Chapitre 0

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Un soir au milieu de l'hiver


                          Soudainement je repense à mon père. A la façon dont j'ai souffert lorsqu'il s'est suicidé. C'est à ce moment que j'ai commencé à tout perdre. Petit à petit, lentement. Des bouts de moi se décrochaient au fur et à mesure que j'avançais. C'était comme si je m'effritais, que mon monde d'enfant s'effritait. Après ça, je n'ai jamais voulu croire au compte de fée. Je n'ai jamais voulu croire en l'amour. Je marchais, solitaire, je n'attendais rien de la vie. J'arborais mon plus beau sourire et je m'en contenté. Je ne me sentais pas vivant, ni même mort. Mais pat se faisait lourd et pénible, mais j'avançais sans discuter. Me tenant toujours droitement, me tenant fièrement. Faisant rire les autres, sans que personne ne me donne le sourire. Aidant les autres sans que jamais personne ne me sauve. Toujours je donnais tous ce que je possédais sans jamais recevoir. Je me montrais parfois dur, caractérielle et autoritaire mais, je n'en étais rien. C'est peut-être ça qu'on pouvait trouver de si envoutant chez moi. Cette façon de cacher ce qu'il y avait de plus profond en moi. Tout en me montrant emphatique et sensible lorsque je chantais alors que personne ne savait d'où venait cette force. C'est peut-être pour ça qu'on m'avait toujours mis sur un podium sans jamais vraiment s'intéresser à moi. Mais ça me convenais, parce que je ne voulais pas qu'on me rende la vie, qu'on m'anime. Parce que vire c'est aussi souffrir et je ne voulais plus jamais avoir mal. Puis je t'ai rencontré, le petit roux, tout mignon, qui avait besoin d'aide. Je t'ai sauvé sans rien n'attendre de toi. Mais je suis tombé amoureux de toi. Tu m'as ouvert les yeux, tu m'as redonné vie et j'ai vraiment aimé chaque moment passé à tes côtés. Je te remercie de m'avoir réveillé. Mais comme dans chaque rêve il y a un cauchemar, le mien m'a rattrapé. C'est comme si, partout où j'allais, quoi que je fasse, il me suivait partout. Peut-être que je n'ai jamais eu ma place dans ce monde, et que ce cauchemar me le rappelait chaque jour. Qu'il me poussait à partir car j'étais de trop ici-bas. Tu ne m'as pas sauvé Mafuyu, parce que je ne te l'ai jamais demandé et que je ne voulais pas l'être. Mais tu m'as aimé, autant que l'on peut aimer quelqu'un. De cette façon, tu m'as permis de tenir encore un peu, de tenir bon pour réussir à connaître, à gouter à ce qu'étais la vie. Et pour cela, je t'en remercie. Mais je dois me rendre à l'évidence que j'ai tout essayée. Je me suis relevé, je me suis battu encore et encore. Pourtant, rien ne change. Je ne peux plus me permettre de continuer en sachant qu'un jour, je pourrais te détruire. J'espère que jamais tu ne sauras ce que j'ai dû traverser pour toi, car tu te rendrais coupable de m'avoir poussé à vivre. Je me souviens d'une conversation que l'on a eue. Tu me disais que mon père c'était donné la mort pour nous montrer son amour, pour nous éviter de souffrir à moi et à ma mère. Il s'est sacrifié pour nous comme Jack s'est sacrifié pour Rose. Mourir par amour est la plus belle chose que l'on puisse faire, non ? J'ai vécu pour toi, je meurs pour toi Mafuyu. Car pour moi, la vie est faite pour ceux qui veulent mourir et la mort pour ceux qui veulent vivre. Quelle ironie, tu ne trouves pas ? J'ai peur, j'ai terriblement peur. Je ne veux pas mourir, je veux rester avec toi pour toujours. Je te regarderais de haut, je te protégerais. Mais s'il te plaît ne pleure pas, rien est de ta faute. Tu as fait tous ce que tu as pu pour moi. Malheureusement, je suis né pour mourir et toi pour vivre. C'est trop dur pour moi de continuer, je ne veux pas que tu me vois pleurer, et je ne veux pas te voir souffrir. Moi aussi, je suis prêt à mourir pour toi. Adieu ma Rose.

Je vide quelques canettes de bière dans l'évier et les balance dans ma chambre. Avec un peu de chance, ils croiront que je me suis fait ses bleus en tombant parce que j'étais bourré. Je défais les draps de mon lit, les noues et fait un nœud au bout. Je l'accroche à une poutre qui traverse ma chambre. Je regarde une dernière fois ma chambre et ma guitare. Jamais je n'irais à la fac, je ne me marierais jamais, je ne voyagerais jamais. Et surtout, je ne lui chanterai jamais ma chanson. J'attrape le papier sur mon bureau, et lit une dernière fois les paroles, comme un hymne pour accompagner mon envole.

« Il neige et j'ai terriblement froid

La neige me transperce

Comme si je coulais dans le noir

Comme si je m'éteignais dans l'ivresse

Cependant, l'hiver c'est montré

Telle un rose glacé

De ses épines ma piqué

Sans ça, la mort m'aurait enivré

Comprends-tu que je chante mon amour à en crever ?

Entends-tu le son de mon cœur s'effriter ?

Sais-tu que ta présence m'a illuminé ?

C'était au milieu de l'hiver

Il me semble

Quand la neige est tombée

Tu m'as dit « vivons ensemble »

Depuis j'ai cessé de dormir

Impossible de m'enfuir

Car sans ma rose gelé

C'est comme s'il n'y avait jamais eu d'hiver

Sans toi, je ne peux exister

La neige a besoin de l'hiver

Tu m'as sauvé de la noyade

Avant que je ne m'évade

Sache que la neige a besoin de l'hiver

Sache que la neige a besoin de l'hiver

Laisse-moi faire de toi la saison blanche

Pour toi, je vivrais en avance

Je tomberais même mille jours d'avance

Sache que la neige a besoin de l'hiver

La neige a besoin de l'hiver

Moi, j'ai besoin de toi »

Je pousse le tabouret. Mes pieds sont dans le vide. La corde m'étrangle. Je ne sens pas l'aire se vider, à croire qu'il n'y en avait déjà plus. Je suis là, je suis au bout du fil de ma vie, au bout du fil qui me relie à Mafuyu, au bout du fil de cette corde.

Jusqu'au dernier instant, je n'aurais pas pleuré. Mes yeux se ferment, mon corps se détend. Je me souviens au dernier moment, que je ne lui ai jamais dit. Notre dernière conversation était une dispute, je ne l'ai pas revu après cela. Je ne l'ai pas embrassé ni serré dans mes bras encore une fois. Je ne lui ai jamais dit que je l'aimais. J'aurais tant voulu lui dire au moins une fois. C'est l'un de mes seuls regrets.

Cette nuit, au milieu de l'hiver, je m'endors éternellement avec sur les lèvres mes derniers mots.

« Je t'aime, Mafuyu».

The thread of my ropOù les histoires vivent. Découvrez maintenant