Aube Chapitre 4

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Les jours suivants ne furent qu'une suite d'heures d'attente et de préparatifs frénétiques. Pendant qu'elle dormait, le conseil du village s'était mis d'accord pour qu'ils fuient la sécurité toute relative de leur petit bourg qui avait poussé au bord d'un des nombreux bras de la Veine, pour celle beaucoup plus solide des remparts de ChateauClair, la demeure du Duc. La nouvelle avait évidemment fait sensation dans le village, mais d'une curieuse manière. Aube s'était attendue à des mouvements de panique, des cris, des évanouissements... Il y en avait eu, évidemment, certains enfants s'étaient mis à pleurer pendant le discours de Darius et on avait dû les emmener à l'écart, il y avait eu quelques cris, des gémissements étouffés, mais dans l'ensemble, Aube s'était trouvée d'accord avec Maggy quand elle avait déclaré que les habitants d'EauClaire étaient d'un courage remarquable. Tout le monde passa cette journée dans les champs, à engranger le plus de récoltes possible avant le grand départ. Beaucoup étaient restés debout une partie de la nuit pour entasser ce qu'ils pouvaient emporter de provisions sur absolument chaque charrette dont disposait le village. Merak, le père de Karib, qui était menuisier, travaillait d'arrache-pied à la réparation des chariots les plus abîmés et il avait embauché pour cela son fils, sa fille, mais aussi Hérénam et Jude. Aube, quant à elle, devait toujours rester dans le champ de vision de Maggy. La vieille femme ne tolérait pas qu'elle s'éloigne plus que nécessaire et avait même insisté pour qu'elle vienne habiter chez elle jusqu'au départ qui était prévu pour la sixième aurore suivant le jour du discours de Darius. La guérisseuse avait prétexté qu'avec la guerre qui approchait, sa science des soins serait mise à rude contribution et qu'elle tenait à ce que son élève fasse honneur à son enseignement, mais Aube soupçonnait que de cette manière, la guérisseuse était certaine que si quoi que ce soit de magique se produisait, elle en serait témoin. Sur ce point, elle se trouva déçue, car rien d'inhabituel ne se produisit autour de son apprentie au cours de la semaine qui s'écoula en moins de temps qu'il n'en faut pour cligner de l'œil. La veille du départ, Maggy avait autorisé Aube à quitter sa chaumière pour aller dîner avec Jude et Hérénam. Le jeune homme, qui vivait seul depuis le départ de sa petite sœur, était allé trouver la guérisseuse pour réclamer ce moment en famille, que la vieille femme avait été bien en peine de leur refuser. Aube s'était apprêtée aussi bien qu'elle en fût capable. Elle n'aurait jamais le talent de Jude pour ces choses-là. Une fois de plus elle avait raison, car en entrant dans ce qui avait été son foyer pendant de si longues années elle trouva son frère attablé en compagnie d'une fée. Jude avait natté sa longue chevelure blonde et portait une robe d'un tissu qui semblait découpé dans un morceau de ténèbres, relevé aux extrémités et sur le décolleté par de petites dorures qui faisaient ressortir l'éclat de ses cheveux. Ses grands yeux aux longs cils et son visage fin maquillé avec subtilité s'éclairèrent en la voyant entrer, ce qui eut pour effet de réchauffer profondément le cœur de l'apprentie de Maggy. Celle-ci marqua un temps d'arrêt en découvrant l'apparition, ce qui n'échappa pas à son frère qui éclata d'un grand rire avant de se lever pour l'accueillir et la faire s'asseoir, ce faisant il la serra dans ses bras.

« Tu nous as manqué petite sœur ! Lui dit-il en retournant prendre sa place.

- C'est bien vrai. Karib et Mira sont de très bonne compagnie il est vrai, mais le vieux Merak est toujours un peu bougon et il voit d'un mauvais œil, la manière dont Mira est aux petits soins avec Hérénam.

- C'est vrai ce qu'elle raconte ? Le taquina Aube en se servant dans une assiette de pommes de terre au beurre. Hérénam rougit légèrement.

- C'est vrai qu'elle a l'air de m'apprécier... Voulut-il éluder en découpant un morceau de saucisse pour le déposer dans son assiette. Jude ne lui en laissa pas la possibilité.

- Elle t'apprécie énormément d'après ce qu'elle m'a raconté avant-hier. Hérénam manqua de s'étouffer et toussa bruyamment.

- Qu'est-ce qui te fait dire ça ? Demanda Aube à son amie tout en tendant la carafe d'eau à son frère qui s'en empara pour y boire directement.

L'HÉRITAGE DES TEMPÊTES Tome 1 La Guérisseuse, L'Érudite Et La PrincesseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant