Chapitre 6: Le plan

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 La colline verdoyante n'échappait pas au vent, au contraire. De puissantes bourrasques s'engouffraient dans la grotte et ne cessaient de déranger les trois membres d'écailles noires postés là. La pluie avait cessé, fort heureusement, mais l'humidité mélangée au vent frigorifiait Nei. L'agréable température présente avant l'orage n'était plus qu'un souvenir.
– Voilà une bonne idée que de se donner rendez-vous dans pareil endroit, et voilà une bonne idée que de vouloir partir à l'aventure par ce temps.
– Arrête de geindre, Nei. Cela fait déjà bien trois fois que tu te plains du vent. Tu as froid, on a saisi, se fâcha Rei d'une voix gutturale. Tu aurais dû prendre une cape de fourrure pour le voyage, c'est ton erreur alors n'en dit plus un mot.

Nei marmonna quelque chose entre ses dents, tandis que sa sœur admirait avec de grands yeux admirateurs l'aisance de parole que l'albinos manifestait à chacune de ses phrases. Voyant cela, Rei se tourna vers elle.
– Tu dois aussi apprendre à communiquer comme je le fais. Tes bredouillements ne suffiront pas. En cas d'urgence, je dois pouvoir te comprendre sans avoir ton frère en guise de traducteur.
– U a éson, articula Mei avec peine.
– Sers-toi de ta langue, comme tu le fais lorsque tu es transformée en femme. Fait la claquer sur le haut de ton palet. Il faut le faire, même si c'est bien plus lourd, fatiguant et compliqué à manier.
– TTu as éson, recommença la dracène.
– C'est mieux.

Le dragon blanc resta muet une longue minute. Il réfléchissait aux petits détails de leur escapade. Vouloir se venger était une chose, pouvoir le faire en était une autre.
– Nous ne devrions pas la chercher sans avoir un minimum de préparation. J'ai confiance en la robustesse de nos écailles face aux armes, mais beaucoup moins face à la magie. Je propose de nous rendre aux montagnes d'argent et de nous arranger pour repartir avec des armures taillées pour chacun d'entre nous. Les armures de Jade sont très chères pour des hommes, alors pour nous...

Un rire moqueur s'échappa de la bouche de Nei. Il gesticula et secoua la tête comme abasourdie des propos qu'il venait d'entendre.
– As-tu récemment bu les concoctions de ton père ?! Oui, je vois bien les nains accueillir à bras ouverts un dragon dans leur montagne, s'exclama-t-il avant de rire de plus belle. Que ne dis-je pas un, mais deux dragons !
– Ne sois pas stupide, tonna Rei. Nous ne nous présenterons pas les premiers. Tu iras t'annoncer au roi et lui expliquera notre demande pendant que nous t'attendrons à une lieu de là. Il a forcément un désir, un besoin, ou quoi que ce soit que nous pourrions faire contre ses armures. Tâche de trouver ce dont il retourne puis reviens vers nous.

Le grognement plaintif de sa soeur qui se taisait jusque-là empêcha Nei de répondre.
– Il... y ... a du... emin...pour... par enir...aux... nains.

L'albinos acquiesça lentement. Il ne voulait pas le dire, mais, tout comme eux, n'était jamais vraiment sorti des zones entourant leur village. En-dehors de la citadelle noire, dont il connaissait déjà l'existence, il savait seulement ce que son père lui avait dit sur les autres peuples. Qu'il y avait de riches nains aux montagnes d'argent qui fabriquaient des armures sans égales au sud-est. Que des orcs rouges et verts se menaient bataille sur bataille près des chaînes de montagnes à l'est. Que le peuple de l'ombre survivait à l'ouest. Et que de nombreuses créatures et peuples migraient, allaient et venaient par-ci et par là. Pour trouver les nains, il allait falloir se diriger en fonction du ciel.
– Nous allons devoir nous nourrir, ajouta Nei en l'arrachant de ses pensées, ainsi que boire. Je n'ai pas envie de partir pour mourir bêtement.

En guise de réponse, Rei lui tourna le dos et saisit quelque chose. Il posa un volumineux sac fermé par une corde devant les faux jumeaux.
– Je porterais ce sac durant tout le voyage, annonça-t-il. Il contient des gourdes d'eau pour toi, des grosses pièces de viande pour nous tous et des pains. Je ne peux pas prendre assez d'eau pour moi et Mei, nous devrons nous trouver des rivières et lac afin de nous abreuver. Nous nous ravitaillerons par la chasse ou grâce aux nains, selon ce qui est possible.

– Sans vouloir te vexer, ton plan me paraît bien boiteux. Nous devrions partir en quête de vengeance sans avoir aucune assurance de survivre à la faim, à la soif, au temps ? Chercher des nains cachés au sud dans l'espoir qu'ils acceptent de nous aider ? Et pour finir, nous ne savons pas non plus où se terre la sorcière.

–Nous aurons les informations en temps voulu. Ne t'inquiète pas autant pour la nourriture, s'il en manque, j'en chercherai. Quant à sa position, je compte bien faire toutes les terres pour la trouver. Tu dois avoir confiance.

Nei recommença à marmonner entre ses dents en tournant sur place, les poings contre ses hanches. Puis il fit un rapide signe de son nez en trompette à sa sœur, l'intimant implicitement à faire son choix.
– Je eux... re eunir...une... dame. Je le...sssuis.

Dans un soupir exaspéré, son frère laissa tomber ses bras le long de son corps.
– Très bien, si elle te suit, alors moi aussi. Et que les dieux nous protègent. Seulement, je vais quand même revenir au village pour récupérer mon manteau et mes chaussures de fourrure. Il est hors de question que j'aille aussi haut dans les airs sans protection contre le froid.
– Comme tu voudras, répondit Rei en se rendant près de la sortie de la grotte, mais fais vite. Faire le tour de ce monde prendra du temps. Nous devons partir sans attendre. Et, s'il te plaît, fais-toi le plus discret possible. Je ne veux pas que mon père comprenne tout de suite ce que nous nous apprêtons à faire. Il le saura bien assez tôt avec son fichu don de vision.

Nei, qui commençait déjà à descendre la colline, le rassura avec arrogance.
– Je serais invisible.

Cirseï l'exiléeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant