Chapitre 20: Les figés

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 L'imposante carrure du shaeran parut combler toute la pièce. Ses bras ciseaux commençaient à claquer frénétiquement, impatient de découper ce qui se mettrait sur son passage. Il était impossible de dire si le monstre le regardait ou non. Ses yeux blancs demeuraient fixes. Un dernier craquement au niveau de son dos, et il bondit sur Nei qui n'avait osé bouger devant cette scène insolite.

Le garçon esquiva d'une roulade de côté avant de se redresser promptement pour éviter un autre coup de ciseau. S'il se faisait toucher, il serait couper en deux sans effort. Nei n'avait pas le droit à l'erreur. Ses entraînements auprès de l'instructeur du clan ne remontait pas à si longtemps, Vei soit loué, mais l'attaque ne serait d'aucune utilité ici. Seul l'agilité comptait, et en forme humaine tout comme en forme draconique, il excellait en ce domaine.

Un assaut, puis deux, puis trois, puis quatre furent évités de justesse. L'agilité ne lui faisait point défaut, en revanche, son endurance n'avait jamais subit un tel teste. Le figé l'attaquait sans relâche, à un rythme frénétique. Une rafale de cliquetis s'abattit de nouveau sur lui. Cette fois-ci, une fine entaille se dessina sur son avant-bras. Il n'avait pas envie de mourir. Pas ici.

Motivé à fuir, il commença à courir, mais il se ravisa en pensant à la raison de sa venue ici. Se dégonfler aussi près du but lui parut soudainement idiot. Sa sœur avait besoin de lui, Rei avait besoin de lui, surtout le clan tout entier dépendait de sa réussite. Il aperçut les chaînes qui bloquaient le coffre-fort. Une idée lui vint. Aussitôt, il se précipita vers la porte et esquiva encore deux ou trois coups sur son passage. Là, il se concentra profondément. Nei vécu la scène comme au ralenti. Positionné devant les chaînes, il attendit que le shaeran l'attaque à nouveau. Le bruit de chaque pas lent et lourd du colosse résonna contre les parois de pierre. Encore une seconde. La tension était telle qu'il maintenait sa respiration.

Là, une fois devant lui, le monstre leva haut ses bras avant de les faire retomber avec force en sa direction. À la dernière seconde, il se jeta au sol. Les ciseaux vinrent directement briser la chaîne qui se trouvait derrière lui. La porte s'ouvrit en suivant le choc.

Heureux, de sa prestation, il manqua d'attention. Le colosse lui flanqua un coup de pied qui le fit voler contre un mur. Il se sentit sonné, et une sensation liquide et chaude coula à l'arrière de son crâne. Il crût que c'était la fin pendant un instant. Puis remarqua que les ciseaux restaient coincés dans une partie de la porte ouverte. Cette dernière restait attachée aux gonds. Le shaeran donnait toute la force qu'il avait pour les sortir, et en vue de sa carrure, cela ne prendrait pas longtemps. Il devait faire vite.

Il se releva maladroitement avant de s'élancer à l'intérieur de la chambre forte. Le monstre voulu lui asséner un nouveau coup de pied. Nei s'y était préparé et le contourna sans effort. La salle ne contenait qu'un seul coffre si abîmé qu'il s'était écrasé sur lui-même. Il enfonça sa botte dans le bois rongé par les mites et son contenu s'étala parmi les morceaux et copeaux de bois. Des papiers effrités et illisibles, des bibelots étranges et un collier. Le collier.

D'un geste de main furtif, le métamorphe s'en saisit et rebroussa chemin plus vite que jamais. Lorsqu'il dépassait le colosse de pierre, ce dernier venait tout juste de se libérer. Les murs se mirent à trembler à chacun de ses pas tandis qu'il le poursuivait. De ses larges épaules, il cassait tout sur son passage. Heureusement, sa taille et son poids le ralentissait. Nei ne mis pas longtemps à le semer.

À sa sortie, des dizaines de shaerans rodaient maintenant dans les rues sombres de la cité naine. La solution à ce problème résidait en ses talents de discrétion. S'il se faisait voir, il serait réduit en bouillie. Hors la discrétion se refusait à lui, car son poursuivant faisait un carnage. Le bruit que ce titan de pierre faisait percer le silence tels des coups de tonnerres. Tous les yeux blancs se tournèrent alors vers Nei. Et des figés commencèrent à courir vers sa direction, leurs membres aiguisés tendus en avant. Le garçon était cerné de toute part. Une seule échappatoire s'offrait à lui. Une échappatoire qu'il avait déjà pris en considération en arrivant ; le lac souterrain.

Cirseï l'exiléeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant