Chapitre 19: La muse

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– Je suppose que vous n'avez jamais rencontré un rat de votre vie pour sortir une idiotie pareil ! s'indigna Dex après s'être extirpé de l'eau et essoré les pattes.

Il se remua à la manière d'un chien, ce qui rendit ses poils tout drus et pointant vers l'extérieur.

Cirseï se retint de pouffer alors qu'il continuait à fustiger l'elfe. L'énergie intarissable du falaen l'amusait au plus haut point. Elle se demanda à quoi il pouvait ressemblait avant sa transformation, et si ses congénères recelaient autant de bagout. En tout cas, il arrivait toujours à lui remonter le moral. Souvent malgré lui.

Elejhanor ne semblait pas prête à rire. Son visage restait de marbre, seuls ses yeux fixaient la muse dans ses déplacements. Comme si elle se contentait d'analyser la scène sans apporter de jugement. Pour l'instant.

– Vous vous croyez tous instruit et sage ! continuait de pester Dex pendant qu'il se séchait dans une serviette. Mais vous ne savez manifestement pas à quoi ressemble un rat, ni ce qu'est une muse ! N'est-ce pas une honte. Confondre un rat avec une muse ! Je n'en crois pas mes oreilles. Fichus elfes...

Cirseï venait de sortir de l'eau et s'était couverte avec sa serviette, un peu gênée maintenant qu'elle se réalisait toute nue devant la maitresse des lames. Déjà deux personnes l'avaient vu sans vêtements. En ramassant ses affaires, elle écoutait avec attention l'indignation de son compagnon poilu qui se trouvait assez proche de celle proférée lors de leur première rencontre.

– Vous comptez vous excusez ? renchérit Dex. Ou vous allez continuer à me regarder avec vos yeux vides ?!

L'elfe se changea en statue l'espace d'un instant, avant de reprendre vie pour finalement lui répondre d'une voix neutre.

– Un rat qui parle. Fascinant.

Cette fois-ci, elle ne put contenir le rire qui réclamait liberté depuis que Dex avait commencé sa tirade. Ce dernier la fusilla du regard. Aussitôt, sa gorge ravala son hilarité.

– C'est mon acolyte, expliqua Cirseï d'une voix sérieuse comme pour se rattraper. Les dieux me l'ont envoyé. Je ne sais pourquoi d'ailleurs. Ce voyage détient un enjeu bien plus vaste que nous l'imaginons pour qu'ils se mêlent de nos affaires. Je me demande seulement de quoi il retourne...

– En quoi cette chose, dit Elejhanor en dévisageant la muse, pourrait nous être de quelconque utilité ? Que sait-il faire à part déblatérer inlassablement ? Il ne m'inspire rien qu'un mal de tête.

L'archimage plaça instantanément un doigt sur la bouche de son ami à poil avant qu'il n'explose de rage.

– Jusqu'ici, il s'est avéré être un très bon conseiller, le défendit-elle avec affection. Et un très bon ami. Il sait également se faire discret et espionner ou voler aussi efficacement qu'une ombre. Talent que vous maitrisez aussi, n'est-ce pas ?

Le sous-entendu fit mouche. Le visage d'Elejhanor se décomposa une fraction de seconde, ce qui confirma sa culpabilité.

Dex parut surpris de l'audace sensiblement téméraire dont Cirseï venait de faire preuve. Il y avait cinquante pourcents de chance que cette dernière phrase soit une raison suffisante pour la réduire en miette. Pourtant, la dame du nord n'en fit rien.

– Je fais confiance aux dieux, ajouta la zaïss avec fermeté dans le but de combattre le regret qui lui écrasait l'estomac.

– Pour ma part, je ne leur fais plus confiance depuis longtemps, dit Elejhanor en faisant mine d'oublier l'accusation. Ma foi s'est défaite un peu plus à chaque mort, à chaque ville détruite, à chaque dévastation laissé sans punition. Les dieux de justices aiment à châtier les erreurs de leurs créations, mais lorsqu'il s'agit des monstruosités venues des dieux belliqueux, nous sommes laissés pour compte.

Cirseï l'exiléeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant