Marion, elle semblait s'éterniser chez eux. Leur était-il arrivé du mal ? Cette question me rongea et, bien vite, tordit un peu plus mes entrailles au fil des doutes, des incertitudes qui s'étaient immiscées là, en moi, dans ce cœur amoureux et cet esprit anxieux.
L'appel s'arrêta, le téléphone se reposa. Il était chaud, c'était bizarre, assez désagréable, mais, toujours mieux que lorsqu'il était froid.
Pourtant, il s'éveilla, se ralluma, et sonna, terriblement. La lumière de l'écran m'éblouit, je le pris. Ce numéro n'était pas enregistré, mais, il était la clé.

-Allô ?
-Rendez-vous maintenant.

Une voix m'agressa, une voix d'alpha. Aux intonations sombres et profondes qui ne m'inspiraient que le malheur. Il me communiqua une adresse. Ma veste déjà sur le dos, je dévalai les escaliers et sortis par la porte d'entrée. Je pris le temps de la refermer derrière moi, la verrouillant. Mon sang bouillonnait, mes doigts me picotaient et mes mains tremblaient. Mon instinct me criait de laisser la place à ma forme réelle. Mais, je ne voulais pas attirer l'attention et leur provoquer des problèmes, j'en avais déjà assez fait.
Le cœur battant, mes talons frappèrent durement le sol, ma bouche laissa sortir l'air enfoui dans mon poumons, cet air anxiogène qui s'y était formé et qui me rongeait depuis quelques heures. Je voulais le retrouver, là, maintenant. Non, je devais les retrouver, tous les trois. Mes foulées doublèrent, plus rapides, guidées par la peur de les perdre et par le besoin de les retrouver.
Bien plus vite que je ne l'aurais espéré sous forme humaine, je me retrouvai devant une bâtisse, isolée des autres, plus loin, plus fortifiée, plus grande. Elle ne m'inspirait rien de bon. Mais, je les sentais, leurs odeurs, ils étaient là. L'une douce, apeurée, l'autre plus neutre, plus réservée, et encore une autre, qui faisait revivre mon âme, qui me redonnait espoir, celle-là était piquante. Le portail s'ouvrit sans que je ne bouge. L'air s'infiltrait à l'intérieur de ma bouche, elle se mélangeait à la chaleur de mon organisme. Mon cœur rempli de peur ne se calmait pas, il n'y arrivait pas. C'était beaucoup trop vrai, trop dangereux, trop concret. C'était dur de l'accepter, mais, surtout d'y entrer. Ils étaient en danger loin de moi, mais, qui me dit que nous en ressortirions tous ? Je ne voulais pas le découvrir. Mais, mes jambes me guidèrent, fortes, elle restèrent droites, et, campées, bien accrochées à ces pavés de rue gris de cette allée. Personne n'était dehors, mais, je me sentais observé.
La porte d'entrée s'ouvrit quand je m'y approchai. C'était étrangement rassurant. J'étais attendu, je n'avais pas à attendre que les habitants ne viennent à moi, c'était à moi de le faire et de les affronter. La porte passée, une odeur de bois fumé crépitait dans l'air, au gré de la cheminée dans lequel un feu lumineux régnait. Dans cette grande salle, tous les cœurs s'étaient accélérés, soudainement, à mon entrée.
Des alphas étaient debout, les épaules relevées, ils se faisaient plus grands, et plus imposants. Ils étaient neuf, comme avant. Puis, nos yeux se rencontrèrent, s'accrochèrent et, je me sentis défaillir. Mes idées s'embrouillèrent, se mélangèrent, je ne savais plus laquelle écouter. Celle qui était la meilleure, mais, aussi, celle qui nous sauverait entier. Il secoua la tête, m'implorant de ses beaux yeux de choisir la bonne, de ne pas nous laisser tuer. Le sort se concentrait entre mes mains, et, c'était terrifiant. Mes pieds s'arrêtèrent, mon corps s'immobilisa, tendu à l'extrême. Mon souffle s'était calmé à sa vue, il allait bien, même s'il était bâillonné, qu'il était agenouillé au sol, il se portait bien et était entier.
Me concentrant sur les bruits, je laissai mon regard dériver vers celui apeuré de notre mère, elle ne connaissait pas ça, c'était la première fois. Et, c'était à cause de moi. Celui de notre père était plus calme, bien qu'il surveillait discrètement les alphas, le corps tendu, il tentait d'apaiser sa femme, sans pouvoir lui parler.
Mes yeux croisèrent ensuite ceux de mes ennemis. Des yeux marrons, des cheveux foncés, une peau basanée, sans aucun doute, c'étaient bien les descendants d'Alexandro. L'un d'eux s'avança.

Toi et moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant