Chapitre 8: Souvenir

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 Au loin, on entendit des cris, un cor et le fracas des armes. Ces deux premiers bruits demeuraient communs dans ces contrées. Les orcs rouges avaient pour habitude de régulièrement guerroyer contre les orcs verts. Mais le cor des orcs ne produisait jamais de son aigu, il s'agissait toujours d'un son lourd et grave. Celui qui retentissait à ce moment-là, se trouvait mélodieux, doux. Tout ce remue-ménage réveilla Yorda qui sommeillait alors contre un sapin. Ce n'était pas la bataille qui l'avait sortie de son sommeil, mais bien ce cor inconnu qui retentissait ici et là dans une panique palpable. Là, faisait partie de l'avantage et l'inconvénient du talent du peuple d'ombre ; une ouïe surdéveloppée. Mais ce don, Yorda en reçut une trop grosse part, car elle pouvait entendre bien plus loin que ses congénères. Lorsque les siens pouvaient se concentrer sur des sons autour de deux mille à la ronde, elle arrivait à se concentrer et à percevoir tout bruit jusqu'à une douzaine de mille. Ce qui, lorsque son esprit se détendait et lâchait prise, pouvait former un brouhaha éprouvant dans ses oreilles.

Elle se leva alors, les jambes encore tout engourdies par une position trop longtemps tenue. Puis entreprit de rejoindre sa sœur afin de lui compter ce qu'elle entendait. C'est sans frapper qu'elle entra dans sa chambre. Elle se sentait bien trop surexcitée pour perdre son temps avec les usages.

- Kida ! Kida ! Cria-t-elle en courant devant le bureau dans lequel Kida se tenait. Il se passe quelque chose vers les montagnes d'Handa!

Sa sœur sursauta alors qu'elle s'entraînait à la magie blanche et en renversa la plante qu'elle tentait de faire pousser. Ses fins sourcils se penchèrent vers le bas.

- Combien de fois vous ai-je dit de ne pas m'importuner lorsque je pratique ! râla Kida en ramassant la minuscule plante aux faibles racines. Vous êtes un tremblement de terre à vous toute seule ! Et frappez avant d'entrer, pour l'amour du ciel !

- Mais il se passe quelque chose au loin, je peux l'entendre ! Je n'ai jamais entendu ce cor avant aujourd'hui et vous non plus, je gage. Il faut avertir papa, ce sont peut-être les nains des monts d'argent ? Ils sont en mauvaise posture, je pourrais en jurer !

- Cela m'étonnerait fort, souffla Kida en replaçant son attention sur sa plante. Ils ne sont ni beaux, ni intéressants. L'on pourrait les confondre avec des hommes s'ils n'étaient pas si petits, la seule différence avec eux en dehors de la taille provient de leur nez. Oui, de gros nez avinés la plupart du temps. De toute manière, quoi que vous ayez entendu, ce ne sont pas eux. Ils ne s'aventurent plus guère loin de leur pays depuis que le village d'homme a été détruit. Maintenant, filez ! Allez donc ennuyer Rakan avec vos idioties, j'ai à faire.

Elle tendit son bras vers la sortie et balança sa main d'avant et arrière, un geste très parlant qu'elle reçevait régulièrement.

Quelque peu renfrogné, Yorda décida de partir à la recherche de Rakan. Il était son ami depuis toujours et, à l'instar de sa sœur, ne la renvoyait jamais paître. Elle fouilla tout le palais, passa même dans des ailes dont il lui était formellement interdit de pénétrer, mais ne le trouva point. Il ne pouvait pas être en ville, car ses parents l'interdisaient de s'éloigner. Les parents de son ami faisaient partie de la cour de son père et étaient rongés par une paranoïa qui ne les menait jamais guère loin du château.

Elle se stoppa alors, tria la flopée de son qui l'assaillit lorsqu'elle laissa vagabonder son attention, et se concentra une nouvelle fois sur la bataille. Cette fois-ci le bruit des épées et des arcs se fit plus espacé et des personnes hurlaient dans une langue étrange. Il lui fallait trouver son ami, et vite. La jeune princesse prit un instant pour réfléchir et se souvint qu'il aimait parfois traîner près des écuries.

C'est étendu dans une pile de feuille-morte qu'elle le trouva. Il s'amusait à en former pour mieux se jeter dedans, encore et encore. Lorsqu'il la vit arriver, il ne put s'empêcher de se saisir de ses bras et de la pousser dans les feuilles avant qu'elle n'eut le temps de dire mot.

Cirseï l'exiléeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant