Chapitre 36

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Namjoon

Elle me manque. Encore une nouvelle année passée sans elle, le temps file et mes souvenirs de son visage sont flous à présent.

Je maudits mon père de ne pas avoir fait attention à elle comme le joyau qu'elle était. La vie à la maison était encore supportable quand ma mère était là, c'est incroyable comme la disparition d'une seule personne peut détruire un équilibre. C'est bien la preuve que ma mère était le vrai pilier de cette famille, que la bonté et l'ouverture d'esprit sont bien plus utiles à une communauté que la violence et la peur.

Comme toujours, sa tombe est bien fleurie. Je sais que mon père vient ici tous les ans sans exception tout comme moi, en dehors de ça il demande régulièrement à ce que des fleurs y soient déposées. C'est pour ça que je viens toujours un jour avant ou après l'anniversaire de sa mort, pour éviter de croiser mon père.

Malgré tous ses travers, on ne peut pas dire que mon père ne soit pas un homme fidèle. Il était tellement amoureux d'elle qu'il ne s'est jamais remarié après. Je le soupçonne d'avoir trouvé en ma mère tout ce qu'il n'aurait jamais pu être, quand elle était vivante il était un peu différent même si je ne m'en souviens que très peu. Elle le rendait meilleur, sans aucun doute.

Ce que je ne saurais jamais, c'est ce qu'elle trouvait à cet homme. 

Ma mère était la seule à voir qui j'étais à une époque où je ne me posais même pas encore ces questions, l'instinct maternel sans doute. Et puis ce rayon de soleil a disparu, et seul dans le noir je me suis perdu. Il n'y avait plus que mon père pour me guider sur un chemin que je n'avais pas envie d'arpenter, mais qui semblait être la seule possibilité. J'aurais préféré apprendre à me défendre plutôt que d'apprendre à faire mal, savoir comment me faire de l'argent plutôt que de le voler ou d'escroquer... Il faut bien se rendre à l'évidence, j'ai toujours été un intellectuel et pas vraiment l'homme de main idéal.

Ma mère m'aurait défendu si elle avait été là, elle aurait fait rentré un peu de bon sens dans le crâne bien trop étroit de mon père, et avec le temps elle aurait gagné, comme l'eau qui érode lentement la pierre. C'était bien la seule capable de ce miracle. Avec des "si", on refait le monde bien sûr. Le fait est qu'elle n'était pas là. 

Dans la mafia on vise les points faibles en priorité, alors évidemment c'est ma mère qu'on a prit pour cible. C'est sûrement aussi pour ça que mon père n'a jamais cherché de relation sérieuse après elle. Pendant longtemps, il s'est servie de ma colère pour me faire plier à sa volonté après sa mort. Je me rappelle être allé casser des gueules un sourire au visage et d'être revenu avec ce même sourire.  Avec le recul maintenant, je me dis que ma mère devait être bien triste devant ce spectacle. 

Je n'avais jamais été fait pour la violence mentalement, j'ai en horreur le bruit d'un os qui en cogne un autre, la vue du sang. Mon corps lui semblait parfaitement taillé pour ce genre de chose. Je me suis calmé éventuellement quand j'ai réalisé que ce n'est pas ce qu'elle aurait voulu que je devienne, mais ça n'efface pas ce que j'ai fait.

Finalement, je préférais régler les conflits sans accrochages, je prenais ma tête des mauvais jours et j'intimidais avec ma carrure au lieu de cogner, je les touchais avec des mots plutôt qu'avec des balles. J'ai toujours eu un don pour les mots visiblement. Evidemment, ça n'était pas du goût de mon père, je devais hériter de son empire corrompu et pour ça je devais en être digne. Je n'étais pas intéressé, mais j'étais un peu coincé aussi.

C'est à cette époque, celle de mon adolescence, que Jin est entré dans ma vie. Je me suis jeté sur lui comme un noyé sur une bouée de sauvetage. Mon seul véritable ami qui ne l'était ni par intérêt ni par crainte, lui qui était aussi coincé que moi dans cette vie, pour des raisons différentes, mais qui comprenait totalement mon ressentiment envers mon père. Il avait le même envers le sien.

Le BossOù les histoires vivent. Découvrez maintenant