Fille De Dragon [TERMINÉE]

Chapitre Un

Aria

Concentrée au maximum, je sentais les battements de mon cœur dans ma poitrine, et mon souffle lent et calme sortir de mes lèvres entrouvertes. Je tendis mon arc, bandant mes muscles. Inspiration. Visant avec précision ma cible du bout de la flèche. Je retins ma respiration, et décochai ma flèche. Sifflant à travers les bois, elle atterrit pile au centre de la croix que j'avais tracée quelques minutes plus tôt. Tranchante. Vive. Une exclamation joyeuse retentit dans la clairière.

- Elo ! (Wow) Encore en plein dans le mile ! Bravo Ria !

Je me tournai vers Indis, le sourire aux lèvres.

- Hannon le ! (Merci) Lui lançais-je modestement en allant chercher ma flèche.

Ma meilleure amie m'emboita le pas, parlant avec animation. Comme à son habitude, elle était de bonne humeur et son sourire était communicatif. Sa tresse couleur de feu se balançait derrière elle, et ses yeux verts rieurs pétillaient d'excitation.

- Si tu continues comme ça, disait-elle, tu vas même bientôt pouvoir battre Legolas ! Et c'est le meilleur archer de l'armée, tu t'en rends compte ?! Si ça se trouve, vous allez même tomber amoureux, et fonder une famille... Ajouta-t-elle en battant des cils sur un ton romantique tout en joignant ses mains.

J'éclatai de rire en rangeant ma flèche dans mon carquois.

- Tu vas un peu vite en besogne, tu ne trouves pas ? Répliquais-je.

- Moi ? Jamais ! Rétorqua-t-elle en roulant des yeux. Mais tu ne vas tout de même pas me dire que tu ne le trouves pas... Mignon ?

Je me retournai vers elle en faisant la moue.

- Mignon ? Répétais-je, moqueuse. Dis-donc, ce ne serait pas toi qui le trouves à ton goût, mellonamin (mon amie) ?

Indis ouvrit la bouche, mais son sourire m'en disait assez. Je lui lançai un coup de coude et sans lui laisser le temps de répondre, lui tapota le haut de la tête avec ma flèche.

- Il va falloir lui déclarer ta flamme, Ind'... Minaudais-je.

- Arrête ! Pouffa-t-elle en me poussant.

J'esquivai en me baissant, et faucha les jambes de mon amie à l'aide de mon carquois. Tombant sur le sol en riant, elle attrapa son couteau de poche, et je sus qu'elle allait gagner si je ne me mettais pas à courir. Si Indis n'était pas la meilleure au tir à l'arc, elle avait une technique au combat rapproché irréprochable ; elle me devançait de loin, et je n'avais jamais gagné un seul combat contre elle.

D'un bond, je me remis sur mes pieds, et partit en courant, carquois et flèches à la main. Je sautais pour éviter les énormes racines, sans ralentir la cadence. Au bout de quelques secondes, j'entendis mon amie courir à mes côtés, suivant mon rythme sans peine.

- Alae (ah) ! M'écriais-je. Tu vas me rattraper !

- Et t'as encore rien vu, Ria ! Clama-t-elle.

Un sifflement strident déchira l'air, et le couteau me passa sous le nez à quelques centimètres de mon visage.

- U-avorn (doucement) ! M'exclamais-je, tandis que la lame se ficha dans un tronc d'arbre.

- Je t'ai loupé ! Dommage ! Rétorqua Indis en me tirant la langue, insolente.

- Tu vas voir, toi !

M'armant de mon arc, je la visai tandis qu'elle zigzaguait entre les arbres pour me rendre la tâche plus difficile. Sauf que je n'étais pas la deuxième meilleure archère de l'armée pour rien ; et c'est même en accélérant un peu l'allure que je décochai ma flèche. Un cri de surprise me tira un sourire de victoire, et je rejoignis ma meilleure amie en ralentissant l'allure.

- C'était pas du jeu ! Glapit-elle quand je m'approchai.

Indis tira sur la flèche qui l'avait arrêté net dans sa course, accrochée à sa tunique et à l'arbre. J'haussai un sourcil, un sourire moqueur aux lèvres.

- Cenin (je vois)... Donc toi, tu as le droit de me lancer des poignards en pleine tête, mais moi je n'ai pas le droit de te lancer des flèches ?

- Il fallait bien que je te rende la monnaie de ta pièce ! Répliqua-t-elle en riant.

- Aria ! Indis !

Nous levâmes la tête en même temps vers le nouvel arrivant, tandis que Legolas nous rejoignait à pas rapides. Indis se rapprocha de moi et me lança un coup de coude discret avant que nous n'échangions un regard malicieux. Le prince Legolas Vertefeuille se stoppa à notre hauteur, ses yeux bleus perçant nous scrutant chacune notre tour. Il avait dû remarquer notre échange silencieux.

- Ernil Legolas (Prince Legolas), tout va bien ? S'enquit Indis.

- Indis. Aria. J'ai besoin de vous pour la patrouille de cet après-midi, deux de mon escouade ne pourront pas venir. Nous expliqua-t-il rapidement.

La Forêt Noire, où nous habitions, était infestée depuis des années maintenant par d'énormes araignées répugnantes. Legolas avait mis en place une patrouille le matin et une patrouille l'après-midi pour éviter que les arachnides n'envahissent les alentours du palais, et ce n'était franchement pas une partie de plaisir. En tout cas, pour moi, car même si ces araignées me dégoûtait, devoir les tuer ne m'enchantait pas pour autant. Mais si ce n'était que ça ! Je me pinçai les lèvres en acquiesçant, tandis qu'Indis affirmait à Legolas que nous serions libres sans aucun problème. L'elfe repartit dans l'autre sens, nous laissant de nouveau seules. Ma meilleure amie se tourna illico vers moi.

- Tu es bien calme. Ça ne va pas ? Remarqua-t-elle.

Je secouai la tête.

- Non, non rien, tout va bien. Je réfléchissais, c'est tout.

- À...

- Oui. La coupais-je en posant un doigt sur mes lèvres.

Legolas n'était pas encore assez loin de nous pour ne pas nous entendre, et je ne tenais absolument pas à ce qu'il découvre mon secret. À part Indis, personne chez les elfes sylvestres ne savaient que je n'étais qu'à moitié elfe. J'avais gardé mes pouvoirs cachés depuis mes dix ans, tout en m'entraînant secrètement pour garder mon niveau de magie stable. J'avais fait confiance à Indis, et lui avait révélé la vérité ; et c'était beaucoup plus simple d'avoir une complice ! Elle essayait d'être souvent avec moi, au cas où je ferais une gaffe et qu'il faudrait me couvrir. Donc, les patrouilles ensemble, ça nous connaissait, car c'était l'endroit le plus dangereux pour moi : si jamais dans le feu de l'action j'avais besoin de mes pouvoirs, je serais révélé au grand jour.

Indis posa une main ferme sur mon épaule, me tirant de mes pensées.

- Tout va bien se passer, me rassura-t-elle. Allez viens, on rentre.

- Tu as raison, Ind'. Allons manger ! J'ai faim ! M'exclamais-je en souriant.

Bras dessus, bras dessous, nous partîmes vers le palais. Le cœur plus léger, un sourire transperça même mon visage d'habituel calme et indéchiffrable. Indis avait raison : tout allait bien se passer. Je n'avais jamais fait de gaffe, alors pourquoi ce jour-ci serait-il différent ?

Durant le trajet du retour, mes pensées divaguèrent de nouveau, tandis qu'Indis blablatait joyeusement. Aujourd'hui était un jour spécial puisque c'était le jour de mon anniversaire. Celui où, il y a neuf cent quatre-vingt dix ans plus tôt, j'avais été enlevé par une patrouille des elfes sylvestres. Aujourd'hui, j'avais donc mille ans, mais mon père me manquait toujours autant. Ça, je n'en avais pas parlé à Indis. Ou tout du moins, je ne lui avais pas dit qui était mon père. Seul Thranduil Vertefeuille, le Roi et le père de Legolas, soupçonnait quelque chose. Enfin, je n'en étais pas certaine, mais je ne vois pas pourquoi des elfes m'auraient enlevé si leur Roi ne leur avait pas donné l'ordre de le faire. La question qui restait et auquelle je n'avais toujours pas de réponse était... Pourquoi ?

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